Auteur Sujet: Propositions personnelles pour un État démocratique  (Lu 5117 fois)

Orphel

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Bonjour à tous ! :D

Étant un démocrate dans l'âme, j'ai souvent réfléchi à l'établissement d'un gouvernement démocratique. Récemment, j'ai pris le temps de mettre par écrit toutes les idées qui me sont venues.
Et puis bon... Comme c'est un peu frustrant de faire un travail de ce genre sans pouvoir vraiment le partager, je me réjouit de voir enfin un sursaut démocratique dans notre pays avec des gens qui se regroupent en masse, sur les ronds-points, les péages et sur internet, pour faire bouger les choses !
Et du coup, je me permet moi aussi d'apporter ma contribution à cette magnifique entreprise humaine qu'est la démocratie.

Je me permet donc de vous partager en format PDF le résultat de mes réflexions, en espérant que vous pourrez y trouver des éléments intéressants ou me corriger sur quelques points qui vous semblent inutiles ou idiots ^^'

P.-S. : Désolé d'avance si vous y trouvez quelques fautes de français et entorses à notre langue, normalement vos yeux ne devraient pas subir de fracture mais bon, sait-on jamais... ^^'

P.-P.-S. : Aussi, le texte est long (60 pages ^^' je ne m'attendais pas à ce que ce soit si long quand j'ai commencé...), donc prenez le temps qu'il vous faut
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

Bernard Décombe

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #1 le: 09/01/2019 19:42:55 »
P.-P.-S. : Aussi, le texte est long (60 pages ^^' je ne m'attendais pas à ce que ce soit si long quand j'ai commencé...), donc prenez le temps qu'il vous faut

Bonjour,
Le sujet m'intéresse, mais ne serait-il pas judicieux d'en mettre sur ce forum, un aperçu ? ...
Et par exemple les titres de chapitres ou de paragraphes ...
Certain malotrus à l'esprit tordu pourraient craindre de télécharger un texte relativement important sans savoir ce qu'il contient ...


Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #2 le: 09/01/2019 22:25:37 »
C'est vrai c'est vrai... J'y avais pensé mais j'ai pas voulu copier/coller tout le texte d'un bloc et le mettre ici parce que j'ai penser que ce serait trop gros pour un seul post. Mais le mieux est encore que je le fasse en plusieurs fois : un post par partie.
Il y a un total de 11 parties (une partie sans nom au début qui sert vaguement d'introduction, un préambule, puis 6 parties proprement dites, deux addenda et enfin une page consacrée à des références et des liens pour aller plus loin) donc je vais publier 11 postes à la chaîne (celui-ci inclus). Donc c'est pas du spam, c'est juste mon travail tout restitué d'un bloc ^^'

Je poste ici le sommaire et « l'avant propos » (la partie sans nom qui sert d'intro) :

Sommaire :
Avant-propos
Préambule. L'Axiome démocratique : La Démocratie par principe
Partie I. Le Référendum d'initiative citoyenne
Partie II. Le Parlement
Partie III. Le Gouvernement et ses rapports avec le parlement : le type de régime
Partie IV. Du Pouvoir judiciaire : Constitution, qui l’interprète et la protège ? Et de quelles dérives se méfier ?
Partie V. Du Pouvoir judiciaire : Juger les élus, la Justice au service de la Démocratie
Partie VI. Les Institutions au niveau local
Addendum I. La Question du Chef de l'État
Addendum II. Le problème de la démocratie : l'éducation populaire
Références, et pour aller plus loin


Avant propos :

   Nous ne sommes pas en Démocratie. Cette phrase n’est pas là pour lancer une polémique populiste ou anarchiste, elle est tout simplement factuelle, mais attention : il n’est pas question ici de jugement de valeur ! Cette phrase ne livre pas un jugement moral, elle décrit simplement un fait véridique : le régime français actuel n’est pas basé sur le principe de la « Démocratie » tel qu’on l’entendait de l’antiquité jusqu’à la révolution française, mais sur celui du « Régime représentatif ». Dans une « Démocratie », le peuple, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, exerce directement le pouvoir politique. Tandis que dans le « régime représentatif », le peuple ne fait que désigner des dirigeants qui exerceront ce pouvoir pendant un temps donné — le temps de leur mandat — durant lequel ils n’ont absolument aucun compte à rendre au peuple. Ce qui est le cas en France : le peuple n‘a pas son mot à dire dans l‘élaboration des lois et la politique du pays. Tout au plus se contente-t-il de choisir ses maîtres pour cinq ans, mais une fois les maîtres choisis, ils n’ont aucunement le devoir légal de respecter l’avis des citoyens.
Beaucoup de gens considèrent le régime représentatif comme un régime démocratique, et parlent de « démocratie indirecte » ou encore de « démocratie représentative ». Mais ce terme est un oxymore, car il faut se rappeler de ce que disait l’abbé et homme politique français Emmanuel-Joseph Sieyès à propos du régime représentatif. Sieyès était un homme politique français contemporain de la révolution française, il fut membre du gouvernement sous la Première République en tant que directeur, puis fut nommé deuxième consul lors de l’instauration du Consulat, pour finir membre du Sénat conservateur et Comte d’Empire sous Napoléon. Mais surtout, il fut l’un des artisans et ardents défenseurs du régime représentatif, tel qu’appliqué encore aujourd’hui, qu’il opposait à la démocratie et contre laquelle il se battra toute sa vie, allant même jusqu’à lui préférer l’Empire napoléonien. Sieyès, dans un discours prononcé le 7 septembre 1789 lors d’un discours devant les parlementaires, dira ceci à propos de la démocratie et du régime représentatif :
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Dire de l’abbé Sieyès, sur la question du Véto royal, à la séance du 7 septembre 1789)
Voilà qui a le mérite d’être clair : le régime représentatif a non seulement été pensé en opposition à la démocratie, mais il a été instauré pour lui faire barrage ! Donc parler aujourd’hui de « démocratie représentative » est un non-sens absolu ! Autant que parler de « démocratie dictatoriale ». Soit le régime est une dictature, soit c’est un régime représentatif, soit c’est une démocratie. Mais ces régimes étant en opposition les uns les autres, on ne peut parler de « démocratie représentative ». Et tous ceux qui défendent le régime représentatif en l’appelant « démocratie » sont de deux catégories : les premiers ont oublié ce que « démocratie » veut réellement dire, et se sont fait abuser par les seconds, et Sieyès se rit de ceux-là depuis sa tombe ; et les seconds maquillent délibérément le régime qu’ils défendent en l’appelant « démocratie ». Car cela donne au régime représentatif l’aura attrayante, l’image populaire et vendeuse de la démocratie, considérée comme le régime le plus légitime dans l’esprit de beaucoup. Mais ils abusent délibérément les gens en faisant cela. Car il ne faut jamais oublier que, quand un partisan du régime représentatif s’appelle un « démocrate », il fait exactement ce que faisaient — et font toujours — les dictatures communistes du XX° siècle quand elles nommaient leurs pays « République populaire de Chine » ou encore « République démocratique d’Allemagne ». Les termes « populaire » ou « démocratique » sont ici employés pour donner l’impression d’un régime démocratique, mais ils sont galvaudés, et ces deux appellations sont tout aussi mensongères que celles de « démocratie indirecte » ou de « démocratie représentative ».
Dans une démocratie, le peuple dans son intégralité exerce directement le pouvoir. Donc le terme de « démocratie » sous-entend nécessairement l’adjectif « direct », car la notion de « démocratie directe » est un pléonasme, inventé pas les partisans du régime représentatif pour pouvoir la mettre en parallèle avec celle de « démocratie indirecte » afin de donner un sens à ce terme alors qu’il n’en a aucun, pour poser le régime représentatif comme un « sous-genre » de démocratie et le faire ainsi accepter par les démocrates.  Mais en réalité, il n’y a de démocratie que la démocratie « directe », et parler de « démocratie directe » revient à parler de « vraie Démocratie », donc de « Démocratie », tout simplement.
Et si l’on avait dit à Sieyès que deux siècles plus tard, il se trouverait des gens se pour se croire vivre en « démocratie » dans un régime représentatif, il est difficile de dire s’il aurait explosé de rire, se moquant d’eux allègrement, ou s’il se serait frapper le front avec la paume de la main, dans un soupir consterné, ou encore s’il aurait tout simplement refusé de croire en la possibilité d’une situation aussi invraisemblable à son époque tant la distinction entre les deux était évidente pour tout le monde…
   Mais attention : il ne s’agit pas ici d’attaquer le régime représentatif sur un jugement de valeur ou de le traiter de dictature ! Et il convient de rappeler que le Régime représentatif se distingue de la dictature et se rapproche de la démocratie en cela qu’il est un « État de droit », c’est-à-dire qu’il garantit une — parfois relative — égalité des citoyens devant la loi, mais aussi la séparation des pouvoirs pour éviter qu’une seule institution, ou une seule personne, n’abuse de tous les pouvoirs, ainsi que les libertés individuelles fondamentales, dont la liberté d’expression, ce qui permet aux citoyens de débattre et de manifester leurs opinions, leurs mécontentements ou leurs idées, comme en démocratie. Mais, contrairement à la démocratie, les manifestations et les débats citoyens n’auront alors aucune influence sur la politique du gouvernement dans le Régime représentatif, car le gouvernement, bien qu’élu par le peuple, est libre de ne pas l’écouter une fois élu. On le voit d’ailleurs avec les manifestations dans la rue, bien peu d’entre elles sont suivies par les gouvernements.
Donc le régime représentatif est un type de régime possédant son identité propre, au même titre que l’aristocratie, la monarchie, la théocratie ou la démocratie, et appartenant, avec la démocratie, à la catégorie des États de droit. Donc s’il fallait choisir entre la dictature militaire totalitaire et le régime représentatif, ce dernier serait sans doute le plus désirable des deux. Mais il n’est PAS une démocratie.
   Cela étant dit, on peut défendre le régime représentatif. Car, comme dit précédemment, il fait partie des régimes respectant l’État de droit, assurant la liberté, le respect de l’individu et évitant le totalitarisme. Donc on peut le défendre, mais si on choisit de le défendre, on doit faire preuve d’honnêteté intellectuelle, et assumer que le régime que l’on défend N’EST PAS la démocratie, et cela sans aucun jugement moral ! Car c’est une technique très malhonnête que de le faire passer pour un régime démocratique en utilisant l’oxymore de « démocratie représentative ». On peut défendre ses idées, mais en les assumant, et au moyen d’arguments valides et rationnels, pas de sophismes, de jeux sur les mots, de notions ineptes et incohérentes inventées de toutes pièces ou de formulations fallacieuses.
   Maintenant qu’il est établi que nous ne sommes pas en démocratie, le but des pages qui vont suivre ne sera pas de faire un plaidoyer pour dire en quoi il faudrait que ce soit le cas. Mais plutôt, partant du principe que la démocratie est une bonne chose, mais qu’en même temps elle est compliquée à mettre en place au niveau national (comment demander son avis à un peuple de plusieurs millions d’individus sur toutes les questions politiques ?), comment concevoir un régime qui soit le plus démocratique possible, tout en maintenant des institutions nationales capables de prendre des décisions. C’est donc avec cet objectif que je me propose, en tant que citoyen sans expérience de la vie politique, d’écrire ce texte. Humble contribution au débat sur la démocratie, il ne présente rien de particulièrement novateur, mais condense dans un seul texte le gros des idées qui sont les miennes pour la démocratie.
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #3 le: 09/01/2019 22:28:20 »
Préambule. L’Axiome démocratique : La Démocratie par principe

   Le principe sur lequel est fondé le texte ci-présent, qui tente donc de proposer un État le plus démocratique possible, est qu’une décision légitime est une décision qui consulte toutes les personnes impliquées par ladite décision. La démocratie — sous-entendue directe, donc — étant le régime qui institutionnalise ce principe, elle est, en conséquence, le régime le plus légitime.
Néanmoins, La démocratie « directe » est difficile à mettre en place quand la population devient trop grande, comme c’est le cas à l’échelle d’un pays entier. Car l’ensemble du peuple ne peut se constituer en assemblée. En effet, la démocratie nécessite la participation directe de l’ensemble des citoyens dans chaque décision prise par l’État, chaque loi, chaque règlement — acte du pouvoir exécutif — chaque décret, devra être voté par le peuple et doit donc, idéalement, faire l’objet d’un vote article par article. Tout en sachant qu’un tel vote demande plusieurs semaines — au moins — de débat publique pour que les citoyens puissent avoir un avis éclairé, réfléchi et rationnel sur la question posée, et qu’un simple arrêté ministériel peut facilement avoir plusieurs dizaines d’articles. Cela paraît donc impossible.
Une manière de pallier ce problème est de proposer plusieurs questions quotidiennes sur un site internet du gouvernement, ainsi, il suffira aux citoyens de se connecter tous les jours et répondre à ces questions pour participer à l’orientation politique du gouvernement. Ce n’est pas une idée inintéressante. Mais elle ne résout pas tous les problèmes, bien au contraire : la réponse à ces questions nécessite souvent un temps de réflexion et de débat pour être réfléchie et rationnelle, ce qui n’est pas possible avec un sondage quotidien. Mais il ne doit pas consister en plus d’une question par semaine, voire par mois, pour être sûr que les personnes qui répondent aient pu avoir le temps de réfléchir correctement à la question posée, mais aussi que le maximum de personnes s’y soient connectées, car tout le monde n’a pas toujours le temps de se connecter quotidiennement sur un site internet. Mais une question toutes les quelques semaines ne permet pas de mener une politique gouvernementale et de gérer les affaires courantes quotidiennes, encore moins une par mois.
De plus, quid des gens n’ayant pas accès à internet ? Car il y en a toujours, même aujourd’hui.
Et quid aussi, et même surtout, des tentatives de piratage contre lesquelles un tel système devra en permanence être protégé !? Il est certains que ce système sera la cible régulière des pirates, et il est impossible qu’au long terme, toute ces tentatives aient toujours échoué. Et il est évident que ce site internet sera la cible régulière des attaques, dont tôt ou tard l’une d’entre elle réussira. Et ces attaques ne viendront pas forcément de pirates particuliers voulant faire adopter leurs idées, ou voulant troller en faisant adopter des décisions mauvaises, voir à l’évidence stupides, je crains beaucoup plus des attaques venues de services informatique étrangers. En effet, on a vu en 2015 que même les États de Droits comme les États-Unis d’Amérique n’hésitaient pas à espionner les dirigeants des pays alliés en les mettant sur écoute, comme ils ont fait avec la chancelière allemande Angela Merkel. Imaginez donc ce qu’ils pourraient faire, et ce que pourraient d’autres pays aux gouvernements moins attachés au Droit comme la Russie, si un pays comme la France, le Japon, la Suisse ou l’Italie mettait à disposition de leur population un site internet pour prendre des décisions politiques, parfois d’importance mondiale ?
   Il parait donc nécessaire d’avoir des responsables politiques si l’on veut garder un État à l’échelle nationale. Et de mêler démocratie directe et régime représentatif.
   En fait, il s’agit de tenter d’instaurer le régime le plus démocratique qui soit, tout en préservant des institutions stables — qui puisses durer dans le temps — et capables de prendre des décisions réfléchies et efficaces, avec un gouvernement représentatif mais qui sera encadré par la démocratie et qui sera aussi le plus fidèle que possible à la population dans sa constitution. Et c’est ce que nous tenterons de voir dans les pages qui suivent.
   Notez tout de même que ces problèmes se posent au niveau national, mais moins, voire presque pas, à des échelles beaucoup plus locales. Et la démocratie au niveau local pose donc moins de problématique qu’au niveau national. Elle sera d’ailleurs abordée en dernière partie de ce texte, car je tenterais aussi de proposer des institutions locales.
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #4 le: 09/01/2019 22:29:52 »
Partie I. Le Référendum d’initiative citoyenne

   Condition fondamentale d’un État le plus démocratique possible à l’échelle d’un pays, l’instauration du référendum d’initiative citoyenne — que l’on abrégera par la suite en RIC — constitue l’unique paramètre nécessaire et indispensable à un processus de démocratisation digne de ce nom au niveau national. En effet, il permet aux citoyens de faire entendre leurs volontés et permet donc d’encadrer les représentants. Un régime représentatif couplé au RIC est ce que l’on appelle traditionnellement une « démocratie semi-directe ». Car si des représentants sont indispensables, le Référendum d’initiative citoyenne vient ramener de la démocratie directe.
Concrètement, il permet, si un certain nombre de citoyens signent une pétition, d’enclencher un référendum sur une question posée, celle-ci pourrait concernée la promulgation ou l’abrogation d’une loi, au niveau législatif, donc ; mais aussi la prise ou l’annulation d’une mesure du pouvoir exécutif, voire la mise en place d’une orientation politique globale dans un domaine précis. Voire, de modifier la constitution, car, après tout, le peuple a le droit de choisir dans quel type d’État il souhaite vivre.

   Le paragraphe précédent soulève cependant plusieurs questions intéressantes : combien de signatures seraient nécessaire pour déclencher un RIC ? et surtout : faire un référendum, c’est bien, mais comment être sûr qu’il sera suivi, tout référendum n’est pas contraignant — c’est-à-dire que les responsables politiques sont obligés de suivre son résultat — et même s’il l’est, comment garantir qu’il sera suivi dans son esprit ?
Tout d’abord la question des signatures : en Suisse, il faut réunir 100 000 signatures de citoyens dans une période de 18 mois pour initier un tel référendum. Ce qui constitue environ 1,7 % des citoyens. Si l’on reste sur ce ratio, en France, il faudrait environ 670 000 signatures. Cependant, on peut supposer que 670 000 signatures soient beaucoup plus difficiles à réunir que 100 000 comme en Suisse. On peut donc imaginer un seuil fixé à approximativement 1 % des citoyens, soit environ
400 000 signatures.
L’autre question, ensuite : Une fois un référendum fait, comment faire en sorte que les responsables politiques le suivent ? Pour un Référendum portant sur l’annulation d’un texte de loi ou d’une mesure, c’est assez facile, il suffit d’inscrire dans la loi son aspect contraignant.
Mais cela ne résout pas tout. Car si un référendum abouti, non pas à l’abrogation d’une loi une l’annulation d’une mesure, mais au contraire à l’établissement, à la promulgation d’un texte avec un objectif difficile à quantifier ou à mesurer. Comme par exemple un référendum qui aurait approuvé la proposition « Apposer un droit de douane sur les produits importés », cet objectif n’est pas un texte de loi, c’est une déclaration d’intention. Qu’il faudra, après l’avoir accepté par référendum, transformer en loi via un processus législatif impliquant les parlementaires. Ne serait-ce que pour déterminer le montant de la taxe, si ce montant est différent selon les catégories de produits importés, etc…
Mais comment peut-on être sûrs que les parlementaires, sous couvert d’écrire une loi pour obéir à la décision votée en référendum, ne vont pas la vider de sa substance en y incluant des exceptions, en prescrivant un contexte très particulier à son application… Faisant qu’en définitive, la proportion de produits importés subissant réellement ce droit sera de seulement 20, voire 10 %...
   Pour éviter cet écueil, il est possible d’instaurer un conseil, sorte de « Comité de protection du référendum » constitué des 30 à 60 premiers signataires de la pétition à l’origine du référendum. Ce comité sera chargé de veiller à ce que l’esprit et l’intention du texte voté en référendum, et adapté en loi, soient respectés. Concrètement, il aura le pouvoir de proposer des amendements — des modifications — et des articles de loi au parlement ; mais aussi, et même surtout, d’interdire le vote d’un amendement ou d’un article dans la loi qu’il estimerait allant à l’encontre de son esprit, ainsi que faire annuler une décision du gouvernement s’il estime qu’elle va à l’encontre de la résolution du RIC. Et il pourra aussi émettre une accusation officielle et une assignation en Justice au responsables politiques pour transgression de la Démocratie. La juridiction en question, compétente pour gérer de telles affaires, sera discutée plus tard dans ce texte, car cela relève de la protection de la Démocratie, et c’est une juridiction très particulière et qui doit être très sûre. Mais je préviens qu’il faudra vraiment réfléchir à l’établissement une juridiction indépendante pour protéger les décisions démocratiques. Et cette réflexion sera traité plus tard dans ce texte.
Bien sûr, si un des premiers signataires concernés ne veut pas faire partie de ce comité, ou estime qu’il n’aura pas le temps avec sa vie professionnelle, il a tout à fait le droit de refuser d’en faire partie. Dans ce cas, il sera demandé au 31ème signataire d’en faire partie à sa place — si l’on part du principe que ce comité a 30 membres, le 51ème si on le veut à 50 membres, etc. —et de répéter cette opération pour chaque signataire qui refuserait d’en faire partie. On peut aussi prendre 30 signataires aléatoirement, sans prendre en compte l’ordre de signature de la pétition.
L’intérêt de prendre des signataires, en revanche, est de s’assurer ainsi de prendre des défenseurs de la mesure, des citoyens qui auront plus de chance d’avoir bien compris les enjeux, l’essence et l’esprit du texte voté en référendum.
Notez également que la proposition qui fera l’objet d’un RIC législatif peut aussi directement être un texte déjà complètement rédigé de A à Z, et pas juste une déclaration générale d’intention. Dans ce dernier cas, comme il n’est pas nécessaire d’une procédure parlementaire après sa votation si ce texte est accepté. Néanmoins, dans ce cas-là, le parlement pourra émettre une contre-proposition, sorte de « deuxième option », et les électeurs pourront choisir entre la proposition citoyenne, la contre-proposition parlementaire, et aucune des deux. Ce cas de figure est ce qui se fait la plupart du temps en Suisse, à titre d’exemple.
Enfin, on peut aussi imaginer un système mixte : la proposition citoyenne pourra être un texte partiellement rédigé mais à compléter en procédure parlementaire, selon une déclaration générale d’intention qui sera présentée avec le texte partiel. De ce cas hybride, le parlement pourra émettre une contre-proposition soumise au vote en même temps que la proposition citoyenne, et le reste du texte, si le référendum l’approuve, sera écrit par le parlement, encadré par le comité de protection du référendum.

   En outre, la question du référendum pose la question de « combien de temps la décision reste contraignante », car en effet, imaginons qu’il y a 40 ans un RIC aboutit au rejet d’une mesure quelconque, sans qu’aucun autre référendum n’ait modifié cet état de fait depuis. On peut se poser la question de la légitimité d’un référendum fait il y a quatre décennies, à une époque où une part conséquente des électeurs actuels n’était peut-être pas encore nés. Une durée doit donc être définie durant laquelle la décision est contraignante. Et on peut aussi imaginer que le conseil citoyen dont j’ai fait mention plus haut puisse rester actif pendant toute la période donnée.
Quant à la durée de cette période, quelques années, pas plus. 5 ans, par exemple. Pourquoi 5 ans ? Eh bien… Pourquoi 18 ans pour la majorité ? Pourquoi les IVG sont autorisée à 10 semaines de grossesse et pas à 20 ? Pourquoi il faut avoir 35/40 pour passer réussir le code de la route et pas 34 ou 36 ? Donc c’est arbitraire, mais cela parait une bonne période : en cinq ans le contexte politique aura eu le temps de changer et les mœurs d’évoluer. Et cela offre une période suffisamment longue pour éviter que les élus ne trahissent la décision prise en RIC seulement quelques mois après qu’elle soit prise.

   De plus, abroger ou proposer une loi, ainsi que contraindre le gouvernement à mettre en place ou annuler une mesure exécutive, ne sont pas les seules choses que pourrait faire le RIC. On peut aussi envisager un référendum avec pour objet la modification d’une partie de la constitution. Ce dernier référendum, générateur de plus d’instabilité politique que le premier, nécessitera surement une proportion plus grande de soutiens citoyens pour que sa procédure ne se déclenche, peut-être entre 3 et 5 % des inscrits pour un pays de la tille de la France.
Encore un dernier type de RIC, celui permettant de changer radicalement de constitution, pas juste par une modification ponctuelle, le changement d’un article, ou l’ancrage d’un droit pour le protéger. Mais la mise en place d’une profonde procédure pour changer radicalement les institutions, car les gouvernés ont le droit de décider quel mode de gouvernance sera celui de leur pays. Ce référendum doit pouvoir réunir environ 10 % des citoyens pour le lancer, car il faut vraiment un ras-le-bol général du système en place. Et si ce référendum abouti, il amène à la mise en place d’une procédure collective d’écriture d’une nouvelle constitution. Je ne détaillerais pas la procédure car je m’égarerais trop, mais on peut penser qu’elle fera appel à la mise en place d’un site internet pour que les citoyens puissent débattre de leurs idées, à l’issus de cette phase de débats sur le site, les citoyens voteront et accepteront ou non les propositions des autres citoyens. Puis une assemblée tirée au sort ou élue au mandat impératif seront en charge d’écrire les articles de la constitution en prenant en respectant les points votés sur le site. Puis des juristes tirés au sort traduiront en termes juridiques la nouvelle constitution (leur travail sera surveillé de très près et pourra être empêché par des comités de citoyens tirés au sort) qui sera ensuite votée par le peuple en référendum et approuvée ou non, si elle est approuvée, elle remplace la constitution en place, si elle est rejetée, celle en place est maintenue. Cette partie-là n’est qu’une ébauche qu’il faudra approfondir, voire corriger (notamment sur la question du site internet, qui a tous les défauts cités plus haut) mais constitue une base de réflexion.

   Mais attention : il est question ici de referendum d’initiative citoyenne. En effet, quand celui-ci est initié, non pas par des citoyens, mais par un unique dirigeant politique, comme un président élu ou un Empereur, ce chef charismatique, en posant une question spécifique, n’y attend pas de réponses, enfaite il utilise son charisme auprès de la population, pour faire passer ses idées à lui, et les oindre du sacro-saint assentiment populaire pour leur donner une fausse légitimité. C’est pourquoi on reproche souvent aux référendums de ne pas répondre à la question posée. Et c’est vrai quand ladite question est posée par un chef charismatique, qui utilise sa popularité pour que le peuple, non pas réponde à la question, mais vote dans le sens que veux ledit chef, et en votant comme le chef veux, non seulement cela donne une — fausse — légitimité à son action, mais surtout il va utiliser le résultat de se vote pour l’interpréter comme une approbation générale de sa politique par la population. Dans le cas présent, le peuple ne réponde effectivement plus du tout à la question posée, il se contente d’approuver la politique du chef d’État.
C’est ce qu’il s’est passé en France durant le Consulat et l’Empire, sous Napoléon. Ce dernier utilisait le référendum, à l’époque appelé explicitement « plébiscites », pour faire approuver sa politique par les électeurs. Mais ce fut également le cas au début de la cinquième république, avec Charles De Gaulle, qui proposait en moyenne un référendum tous les deux ans, étant entendu, bien sûr, qui si le peuple refusait sa proposition, il démissionnerait. La question posée n’était donc pas la question officielle du référendum, mais si les gens approuvent ou non De Gaulle. Et comme ce dernier était populaire, il a pu faire passer plusieurs de ses volontés par le plébiscite.
Il faut donc se méfier du référendum d’initiative présidentielle, et même l’interdire. On peut aussi se poser la question des parlementaires, si on imagine un référendum d’initiative parlementaire dont l’initiation nécessiterait un certain nombre de signature de parlementaires, y a-t-il un risque pour que ces derniers utilisent se procéder comme un plébiscite ? Il n’en est pas certains, car la condition de parlementaire est très différente que celle de leader charismatique et chef d’État : les parlementaires se fondent dans la masse de leur assemblée, et si l’initiation parlementaire d’un référendum nécessite la signature de plusieurs parlementaires, alors c’est tout un groupe qui propose ce texte au peuple, il y a donc peu de chance qu’il y ait une notion de plébiscite personnel.
Cependant, ce n’est pas à exclure, un parlementaire particulièrement populaire, comme Clemenceau l’était à son époque, pourrait être membre de ceux à l’initiation de ce référendum et utiliser sa popularité pour le transformer en plébiscite. Dans le doute, mieux vaut surement ne pas jouer avec le feu, et se limiter aux référendums d’initiative populaire.
Ou alors, éventuellement, si deux assemblée ou deux institutions distinctes mais de chacune plusieurs personnes sont en désaccord, et que ce désaccord doit-être régler rapidement sans quoi la situation pourrait aboutir à un blocage politique, alors peut-être un référendum pourra être envisagé pour les départager. Car il n’y aura plus alors une personne qu’il faut approuver, mais deux groupes de personnes en désaccord qu’il faut arbitrer. Ce référendum « d’arbitrage institutionnel » semble peut-être être le seul à pouvoir exister sans trop risquer de devenir un plébiscite. Bien qu’il puisse toujours le devenir si l’une des personnes de l’une ou l’autre institution joue de sa popularité et engage sa responsabilité. Ce texte n’émettra pas de jugement final sur ce point mais laissera au lecteur le soin de méditer lui-même sur la question. Quoi qu’il en soit, cela ne remet pas en cause de référendum d’initiative citoyenne, déclenché par des citoyens lambda, le plus souvent anonymes, qui n’ont donc pas de plébiscite à rechercher.
 
   On a donc vu dans cette partie que le Référendum d’initiative citoyenne est l’institution clef d’un régime aussi démocratique que possible au niveau national. Maintenant, parlons des institutions de responsables politiques qui seront en charge de diriger le pays en représentant les citoyens. En commençant par les pouvoir législatif : le parlement
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #5 le: 09/01/2019 22:49:10 »
Partie II. Le Parlement
(C'est la partie la plus monstrueuse en terme de taille, car j'y aborde les modes de scrutin)

   Le Parlement, en démocratie, est l’institution chargée d’exercer le pouvoir législatif, celui d’écrire les lois. Il se compose généralement de deux chambres distinctes, traditionnellement appelée « Chambre haute » et « Chambre basse », c’est le système du « bicamérisme ». L’intérêt d’avoir deux chambres est que le monopole du pouvoir législatif n’appartienne pas à une seule assemblée, mais que les deux chambres « se surveillent l’une l’autre ». Ce rôle de contre-pouvoir que joue chaque chambre vis-à-vis de l’autre à été théorisé par Montesquieu, qui préconisa le principe de « séparation des pouvoirs », lequel implique que les trois pouvoirs politiques — législatif, exécutif et judiciaires — soient exercés par des institution différentes, afin d’éviter la tyrannie d’une seule institution. Mais, de plus, les institutions doivent pouvoir se contrôler l’une l’autre, il ne faut pas qu’une institution puisse exercer une trop forte pression sur les autres, de telle sorte que les autres en question y soient soumises. Or, traditionnellement, le moyen de contrôle du parlement sur le gouvernement est le possible vote d’une « motion de censure », obligeant le gouvernement à démissionner. Mais pour éviter, du coup, que le parlement ne s’arroge le pouvoir exécutif en exerçant abusivement son autorité sur le gouvernement, via la motion de censure — ce type de régime où le gouvernement est complètement soumis et au parlement se nomme un « régime d’assemblée » — Pour éviter ce régime d’assemblée, donc, il peut être une bonne idée de scinder le parlement en deux chambres. Ainsi, le gouvernement pourra s’appuyer tantôt sur une chambre, tantôt sur l’autre.
De plus, le bicamérisme se justifie souvent par le fait que la seconde chambre — classiquement nommé « chambre haute », tandis que la première porte l’appellation de « chambre basse » — représente les collectivités territoriales, alors que la première chambre représente l’ensemble des citoyens réunis en un même peuple. La représentation des territoires permet, en théorie, d’éviter qu’un territoire en particulier ne soit systématique désavantagé par les décisions de l’État, en étant en quelque sorte « sacrifié » pour le bien de la nation, parce que le parlement prendrait des décisions qui seraient bonnes pour le pays en général, mais mauvaises pour CE territoire là en particulier.
En pratique, pour résumer le fonctionnement du bicamérisme vraiment très grossièrement : quand une loi est votée par une chambre, elle passe dans l’autre chambre où elle subit des modifications, après quoi elle repasse dans la première, et ainsi de suite, idéalement jusqu’à ce qu’une chambre ne change rien à la version qui vient de lui être transmise. Mais la plupart du temps, il y a un nombre limité d’aller-retours au bout desquelles la loi est considérée comme votée. D'ailleurs, pour le vocabulaire, ce processus d’aller-retours s’appelle la « navette ».
   Ce bicamérisme me semble être une bonne idée et à conserver, il permet d’éviter qu’une seule institution détienne le pouvoir législatif sans pouvoir être contrariée, et représenter les minorités locales, et protéger leurs intérêts par rapport à celui du pays me semble aussi une bonne idée sur le papier.
Mais il existe deux types de bicamérisme : inégalitaire et égalitaire, selon si les ceux chambres sont à égalité ou si en cas d’affrontement, l’une a le dernier mot sur l’autre. Par exemple, en France, le bicamérisme est inégalitaire : lorsque l’Assemblée nationale est en conflit avec le Sénat, c’est la première qui impose sa volonté avec l’accord du Premier ministre. Ainsi, pour voter une loi, soit l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord, soit l’Assemblée nationale a le soutien du Premier ministre. L’Assemblée national apparaît donc indispensable pour voter une loi, mais pas suffisante. Nous verrons plus loin quel système est préférable, car il faudra d’abords parler du gouvernement.

   Maintenant qu’il est convenu d’un parlement bicaméral, comment désigner ses membres ? Pour rappel : nous voulons l’État le plus démocratique possible, nous sommes donc en quête d’un parlement qui sont le fidèle, dans sa constitution idéologique et sa coloration politique, à la constitution idéologique et la coloration politique du peuple. Cette fidélité, est non seulement souhaitable, mais de surcroît nécessaire du fait de l’existence du référendum d’initiative citoyenne. En effet, nous verrons que le RIC conditionne toutes les autres institutions qui doivent composer avec lui, et s’organiser autour de lui.
Dans le cas du parlement, si celui-ci n’est pas fidèle, dans sa coloration politique, à la coloration politique du peuple, alors il votera des lois qui ne plairont pas au peuple, et celui-ci s’empressera de les abroger par RIC. Or, une procédure législative est coûteuse, aussi bien en temps, qu’en argent et en effort humain, mais c’est aussi le cas des RIC ! ils demandent des semaines, si pas des mois, de débat publique, d’effort humain, d’énergie humaine, et d’argent. Donc faire une loi, pour ensuite l’abroger par RIC, constitue un énorme gaspillage de temps, d’argent et d’effort humain. Il est donc indispensable que, dès le début, le parlement soit fidèle à la coloration politique du peuple, afin que les lois votée ne soient pas rejetées par celui-ci.
Il faut donc trouver un mode désignation fidèle, et nous passerons en revue différents modes de désignation :
1)   Le Tirage au sort
Cette idée peut sembler étonnante, car plus pratiquée depuis l’antiquité. Pourtant, elle était à la base de la démocratie athénienne, en faisant que chaque citoyen puisse entrer au parlement, et en comptant sur le principe de représentativité du hasard pour avoir un parlement vraiment similaire et représentatif de la population, le tirage au sort possède plusieurs avantages :
- n°1 : Les candidats voulant être aux responsabilités politiques ne sont pas obligés de mentir, de faire de fausses promesses, ou de faire du clientélisme électoral, car cela ne va pas les aider à se faire désigner. Contrairement à l’élection, car, lors d’une élection, où le but est d’obtenir des voix, les candidats ont souvent, pour ne pas dire toujours, intérêt à faire de fausses promesses, à diffuser de fausses informations, en bref : à mentir. Le tirage au sort peut ainsi éviter le populisme.
- n° 2 : Le tirage au sort, et en mettant les citoyens dans un lieu où chacun s’interroge sur le bien commun, les forçant à prendre part activement aux décisions politiques, les oblige ainsi à s’interroger sur ledit bien commun. Et leur fait ainsi accéder à une sorte de maturité politique. Il responsabilise les citoyens en les mettant directement, eux-mêmes face aux problématiques du gouvernement. C’est ce que Tocqueville remarquait dans son ouvrage De La Démocratie en Amérique, il écrit, à propos du tirage au sort pour désigner les membres du jury dans la procédure judiciaire américaine :
« Le jury apprend à chaque homme à ne pas reculer devant la responsabilité de ses propres actes ; disposition virile [on pourrait remplacer le terme « virile » par « mature »], sans laquelle il n'y a pas de vertu politique. Il revêt chaque citoyen d'une sorte de magistrature ; il fait sentir à tous qu'ils ont des devoirs à remplir envers la société, et qu'ils entrent dans son gouvernement. En forçant les hommes à s'occuper d'autre chose que de leurs propres affaires, il combat l'égoïsme individuel, qui est comme la rouille des sociétés. » (Tocqueville, De La Démocratie en Amérique, Livre 1, Partie 2, Chapitre VIII)
On voit donc ici que le tirage au sort apprend aux citoyens à se responsabiliser.
- n° 3 : Au contraire d’une élection, tout le monde peut être désigner par tirage au sort. En effet, lors d’une élection, ne sont élus que des gens qui font la démarche de se présenter. Or ceux qui se présentent, peuvent vouloir être élus par conviction, par volonté d’agir au service du bien commun, mais aussi par attrait du pouvoir, le l’argent ou des honneurs de la fonction d’élu. Le tirage au sort permet d’éviter que le pouvoir ne soit attribué qu’à des gens le désirant.
- n° 4 : Le tirage au sort permet de garder une humilité des représentants. Car, lors d’une élection, l’élus peut devenir imbus de sa personne car il estime qu’il a été désigné par le peuple — ce qui est vrai — et utilisera cet argument pour assoir son autorité face au peuple. Ce qui n’est pas possible avec le tirage au sort, car la personne désignée aurait tout aussi bien pu être quelqu’un d’autre.
- n° 5 : Dans l’élection, les candidats sortants se représentent, et profitent du fait qu’il soit connu pour se faire réélire, ou, s’ils ne sont pas réélus, se feront élire ailleurs (un député peut devenir maire s’il n’a pas été reconduit à son mandat de député, etc…). Ce phénomène amène à une professionnalisation de la vie politique, avec des gens qui vont faire de la politique leur métier. Or, la professionnalisation de la vie politique a deux effets néfastes : d’une part, elle donne l’impression aux élus d’être des dirigeants appartenant à une classe sociale supérieure, gonflant ainsi leur orgueil ; mais surtout, elle va les déconnecter de la réalité quotidienne du citoyen lambda. Ce qui est un grave problème quand on veut des institutions qui soit fidèle dans sa représentativité du peuple. Le tirage au sort permet de faire retourner à la vie civile les gens désignés quand arrive la fin de leur mandat.
- n° 6 : Qui dit élection dit campagne électorale, et généralement, le candidat gagnant fait partie de ceux qui on eut la meilleure et la plus forte campagne. Et même hors période électorale, les personnalité politiques ont tout autant intérêt à avoir une forte visibilité pour préparer les prochaines élections, aussi lointaines soient-elles. Il y a donc nécessité pour les candidats de procéder à un « matraquage médiatique » le plus intense possible afin d’accroître autant que possible leur visibilité. Or pour ce faire, il faut trois ingrédients, et le premier d’entre eux consiste à ne pas hésiter à faire des propositions démagogiques, extrêmes, voire parfaitement irréalistes et que l’on sait irréaliste et intenable  (et qu’on ne compte absolument pas tenir, si on est élu), pour attirer l’attention sur soi, pour « faire le buzz ». L’élection récompense le matraquage médiatique, et un bon matraquage médiatique nécessite de nier la réalité, d’avoir des propositions irréalisables et que l’on ne compte pas réaliser, voire même, d’avoir des propositions avec lesquelles nous sommes nous-mêmes en désaccord ! Mais nous les formulons parce qu’elles nous permettent de nous faire élire. L’élection favorise donc le mensonge et la démagogie.
- n°7 : les deux autres ingrédients pour un bon matraquage médiatique sont : de l’argent ; et des médias en accord avec vous, qui pourront donc diffuser vos idées et faire plus ou moins discrètement et directement votre promotion. Mais pire encore : cela s’applique aussi aux candidats sortants, qui sont déjà élus et cherchent à se faire réélire, ou même à faire réélire leur parti politique, pas forcément leur propre personne. Donc les élus, s’ils cherchent à se faire réélire ou faire reconduire leur camp politique au pouvoir, ont intérêt, nous pas intérêt à conduire des politiques populaires et utiles au bien commun pour inciter les gens à revoter pour eux, mais une politique utile à une élite financière constituée de potentiels soutiens financiers pour leurs campagnes, ainsi qu’une politique en accord avec l’idéologie des détenteurs des principaux médias, peu importe que cette idéologie soit partagée par la population ou non. Et grâce au matraquage médiatique en leur faveur que ces techniques leur permettront d’obtenir, ils sont certains que les gens continueront à voter pour eux, car ils conservent leur notoriété, leur visibilité. Le tirage au sort empêche ce travers, car il ne récompense pas le matraquage médiatique.

   Néanmoins, malgré tous ces avantages, le tirage au sort souffre quand même de quelques défauts, dont le fait que le hasard ne fasse pas si bien les choses que ça. En effet, on pense souvent que, du fait de la randomisation du hasard, le parlement tiré au sort sera forcément fidèle à la population, mais ce n’est pas garantie d’être le cas.
Un exemple : si, sur une question donnée, par exemple, la légalisation de la PMA pour les femmes seules ou en couple homosexuel, mettons que 52 % de la population soit pour et 48 % contre. Ces chiffres sont PUREMENT inventés pour les besoins de l’exemple, mais, en pratique, ils sont très réalistes. En effet, sur la quasi-totalité des sujets, la population est souvent divisée à environ 50/50, généralement, on considère qu’il y a consensus dans la population si le ratio atteint 55/45 — comme c’était le cas en 2005 lors du référendum sur la constitution européenne, où les français avaient répondu « Non » à 55 %, on parlait alors « d’écrasante majorité » — et elle ne va quasiment jamais au-delà de 60/40, ce qui serait vraiment un cas extrême. Mais reprenons : avec un ratio de 52/48, si l’on choisit une assemblée de 400 membres, ce qui est dans la moyenne des assemblées en occident, La fluctuation due au hasard fait qu’il n’y a qu’environ 79 % de chances que la majorité du parlement soit en accord avec la majorité du peuple. Dans notre exemple, le peuple est majoritairement en faveur de la mesure proposée, et l’adopterait donc en RIC, mais il y a 21 % de chance pour qu’avec le tirage au sort, une assemblée de taille moyenne de 400 membres soit contre, et donc la refuse.
Cela peut paraître une faible chance, 21 %, mais il ne faut pas oublier qu’il y aura de nombreuses autres questions après celle-là, et qu’à chaque fois, si le peuple est divisé à un ratio proche de 50/50, il n’y aura qu’environ 80 % de chance que le parlement soit fidèle au peuple. Or, de 80 % en 80 %...
Si l’on fait deux propositions, la probabilité que le parlement soit à deux reprises fidèle au peuple est de (8/10) x (8/10), soit 64 % seulement, et donc 36 % de chance qu’il trahisse le peuple sur l’une ou l’autre des deux propositions, ou les deux. De façon générale, si vous considérez N propositions, la probabilité que le parlement soit fidèle au peuple pour toutes ces propositions est de 0,8N si la population est divisée à environ 50/50 pour chacune de ces propositions, ce qui diminue très vite. Cependant, il faut avouer que cette probabilité est plutôt 0,99N si ces propositions partagent est la population avec un ratio de 55/45. À ce moment-là l’assemblée a plus de chances d’être fidèle car cette probabilité descendra descendra toujours, mais beaucoup, beaucoup moins vite. Malheureusement, ce genre de cas est rare.
   Il est question de 400 membres car, plus le parlement est nombreux, plus la fluctuation due au hasard autours du ratio réel de la population, est petite. Mais la fluctuation ne diminue malheureusement pas assez vite. Pour espérer un parlement le plus possible en accord avec le peuple, il faudrait au moins un, voire plusieurs milliers de parlementaires. Ce qui est très difficile à légitimer à une époque où il est populaire de proposer une diminution du nombre de parlementaires. Lors de l’élection, les responsables politiques ne sont pas choisis par le sort, mais triés par la population, idéalement en fonction de leurs propositions. Ce qui permet, sur le papier, d’avoir une assemblée de gens triés pour être spécifiquement en accord avec, et représentatifs de la population. Je dis « sur le papier » car le mode de scrutin est important : il y en a qui sont moins représentatifs que d’autres, donc toutes les élections ne se valent pas et nous le verrons plus tard, mais on peut penser que si l’on choisit un bon mode de scrutin, représentatif de la population, l’assemblée élu a plus de chances d’être régulièrement en accord avec le peuple sur différents sujets qu’une assemble tirée au sort.

   De plus, le tirage au sort ne présente pas toujours les six avantages cités précédemment. En effet, Le point n°2 que Tocqueville soulignait sur le jury américain, présume que si on tire au sort un citoyen pour le faire participer à la vie politique, il deviendra plus éveillé, plus éclairé, plus sage et plus mature politiquement. Mais cette affirmation — en admettant qu’elle soit vraie — ne concerne que les tirés au sort, pas les autres citoyens qui s’exprimerons en référendum. On peut ainsi faire la supposition que l’élection, parce qu’elle donne un pouvoir à chacun, plus faible, mais plus diffusé dans la population, pourrait responsabiliser plus de gens.
À cela on répondrait que ce n’est pas ce que l’on observe en pratique dans nos pays pratiquant l’élection. Elle ne les responsabilise pas spécialement, enfaîte elle les transforme plutôt en soldats aveugles, combattant des idéologies sans jamais les remettre en question, et persistant dans leur convictions — d’ailleurs, on parle de « convictions » politiques comme si cela retournait du domaine de la Foi religieuse — parfois même lorsqu’elles vont à l’encontre de la réalité observée ! Leur faisant ainsi perdre toute rationalité.
Mais on peut expliquer ce phénomène par plusieurs facteurs qui ne sont pas obligatoires avec l’élection : notamment le scrutin, en effet, nos scrutins où l’on nous demande de désigner uniquement la personne qui nous correspond le mieux nous poussent à « choisir un camp » et à le défendre contre vents et marrées… Et aussi contre arguments et réalité ! Les modes de scrutins que nous utilisons tendent à polariser les citoyens, à s’identifier à une idéologie qu’ils considéreront comme une appartenance quasi-clanique ! D’autres modes de scrutins plus riches en termes de possibilité d’expressions peuvent éviter ce problème, mais l’on y reviendra.
Le point n° 3, quant à lui, dit que l’élection désigne systématiquement des gens avides de pouvoir et pas le tirage au sort. Mais, si la personne tirée au sort ne veut pas devenir parlementaire, parce qu’elle ne s’estime pas assez compétente pour faire les lois ou parce que faire les lois ne l’intéresse tout simplement pas. Faut-il l’obliger ? Et faire fi de sa volonté ? Il est question de mettre entre parenthèses son activité professionnelle, voire sa vie sociale et de famille, pour se rendre à la capitale du pays afin de siéger en tant que parlementaire. N’a-telle donc pas son mot à dire ? Si elle ne veut pas être tirée au sort, il serait tout à fait dans son droit de démissionner sitôt désignée. Mais du coup : seuls ceux qui voudront bien exercer le pouvoir accepteront d’être tirés au sort.
Lors des études statistiques et médicales, ce biais est connu, on l’appelle le biais de sélection, il consiste en le fait que les personnes qui acceptent de s’inscrire dans l’études ont une psychologie, un rapport à la connaissance et à la recherche, ainsi qu’une conscience de leur santé, statistiquement plus développé que celles qui refusent. Or par conséquent, les personnes suivies ou interrogées lors des études statistiques et médicales ne sont plus représentatives de la population générale. Ce type de biais est susceptible de s’appliquer lors du tirage au sort.
Et nous venons de parler des personnes qui vont refuser leur désignation parce qu’elles ne s’estiment pas compétentes, ou pas intéressée, mais elles ne sont pas la seule catégorie de personnes qui refuseront leur désignation : il y a aussi des personnes qui ne PEUVENT pas devenir membres du parlement, parce qu’elles travaillent, qu’elles tiennent un commerce de proximité, ou sont travailleurs indépendants… Ces personnes ne peuvent pas se permettre de mettre leurs activités professionnelles en suspend pour aller pendant un an, voire plusieurs années suivant la durée du mandat, jouer aux parlementaires, puis reprendre leurs activités là où elles l’avaient laissée. Car le marché du travail aura changé, ou car elles auront perdu leur clientèle (et Dieu sait que c’est très dur, pour ne pas dire impossible, pour un commerçant, de retrouver sa clientèle perdue).
Ces gens ne peuvent donc pas se représenter aux-même, non pas parce qu’ils en sont incapables, mais parce qu’ils n’ont pas l’opportunité, la chance, d’avoir un travail conciliant, leur permettant de cumuler avec une fonction de responsable politique, encore plus à l’autre bout du pays. Il faut donc de trouver un mode de désignation qui permettra à ces gens de pouvoir faire porter leur voix. L’élection peut être proposée car ils désigneront des gens partageant leurs idées en tant que « représentants » pour porter leur voix.
   En outre l’avantage n° 5 qui consiste à empêcher la professionnalisation de la vie politique peut aussi être mis en place dans un système l’électoral : si l’on interdit le cumul des mandats dans le temps à deux ou trois mandats. Une fois les deux/trois mandats fait, les élus ne pourront plus se représenter, obligeant ainsi le paysage politique à se renouveler régulièrement. Et les politiciens à retourner à la vie civile.
   Enfin, les arguments n° 6 et 7 expliquent que l’élection récompense le matraquage médiatique, via la démagogie, et via des soutiens minoritaires mais détenant le pouvoir médiatique ou financer nécessaire audit matraquage et dont il faut savoir capter les faveurs lors de son mandat si on espère être réélu. Contrairement au tirage au sort qui ne possède pas cette propriété malheureuse. Mais, si le tirage au sort en est effectivement prémuni, il n’est pas certain que cette conséquence soit obligatoire dans une élection. Car en réalité toutes les élections ne se valent pas : les conséquences d’une élection quasiment toutes liées à son mode de scrutin, or il y a beaucoup de modes de scrutin très différents. Et nous verrons quelques scrutins, dans la suite de ces pages, qui sont moins sensibles au matraquage médiatique, et donc à la nécessité pour les candidats d’avoir recours à ces deux méthodes : mensonges et démagogie lors de la campagne électorale, et politique en faveur des lobbys financiers et médiatiques lors du mandat.

   Le tirage au sort présente de nombreux avantages et a beaucoup d’arguments en sa faveur, mais aussi des limites. Et avant de rendre notre jugement définitif sur ce dernier, peut-être pourrions-nous nous intéresser à différents modes de scrutins électoraux.
   Car attention : toutes les élections ne se valent pas ! Il y a de nombreux modes de scrutins possibles, et tous ne sont pas égaux en termes de représentativité, de fidélité, de qualités, d’inconvénients voire de bizarreries. Il y en a de bien meilleurs que d’autres, mais nous n’allons pas tous les aborder. Nous aborderons uniquement ceux actuellement en cours dans les principaux pays développés, pour dire en quoi ils sont perfectibles, et quelles sont leurs limites, puis nous verrons quelques alternatives pour les remplacer, et nous finirons sur les meilleurs scrutins possibles actuellement imaginés.
   Précisons quand même, avant de parler du scrutin, que le suffrage, lui, ne peut être qu’universel et directe, et ce pour chacune des deux chambres du parlement, pour des raisons évidentes de fidélité de leur coloration politique. Mais du coup, s’il y a deux chambres, et qu’elles sont toutes les deux élus au suffrage universel direct, alors on peut penser que pour les différencier, pour leur donner une identité propre, il faille des modes de scrutins différents, et si possibles complémentaires. Deux scrutins tels que l’un compense les limites de l’autre et inversement. Ce qui permettra d’avoir des chambres complémentaires dans leur représentativité du peuple. Et nous verrons que ce couple de scrutins existe peut-être bel et bien.

   Nous aborderons donc les différents modes de scrutin, et nous illustrerons leurs forces et leurs faiblesses par des exemple à travers des cas réels historiques d’élections ; ainsi qu’une élection fictive, entre cinq personnes, qui nous suivrons pendant les quelques pages qui vont suivre.
J’ai donc le plaisir de vous présenter nos cinq candidats à l’élection présidentielle de la République imaginaire d’Expériencie : Alice, Bastien, Cannelle, David et Émilie.
Alice est une conservatrice protectionniste, anti-immigration et un peu bigote sur les bords. Bastien se réclame de la mouvance anticapitaliste, anti-libéral et progressiste, avec un discours écologiste. Cannelle est une socialiste plus modérée quoique franchement keynésienne. David est un réactionnaire anti-immigration ultra libéral, très lié soutenu par le grand patronat et en faveur d’une dérégulation des marchés financiers. Enfin, Émilie est elle aussi une libérale convaincue, mais progressiste et en faveur des droits des LGBT.
Nous allons étudier, sur une population donnée, les résultats des différents modes de scrutins de nos cinq comparses.

2)   Le Scrutin majoritaire uninominal à un tour
Le scrutin le plus connu et utilisé à travers le monde. Son principe est simple : on demande à l’électeur de désigner le candidat qu’il estime être le meilleur, cela compte comme une voix pour ce candidat. À l’issu de l’élection, le candidat ayant rassemblé le plus de voix est élu. Avec ce scrutin, voici les résultats de nos cinq compères :

(Normalement il y a un schéma mais je craint ne pas pouvoir le copier/coller... Mais en gros : Alice = 35 %, Bastien = 2 %, Cannelle = 8 %, David = 30 %, et Émilie = 25 %)
 
Alice gagne donc haut la main !
Cependant, ce scrutin, s’il a l’avantage d’être simple, est-il vraiment représentatif du peuple ? Dans sa capacité à rendre un résultat fidèle au peuple ? Alice correspond-t-elle bien à ce qu’attend la population ? Non, et nous allons lister les différentes raisons de cet état de fait :
- n°1 : On sait que 35 % de la population pense qu’Alice est donc « la meilleure » pour diriger le pays, c’est son score. Mais que pensent les autres à son sujet ? On ne sait rien de la quantité de gens qui déteste Alice. Il est tout à fait possible que les 65 % restant détestent cordialement Alice. Tellement, même, que s’il n’y avait eu que deux candidats dont elle, ces 65 % auraient entièrement votés pour l’autre candidat dans l’espoir de lui faire barrage !
Mais cela n’était pas le cas et ainsi les opposants d’Alice se sont retrouvés dilués entre quatre candidats…
De manière générale, le scrutin majoritaire à un tour ne tiens aucunement compte le part de l’électorat qui est en désaccord avec les candidats. Donc il n’indique pas toute la richesse de la répartition des idées politiques au sein de la population, ce qui est problématique à deux égards. D’abord d’un point de vue théorique : nous aimerions un scrutin qui soit le plus représentatif possible de l’électorat, et qui rende un résultat fidèle à ce dernier, donc qui devrait tenir compte du maximum d’information pertinente possible.
Mais d’autre part, d’un point de vue pragmatique, puisque les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats qu’ils détestent, les candidats se fichent d’être détestés par tout une partie de l’électorat, pourvu qu’ils en fédèrent une assez grande part d’électeurs acquis à leurs idées. Ils ont donc tout intérêt à lancer des propositions démagogiques et irréalisables, il a tout intérêt à faire le buzz puisque ce scrutin rend vrai l’adage « la seule mauvaise publicité est celle qui ne se voit pas ». C’est l’argument n°6 lancé contre l’élection que nous avons évoqué dans la partie sur le tirage au sort. Mais l’argument n°7 est aussi pris en compte : souvent, le matraquage médiatique « fatigue » les électeurs, car plus un candidat est visible, plus sa présence finit par insupporter. Mais comme les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats, ces derniers ne peuvent qu’être gagnants à s’attirer les faveurs de riches soutiens financiers et médiatiques. Nous verrons tout à l’heure qu’il y a des scrutins qui n’ont pas, ou dans une moindre mesure, ce problème.
- n° 2 : David et Émilie, on l’a dit, s’ils sont très différents dans leurs idéologies sur le plan sociétal — David étant un réactionnaire fini et Émilie une progressiste féministe en faveur des droits des LGBT — se revendiquent néanmoins tous deux de la mouvance libérale. Et, d’ailleurs, si on additionne leurs scores, on se rends compte que le camp libéral est majoritaire à 55%. On s’attendrait donc à ce que, si le peuple est majoritairement libéral, se soit un candidat libéral qui soit élu. Ce qui n’est pas le cas ici. Étrange, non ?
- n°3 : En conséquence, on voit que si, au nom du libéralisme, l’un s’était désisté en faveur de l’autre, l’autre en question aurait gagné. Pourtant, David et Émilie sont très différents sur d’autres aspects, et ils avaient le droit de se présenter indépendamment…
- n° 4 : De manière analogue, si l’on rajoute un candidat, Florent, proche idéologiquement d’Alice. Alors Florent et Alice se partagerons les 35% initiaux d’Alice, et David aurait peut-être été élu du haut de ses 30%.
-n° 5 : En conclusion des points 2, 3 et 4, on observe que l’ajout ou le retrait de candidats perdants change l’identité du gagnant ! En termes savants, le scrutin est dit « dépendant aux alternatives non pertinentes », c’est-à-dire que si on propose à l’élection des alternatives — des candidats — qui n’ont aucune chance de se faire élire eux, on peut changer l’identité du vainqueur. Mais c’est absurde ! Pourquoi la présence ou non de candidats perdants devrait-elle changer l’identité du gagnant ?
Rappelons que le but de l’élection dans le régime proposé dans ces pages est de faire élire la personne la représentative du peuple parmi les candidats. Donc en tout logique, si A et plus représentatif que B, il l’est indépendamment de la présence ou non de C lors du vote ! Donc A devrait battre B, peu importe qu’il y ait C ou pas. A doit battre B. Point. Or ce n’est pas le cas dans le scrutin majoritaire à un tour.
Ce n’est pas le cas parce que, quand deux candidats sont proches idéologiquement ou en accord sur certains points, ils se partage leur électorat qui vote donc soit pour l’un, soit pour l’autre : dans notre exemple, les libéraux, pourtant majoritaires, se sont répartis entre deux candidats libéraux ce qui a fait baisser les scores des-dit candidats en diluant les voix libérales et a eu pour conséquence de faire élire une anti-libérale. Par la dilution des voix.
   Il s’est passé la même chose dans la réalité aux États-Unis d’Amérique, lors de l’élection présidentielle de 1992. Elle opposait trois candidats : Bill Clinton du parti démocrate (à gauche), George W. Bush, du parti républicain (à droite), et Ross Perot, un indépendant orienté à droite. On avait donc deux candidats dits « de droite » et un candidat dit « de gauche ». Finalement, les résultats étaient environ : Bill Clinton (gauche) = 43 %, George W. Bush (droite) = 37 %, et Ross Perot = 20%)

                     
Donc, on le voit, les résultats indique une majorité d’électeurs « à droite », à 57 %, pourtant, du fait que la droite ait été représentée par deux fois plus de candidats que la gauche, ses électeurs se sont retrouvés répartis, diluant leurs voix et faisant ainsi gagner le candidat « de gauche ».
Voilà qui est bizarre : une population plutôt de droite qui élit un président de gauche ! À cause de la dilution des voix lorsque deux candidats sont trop proches ou en accord sur certains points…
- n°6 : Pour tenter d’éviter ce phénomène, certaines personnes, qui pourtant pourraient avoir des choses à apporter au débat politique, refusent de se présenter à l’élection, et préfèrent soutenir un autre candidat, différent d’elles, pour faire barrage à des candidats plus éloignés idéologiquement. Cela muselle donc toute une diversité d’opinions politiques qui sont pourtant tout à fait légitimes à s’exprimer et pourraient apporter une richesse au débat d’idée. Plus généralement, les personnes vont se rassembler en « partis politiques » et vont faire taire leurs divergences dans le but d’accumuler des voix. Et en faisant cela, elles réduisent la diversité du débat en taisant des alternatives, obligeant les électeurs à faire des concessions pour voter, et s’obligeant à défendre une idéologie préétablie, celle de leur parti.
- n° 7 : Imaginons Sylvain, électeur libéral à notre élection fictive. Sylvain qui préférerait voter pour Émilie, voit pourtant l’autre candidat libéral, David, talonner Alice dans les sondages. Il se dira sûrement que, quitte à avoir un élu anti-immigration et conservateur, au moins qu’il soit libéral, comme lui ! Et donc ne votera pas pour Émilie, mais pour David dans l’espoir qu’il batte Alice. C’est ce qu’on appelle le « vote utile ». Quand les électeurs ne votent pas comme ils aimeraient voter, mais se restreignent aux candidats qu’ils détestent le moins parmi ceux qui ont une chance de l’emporter. Ce qui rompt encore la représentativité du vote et la fidélité de l’élection par rapport à ce que pense vraiment la population.
- n° 8 : Enfin, dernier point à charge contre ce scrutin, en se regroupant en un nombre restreint de partis politiques défendant des idéologies préformatées, et en demandant aux électeurs de ne désigner que l’unique personne qu’ils estiment leur correspondre, et pire encore : en comptant la personne comme une « voix » désincarnée, lors du calcul des résultats, comptant les gens comme des « électeurs de » tel parti. Ce système oblige les citoyens électeurs à « choisir leur camp », camp auquel ils seront identifiés comme à une sorte de clan. Ce système pousse les électeurs à s’identifier à leur clan politique comme à une appartenance fixe, ce qui les empêche de réfléchir convenablement, de prendre du recul par rapport aux idéologies.
De plus, comme les partis politiques et les idéologies qu’ils proposent sont peu nombreux, et que les gens sont amenés à s’identifier à eux, ils s’imprègnent de l’idéologie de leur camp, et se mettent à la défendre contre toute raison. Pire encore : les partis étant peu nombreux face à la diversité des questions politiques : économie, immigration, droit des femmes, mariage, famille, avortement, cannabis, bioéthique, environnement, terrorisme, communautarisme, LGBT, sécurité, toutes les questions géopolitiques… Les questions sont si nombreuses et les partis et leurs idéologies si peu nombreux, que la nuance devient impossible, les idéologies des partis se mettent alors à s’opposer en tout point, sans jamais qu’aucune nuance ne soit possible, devenant alors des caricatures d’elles-mêmes. On le voit aux États-Unis où il n’y a que deux partis : pour chacun des thèmes cités, les deux partis s’opposent, l’un étant pour, l’autre contre, et si vous avez un avis nuancé, vous n’avez personne pour qui voter. Le scrutin majoritaire divise donc la société en formant des clans irrationnels de plus en plus opposés les uns envers les autres.

   Donc le scrutin majoritaire à un tour est très mauvais et insuffisant, et il faut donc en chercher un autre. Précisions que, à l’exception du premier défaut soulevé, les six suivants sont tous liés au fait que le scrutin majoritaire à un tour est, rappelons le terme savant, dépendant aux alternatives non pertinentes.

3)   Le Scrutin majoritaire uninominal à deux tours
   Si au lieu d’élire directement Alice, on organisait un second tour où les électeurs devraient choisir entre les deux candidats ayant eu le plus voix au premier. Ainsi, Alice et David seraient tous les deux au second tour. Et Alice étant détestée, David l’emporterait en ralliant à lui les autres électeurs. En plus, David et libéral, ce qui correspond à la population sur le plan économique. C’est miraculeux : on a rétabli la fidélité du scrutin !
Eh bien non enfaite… Parce que cela ne résout pas les défauts du scrutin à un tour. Les 8 plaies du scrutin majoritaire à un tour sont toujours retrouvées dans le premier tour du scrutin à deux :
   Un exemple flagrant est celui de l’élection présidentielle française de 2002, lors du premier tour de celle-ci, Jacques Chirac était arrivé en tête avec 19,88 %, mais à la surprise générale, au lieu de Lionel Jospin, le candidat socialiste, ce fut Jean-Marie Le Pen qui arriva second avec 16,86 % des voix, L. Jospin, lui, arriva juste derrière avec 16,18 % des voix. Or, Lionel Jospin, d’après les sondages, aurait battu J. Chirac s’il était parvenu au second tour. On attribue souvent — à raison, au vu du fonctionnement de ce scrutin — la défaite de Lionel Jospin à des petites candidatures à gauche, notamment celles de Jean-Pierre Chevènement, qui avait recueilli quelques 5,33 % des voix, et Christiane Taubira, avec 2,32 %. Si ces candidats ne s’étaient pas présentés, une partie de leurs électeurs auraient alors voté pour le candidat socialiste, ce qui l’aurait fait passer au second tour, après quoi il aurait pu battre J. Chirac comme le prédisaient les sondages.
Donc le premier tour de ce scrutin est toujours dépendant aux alternatives non pertinentes. Ce qui conduit inexorablement pour les électeurs à devoir mettre en place des stratégies de vote utile.
   On l’a vu avec l’élection présidentielle française de 2017, où, par peur d’un duel au second tour entre les deux candidats conservateurs François Fillon et Marine Le Pen, tout un pan de l’électorat français progressiste a voté massivement pour le principal candidat progressiste : Emmanuel Macron, alors qu’ils auraient peut-être aimé voter pour Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, voire pour Nathalie Arthaud ou Philippe Poutou. Ils ont donc pratiqué le vote utile, par crainte d’un duel entre François Fillon et Marine Le Pen, les deux candidats conservateurs…
De la même manière, les électeurs en accord avec Nicolas Dupont-Aignan, ou François Asselineau, ont massivement voté « utile » pour Marine Le Pen, le principal candidat souverainiste. Ils votent donc « utile », comme le dans le scrutin à un tour, la seule différence avec ce dernier, c’est qu’au lieu de voter utile pour « élire » un candidat, ils votent utile pour le faire « passer au second tour » …

   En conclusion, le premier tour du scrutin à deux tours est toujours dépendant aux alternatives non pertinentes. Il nous faut donc nous mettre en quête d’un autre scrutin.

4)   Le Vote alternatif
   Mais on peut faire la remarque que cette dépendance aux alternatives non pertinentes existe parce que, lors du premier tour de scrutin, on élimine plusieurs candidats d’un coup, ce qui fait qu’on a donc balayé d’un coup plusieurs candidats libéraux, plusieurs candidats de gauche, plusieurs candidats conservateurs, etc... Or, si l’on n’avait éliminé qu’un seul candidat, celui avec le moins de voix, alors ses électeurs se seraient reportés sur d’autres candidats proches idéologiquement, et on aurait pu à nouveau éliminer le candidat avec le moins de voix, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.
En n’éliminant qu’un candidat à la fois, on peut penser que le scrutin sera plus robuste aux alternatives non pertinentes car on n’élimine qu’un candidat libéral à la fois, qu’un candidat de gauche à la fois, etc… Et leurs électeurs pourront donc se reporter sur les candidats restant proches idéologiquement.
Ce scrutin semble absolument infaisable : s’il y a 11 candidats, cela veut dire qu’il faudrait faire 10 tours pour élire le gagnant… Impossible !
Eh bien si enfaîte, et on peut même tout faire en un seul tour ! il suffit de demander aux électeurs dans leurs bulletins, non pas de désigner uniquement le meilleur candidat selon eux, mais de classer les candidats de celui qu’ils préfèrent à celui qu’ils aiment le moins ou détestent le plus. Ainsi, un bulletin ressemblerait, par exemple, à ça :
1.   Cannelle
2.   Bastien
3.   Alice
4.   Émilie
5.   David
Au début, pour simuler le premier tour, on ne prend en compte que le candidat n°1 sur les bulletins, et on calcule leurs scores comme dans un scrutin majoritaire classique. Puis on élimine le candidat avec le moins de voix, et on raille son nom sur tous les scrutins, après quoi on attribue les bulletins l’ayant mis en tête aux candidats se trouvant en deuxième position. On recalcule ensuite les scores des quatre candidats restant en tenant compte des reports de voix des électeurs qui avaient mis le candidat perdant en tête. Puis on ré-élimine le candidat parmi les quatre à avoir le moins de voix, et on continue ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une seule personne.
   Ce scrutin semble intéressant, et il l’est pour la raison évoquée plus haut, du fait qu’il n’élimine qu’un candidat à la fois mais il peut quand même amener à des bizarreries :
Prenons un exemple avec d’autres candidats fictifs : Gabrielle, Hugo et Isabelle. Supposons que l’électorat se partage très simplement comme suit :
34 % : Gabrielle > Hugo > Isabelle (n°1 : Gabrielle, n°2 : Hugo, n° 3 : Isabelle)
32 % : Hugo > Isabelle > Gabrielle
34 % : Isabelle > Hugo > Gabrielle
Avec seulement 32 % des voix, Hugo est le candidat ayant fait le moins bon score, il est donc éliminé, et ses électeurs se reportent sur Isabelle, qui l’emporte donc sur Gabrielle avec 66 % contre 34.
Mais imaginons que la campagne électorale ait été différente. En particulier, imaginons qu’Isabelle, la gagnante, ait fait une encore meilleure campagne et ait réussi à convaincre encore plus de ses électeurs potentiels d’aller voter, gagnant ainsi 3 %. A contrario, Gabrielle, elle, a fait une moins bonne campagne, ses voix sont moins nombreuses : elle perd 3 % par rapport à la première simulation. On a donc :
31 % : Gabrielle > Hugo > Isabelle
32 % : Hugo > Gabrielle > Isabelle
37 % : Isabelle > Hugo > Gabrielle
Cette fois-ci c’est Gabrielle qui est éliminée. Logique, puisqu’elle a fait une moins bonne campagne, elle a mobilisé moins d’électeurs. Mais ce que l’on remarque, c’est que ses électeurs, en conséquence, se reportent sur Hugo ! Et par conséquent c’est Hugo qui gagne avec 63 % contre 37 pour Isabelle !
Isabelle est donc perdante alors qu’elle a fait une meilleure campagne ! Ce qui est complètement absurde ! Le Vote alternatif a donc comme conséquence que, lorsque l’on progresse dans l’opinion publique, on peut régresser dans le classement final, ce qui est absurde ! Et on peut se demander s’il n’y a pas un scrutin qui ne présente pas ce défaut.

5)   Le Scrutin de Condorcet
   Bien… Donc qu’on élimine plusieurs candidats d’un coup, ou qu’on n’en élimine qu’un seul à la fois, cela donne un scrutin qui présente quand même des défauts… Mais une chose est intéressante à remarquer : nous avons pointé du doigt les défauts des premiers tours du scrutin à deux tours et du vote alternatif (bien que, techniquement, il n’y ait qu’un seul « tour » au vote alternatif, je veux parler des étapes où l’on élimine des candidats). Mais, in fine, le denier tour de scrutin à deux tours et la dernière étape du vote alternatif, où il n’y a plus que deux candidats : les deux « finalistes », sont-elles exemptes de défaut ?
   Eh ben… Oui. De façon surprenante, les sept premières plaies du scrutin à un tour ne s’appliquent pas à un duel entre seulement deux candidats ! En effet, s’il n’y a que deux candidats, le point n°1 consistant à dire qu’il est dommageable de ne pas exprimer ce que l’on pense de tous les candidats, et de se retreindre juste à indiquer le candidat que l’on préfère parmi les candidats présents n’est pas vraiment dérangeant car, dans la mesure ou il n’y a que deux candidats, indiquer celui que l’on préfère suffit pour signifier que l’on pense que l’autre est moins bon. Il n’y a pas de troisième candidat à qui comparer le second, donc se contenter d’indiquer que l’on préfère le premier au second suffit.
Les points n°2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont liés à la dépendance aux alternatives non pertinentes, soit parce qu’ils en sont une partie du mécanisme, soit parce qu’ils en sont la conséquence. Or, lors d’un duel, il n’y a pas d’alternatives non pertinentes, car il n’y a que deux choix. On peut donc juger si la population préfère A à B ou B à A de façon purement indépendante de l’existence de C.
De plus, le problème soulevé dans la partie précédente sur le vote alternatif, selon lequel lorsque l’on progresse dans l’opinion, on peut régresser dans le classement final, n’existe pas quand il n’y a que deux candidats. En effet, si A progresse dans l’opinion, alors il ne peut que récolter plus de voix et ces voix gagnées ne pourront que l’aider à battre B, en augmentant son score face à ce dernier.
   Mais alors, faut-il restreindre l’élection à seulement deux candidats ? Non, bien évidemment. Mais on peut faire en sorte de n’avoir que des duels avec plus que deux candidats. C’est la méthode proposée par le marquis Nicolas de Condorcet. La méthode marche comme suit :
Dans leurs bulletins de vote, les électeurs classent les candidats du premier au dernier, de celui qu’ils préfèrent à celui qu’ils aiment le moins ou détestent le plus. On obtient un bulletin de vote similaire à celui du vote alternatif, à ceci près que, pour le scrutin de Condorcet, les électeurs peuvent mettre plusieurs candidats au même niveau, à égalité. Par exemple, pour notre élection fictive avec nos cinq candidats, ils peuvent mettre :
1.   Cannelle
2.   Bastien
3.   Alice & Émilie
4.   David
Une fois avoir dépouiller tous les bulletins, pour « simuler » un duel entre deux candidats, il suffit de prendre le candidat le mieux classé parmi les deux dont on veut faire le duel, le bulletin compte comme une voix pour ce candidat, dans le duel contre l’autre. Ainsi, dans l’exemple de ce scrutin, lors du duel entre Alice et Bastien, le bulletin présenté à l’instant compte comme une voix pour Bastien, car l’électeur de ce bulletin préfère Bastien à Alice, dans le duel « Alice contre Bastien » il aurait voté pour Bastien. Mais lors du duel entre Alice et Émilie, ce bulletin compte comme un vote blanc, ou une égalité, car l’électeur de ce bulletin estime que, pour lui, Alice et Émilie se valent, il n’a pas de préférence pour l’une ou pour l’autre.
Une fois tous les duels faits, le candidat qui est élu est le candidat qui a gagné tous ses duels, notez bien, tous ses duels, pas juste « le plus de duels », mais bien tous ses duels.
   L’idée de ce scrutin est simple, elle se base sur le principe très élégant qui veut que « Si un candidat est préféré à un autre par une majorité d’électeurs [quand ils sont confrontés l’un contre l’autre, en duel], alors il doit le battre dans le classement final de l’élection », en conséquence, celui qui bat tous les autres, ne peut être qu’élu.

   Ce scrutin possède une qualité que très peu de scrutins ont : du fait qu’il considère des duels, il est l’un des très, très rares scrutins, pour ne pas dire le seul, à être enfin indépendant aux alternatives non pertinentes. En effet, reprenons l’exemple de notre élection fictive, si Florent, proche idéologiquement d’Alice, se présente à l’élection, alors, au scrutin majoritaire, à un tour ou deux, lui et Alice se partageront leurs voix et leur électorat ; mais au scrutin de Condorcet, lors du duel entre Alice et Bastien, par exemple, la présence de Florent à l’élection ne change pas le résultat d’Alice ou de Bastien, les électeurs qui préfèrent Alice à Bastien continueront de mettre Alice avant Bastien et inversement. Donc la présence ou non de Florent ne change pas les résultats pour les autres candidats entre eux. Par conséquent si, parmi ces cinq candidats, il y en a un ou une qui remporte tous ses duels, alors il ou elle continuera de remporter tous ses duels, qu’il y ait Florent ou pas, car il ne compte pas lors des duels qui ne le concerne pas. Et cette dernière phrase vaut pour chaque candidat qui se présenterais. Donc deux candidats proches idéologiquement peuvent tout à fait se présenter individuellement sans craindre de se gêner l’un l’autre par dilution des voix.
   En outre, comme il ne demande pas de désigner le meilleur candidat selon nous et de nous y restreindre, mais d’indiquer la liste complète et subtile de nos préférences, bien que, dans le calcul des résultats, certes, chaque électeur est compté comme une voix désincarnée pour le candidat qu’il préfère sur les deux lorsqu’on calcule les résultats de leur duel, mais comme il n’est fait que des duels, la voix de l’électeur n’est pas comptée systématiquement comme une voix pour le même candidat. Tout cela fait que, du coup, le scrutin de Condorcet ne demande pas aux gens de « choisir leur camp », et ne les identifie pas à un clan idéologique. Combiné au fait que, en l’absence de vote utile, tout candidat peut se présenter, offrant ainsi une offre politique bien plus riche et diversifiée que dans les scrutins majoritaires, cela permet alors aux électeurs de ne pas se retrouver enfermer dans une idéologie caricaturale, et d’avoir une pensée politique bien plus riche que « moi je vote pour tel parti ».
   Enfin, le principe sur lequel il se fonde est très élégant : si un candidat est préféré à un autre, il doit être prioritaire pour se faire élire. Donc celui qui est systématiquement préféré à tous les autres, lorsqu’on les compare deux à deux, est prioritaire sur tous les autres pour être élu, il doit donc être élu.

   Malheureusement — car en ce bas monde, rien ne va jamais sans un souci — Il se peut qu’il n’y ait pas de candidat battant TOUS ses adversaires. En effet, si A bat B, que B bat C mais que C bat A, ce qui tout à fait possible, alors le vote ne permet pas de rendre de résultat satisfaisant.
   Et il y a aussi un autre « problème » avec ce scrutin, qui rebute plus d’une personne à l’adopter : Imaginez un électeur « de droite », libéral et conservateur, et une élection à trois candidats : un de gauche, un de droite, et un centriste. L’électeur va donc rendre un bulletin comme suit :
Candidat de droite > centriste > candidat de gauche
Donc dans le duel entre la gauche et le centre, il votera pour le centre pour faire barrage à la gauche. Or, un électeur de gauche, lui, rendra un bulletin comme ça :
Candidat de gauche > centriste > candidat de droite
Ce qui revient à dire que dans le duel entre la droite et le centre, ce dernier électeur votera pour le centre dans l’espoir de faire barrage à la droite…
   Et on voit ici ce qui rebute beaucoup : dans le duel Centre/Droite, l’intégralité de la gauche votera pour le centre pour faire barrage à la droite, et dans le duel Gauche/Centre, l’intégralité de la droite votera pour le centre dans l’espoir de faire barrage à la gauche. Donc le Centre est fortement avantagé dans ce scrutin… Et au niveau national, où la gauche et la droite sont toujours plus ou moins à égalité, un tel scrutin amènerait très souvent à l’élection d’un candidat centriste, parce l’intégralité de la droite aura fait barrage à la gauche et l’intégralité de la gauche aura fait barrage à la droite. Le centre peut donc se retrouver élu, mais élu « par défaut » alors qu’n lui-même, le centre n’est pas très apprécié…
   Je tiens cependant tout de suite à apporter une réponse à cette critique : si ce raisonnement se vaut pour le nveau national, n’oublions pas que nous cherchons ici à élire un parlement, donc une assemblée de plusieurs personnes, nous allons donc diviser le pays en plusieurs petites circonscriptions et chacune votera pour élire son parlementaire qui siégera au parlement. Or, ce raisonnement n’est pas aussi valable au niveau d’une petite circonscription. En effet, ce n’est pas le candidat « centriste » qui est élu, mais le candidat « au centre de l’électorat », or, si l’intégralité de l’électorat se répartis entre le centre-gauche et l’extrême gauche, le vainqueur selon la méthode de Condorcet sera un candidat simplement « de gauche » !
Et si ce cas de figure n’est jamais retrouvé au niveau national, où droite et gauche sont toujours à peu près égales, il n’en va pas de même à des échelles plus locales, par exemple : dans les terres ouvrières, qui étaient historiquement socialo-communistes, la majorité des électeurs se répartissent entre le centre-gauche et l’extrême gauche, ou encore les centres-villes des grandes métropoles, et leurs électorats plus libéraux... Donc le vainqueur selon Condorcet est le candidat au centre de l'électorat, or l'électorat dépends de la sociologie, et la sociologie dépends de la géographie ! Donc si on utilise ce scrutin, non pas pour une élection nationale, mais pour l'une des chambres du parlement, en divisant le pays en circonscriptions, on n’aurait pas forcément une majorité de centristes.
   Et j’aimerais aussi apporter un autre élément de réponse : ce fait pour le scrutin d’élire le candidat central de l’électorat s’applique enfaite à tout les paramètres qui font qu’un candidat peut être à la fois aimé et détesté, dont sa tendance à la démagogie et au mensonge ! En effet, un candidat qui fait beaucoup de déclarations irréalistes va avoir tendance à s’attirer la sympathie d’un électorat très polarisé, mais il se fera rejeter par tous les autres électeurs. Mais cette stratégie, si elle est favorisée par le scrutin majoritaire (encore une fois : au scrutin majoritaire, comme les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats qu’ils détestent, la seule mauvaise publicité est celle qui ne se voit pas), est par contre sanctionnée de façon extraordinairement sévère par le scrutin de Condorcet. Car si un candidat s’attire lance polémiques sur polémiques, il s’attirera peut-être les faveurs de 10, 20 voire 30% des électeurs, mais le dégoût et la détestation de 60, 70 voire 80 % d’autres électeurs, ce qui le desservira plus qu’autre chose. C’est l’argument n° 6 en faveur du tirage au sort, et cet argument s’applique aussi à l’élection au scrutin de Condorcet
   Et il en va de même pour un candidat qui ne polémique pas spécialement, mais qui, du fait d’une campagne électorale trop forte, trop envahissante parce qu’il y aura investi trop d’argent, fait que certains électeurs vont en avoir de marre de lui et il va baisser dans l’opinion. Ce qui va le desservir lors du vote. On voit donc que le scrutin de Condorcet permet de réguler naturellement le problème des campagnes électorale réservées aux riches et à ceux qui mènent des politiques favorisant de riches donateurs et obéissants à l’idéologie de détenteurs de grands médias. Avec le scrutin de Condorcet, une campagne électorale trop soutenue, trop envahissante, car trop financée et trop médiatisée, peut être sanctionnée par les électeurs. C’est cette fois-ci l’argument n° 7 en faveur du tirage au sort, qui s’applique aussi à l’élection au scrutin de Condorcet

   Bien, mais cela ne règle pas le premier problème évoqué : si A bat B, que B bat C mais que C bat A. Il n’y a tout simplement pas de vainqueur. N’y a-t-il pas alors un autre scrutin qui serait capable de rendre un résultat, tout en étant aussi bon que le scrutin de Condorcet ?

6)   Le Vote par moyenne
   Après avoir vu plusieurs scrutins, on remarque que l’on ne s’est intéressé qu’aux scrutins qui demandaient aux électeurs de classer les candidats, or il n’y a pas que ces scrutins-là. En effet certains scrutins ne demandent pas de classer les candidats, en indiquant ses préférences, mais de les noter individuellement et indépendamment sur une échelle de 0 à 10, ou 0 à 20.
Or, ces scrutins peuvent représenter une excellente alternative aux scrutins où l’on classe les candidats. Car ils ne sont pas soumis à un théorème bien connu des mathématiques des scrutins : le théorème d’impossibilité d’Arrow, développé par l’économiste américain Kenneth Arrow. Ce théorème énonce, de manière simplifiée, la chose suivante : « Il n’existe aucun scrutin basé sur l’agrégation des préférences individuelles qui soit en même temps :
- Universel : c’est-à-dire qu’il soit toujours capable de rendre un résultat.
- Non-dictatorial : aucun bulletin ne va, dans le calcul des résultats, primer sur tous les autres.
- Unanime : si tout le monde préfère un candidat, s’il y a unanimité pour élire ce candidat, alors le candidat est sûr d’être élu.
- Indépendant aux alternatives non pertinentes. »
   En effet, si tous les scrutins présentés ici remplissement bien les critères de non-dictature et d’unanimité, le scrutin de Condorcet est le seul à être indépendant aux alternatives non pertinentes, mais cette indépendance se fait au prix du premier critère : l’universalité. En effet, le Scrutin de Condorcet peut ne pas en rendre de résultat : dans le cas où A bat son duel contre B, où B bat C mais où C bat A, il n’existe pas de vainqueur, le scrutin de Condorcet n’est donc pas « universel », contrairement aux autres scrutins.)
Et avoir un scrutin qui remplirait les conditions d’universalité et d’indépendance aux alternatives non pertinentes ne pourrait se faire qu’en sacrifiant l’unanimité, c’est-à-dire qu’un candidat pourrait perdre alors que tous le monde le préfère aux autres, on la non-dictature, c’est-à-dire que le scrutin pourrait prendre au hasard un bulletin parmi tous et se conformer à cet unique bulletin, négligeant les autres. Ce qui serait encore plus absurde !
   La démonstration du théorème ne sera pas affichée ici car elle fait intervenir des mathématiques techniques et contient quantité de « lemmes », c’est-à-dire des démonstrations intermédiaires qui produisent des conclusions dont on se servira pour faire la démonstration finale. Donc le « Théorème d’impossibilité d’Arrow » devrait plutôt s’appeler la « Série des théorèmes d’impossibilité d’Arrow ».

   Néanmoins, bien que ce théorème soit démontré et valide, la démocratie n’est pas perdue. Car ce théorème concerne les scrutins où l’on classe les candidats, pas où on les note individuellement sur une échelle absolue.
Mais une fois que tous les électeurs auront noter les candidats, comment agréger en une seule note l’intégralité de celles qu’aura reçus un candidat de la part de tous les électeurs ? La première méthode à laquelle on pense est bien sûr la moyenne. On demande donc à chaque électeur de noter l’ensemble des candidats, puis, après avoir fait la moyenne des notes qu’auront reçus les candidats, celui avec la meilleure note moyenne est élu.
Cette méthode peut paraître très rebutante, car on ne s’imagine pas « noter » les candidats d’une élection. Ce sentiment qui nous est inspiré vient du fait que nous sommes trop habitués à nos très mauvais scrutins majoritaires uninominaux, bien au-delà de la raison. Pourtant, la note sur une échelle numérique est actuellement utilisée pour évaluer les compétences des élèves dans le cadre scolaire, alors pourquoi pas la représentativité et les compétences d’un candidat ? Ajoutons que la note scolaire permet aussi aux universités de choisir, « d’élire », car élire est un synonyme de choisir, les élèves de lycée assez méritants pour y entrer par le biais de leurs notes. Donc ce système de choix, d’élection par la note, est déjà utilisé en dehors de la politique.
De plus, en ce qui concerne son application en politique, il faut se rappeler que cette méthode avait déjà été proposé par le mathématicien français Jean-Charles de Borda, en 1770 ! 1770, c’est-à-dire bien avant l’indépendance des États-Unis d’Amérique, et presque cinquante ans avant la révolution française. A une époque où il n’existait aucune démocratie, ne serait-ce « qu’indirecte », en occident. A cette époque, quasiment aucun système d’élection n’était donc mis en place, car il n’y avait que des monarchies en Europe, et nos scrutins majoritaires uninominaux que nous avons tendance à considérer comme la norme, parce que nous ne nous sommes jamais posé la question, semblaient tout aussi fantasques ! Voire plus, car les défauts du scrutin majoritaires, en termes de vote utile, sont évident pour quiconque se y réfléchie un peu. Donc il faut savoir dépasser nos sentiments vulgaires, primitifs et irrationnels et se pencher sur les avantages de la méthode de la note moyenne.
   Ce système est très intéressant car il permet une représentation bien plus riche de ce que penses les électeurs. En effet, pour reprendre l’exemple de l’élection fictive de nos cinq candidats, le bulletin suivant « Cannelle > Bastien > Alice = Émilie > David » trouvable dans le scrutin de Condorcet, dit que, par exemple, cet électeur préfère Cannelle à tous les autres, mais il ne dit pas s’il « aime » vraiment Cannelle ou s’il vote pour elle par défaut, plus pour faire barrage aux autres que par véritable adhésion pour ses idées. Il ne dit pas non plus à quel point il préfère Cannelle aux autres, peut qu’il trouve Bastien presque aussi bien que Cannelle, ou alors qu’il estime que Cannelle est très loin devant tous les autres. Le scrutin de Condorcet de permet pas d’expliciter « l’intensité de la préférence », l’écart entre les candidats dans l’estime de l’électeur, il ne fait qu’indiquer l’ordre de préférence sans préciser la distance entre eux. Alors que le bulletin : « Cannelle : 17/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » indique bien que Cannelle est très loin devant tous les autres, et se distingue bien de « Cannelle : 13/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » alors que l’ordre de préférence est le même, mais dans ce second bulletin, Cannelle est juste devant Bastien, elle n’est plus loin devant tout le monde.
Mais plus intéressant encore que « l’intensité de la préférence », qu’indique le vote par moyenne que n’indiquent pas votes par classement, il indique aussi « l’intensité de l’adhésion » du vote. En effet, il y a une grosse différence
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #6 le: 09/01/2019 22:52:01 »
Partie III. Le Gouvernement et ses rapports avec le parlement : le type de régime

   Traditionnellement il existe deux grands types de régimes représentatifs : le régime présidentiel, aussi nommé système américain, et le régime parlementaire, aussi appelé système européen, selon l’identité de la personne qui possède le rôle de chef de gouvernement et ce que cela implique. L’État archétypal du régime présidentiel sont les États-Unis d’Amérique, tandis que pour le régime parlementaire, on peut se référer au fonctionnement de l’un des nombreux régimes représentatifs européennes, comme le Royaume-Unis ou l’Allemagne. Le cas de la France est très particulier et mériterait d’être évoqué après avoir vu les deux premiers systèmes. Mais commençons par examiner les deux grands types de régime en commençant par ce qui se fait chez l’oncle Sam.

1)   Le Régime présidentiel
   Dans le régime présidentiel, le chef de gouvernement, c’est-à-dire celui qui est chargé de coordonner l’action des membres du gouvernement, et qui est aux commandes de l’appareil exécutif du pays, est également le Chef de l’État. Le Chef de l’État est la personne chargée de la fonction symbolique bien que tout aussi politique que les autres d’incarner la continuité de l’État et l’unité de la population, et représente l’ensemble des citoyens devant les puissances étrangères. Mais surtout il sert d’un point de vue pragmatique, ou est censé servir, de figure de proue autours de laquelle les citoyens puissent se rassembler : idéalement, il a un rôle politique fédérateur de la population. Dans une république le Chef d’État est un Président, tandis que dans une monarchie, c’est le Monarque.
Quoi qu’il en soit, dans le régime présidentiel, le Chef d’État possède l’autorité sur le pouvoir exécutif, faisant de lui le chef du gouvernement, nommant des ministres ou secrétaires d’État qui appliqueront sa volonté dans les différents domaines du pouvoir exécutif. On parle alors d’un exécutif « monocéphale », avec une seule tête, car les deux chefs de l’État et du gouvernement sont la même personne.
Evidemment, pour que ce type de régime soit « démocratique », il ne peut être qu’une république, le chef d’État ne peut pas être un monarque désigné par l’hérédité.
Pour établir la légitimité du Président devant le parlement, ce dernier doit donc être élu par le peuple au suffrage direct. Ce n’est techniquement pas le cas aux États-Unis, mais les électeurs élisent des gens qui promettent d’élire un candidat en particulier, et dans les faits la campagne électorale présidentielle se passe comme si l’élection se déroulait au suffrage direct.
Or, le parlement est aussi élu au suffrage direct, le gouvernement comme le parlement sont donc tous les deux tout aussi légitimes l’un que l’autre.
   Dans ce système, parlement et gouvernement sont donc tout aussi légitimes l’un que l’autre car désignés par le suffrage universel direct. Mais, dès lors que ces deux institutions sont d’une légitimité égale, en cas de conflit entre les deux, l’une ne peut faire valoir la priorité sur l’autre. Et dans le cas où le gouvernement et le parlement seraient en désaccord, aucun ne peut faire plier l’autre, ce qui peut amener à des blocages puissants, appelé « Shutdown » aux États-Unis.
Un exemple de Shutdown est ce qu’il s’est passé en octobre 2013, lorsque l’administration Obama avait décidée d’un budget pour l’administration, le parlement américain avait refusé plusieurs fois de le voter. Le gouvernement d’Obama n’avait pas le pouvoir de faire plier le parlement, et le parlement n’avait pas le pouvoir de décider d’un autre budget seul ou de changer le gouvernement ce qui, au premier octobre 2013, faisait que de nombreux fonctionnaires américains s’étaient retrouvés sur le carreau.
   Le régime présidentiel implique ce qu’on appel une « séparation stricte des pouvoirs », c’est-à-dire que non seulement les pouvoirs exécutifs et législatifs appartiennent à des institutions différentes, mais en plus ces institutions ne peuvent pas infléchir sur les actions de l’autre. Ce qui, en cas de désaccord entre les deux pouvoirs, mène à des situations de blocage parfois insurmontables.
   Ce système n’est pas désirable pour le modèle d’institutions proposées dans ces pages. Car le but est, je le rappelle, d’avoir des institutions qui soient le plus représentatives possible du peuple (car si elles ne le sont pas, elles prendront des décisions qui seront abrogées en RIC), or une personne unique désignée comme le chef du gouvernement peut difficilement être représentative de la richesse et de la diversité politique dans la population, ou ne serait-ce qu’une partie de celle-ci. Il est par conséquent inenvisageable de céder à cette unique personne l’entièreté du pouvoir exécutif sans qu’elle ne puisse être contrôlée ou influencée par le parlement, qui serait pourtant beaucoup plus représentatif qu’elle.
De plus, ce qui a été dit sur les RIC d’abrogation marche aussi pour les RIC de révocation, visant à forcer un élu à démissionner et refaire une élection : si le Président élu mais qu’il n’est pas soutenu par la majorité de la population, il sera immédiatement forcé à démissionner à cause d’un référendum révocatoire que se seront empresser de voter tous ceux qui ne le soutenaient pas.
Il faut donc cherche un mode de gouvernement qui soit plus représentatif du peuple et fidèle à ce dernier que le régime présidentiel.

2)   Le Régime parlementaire
   Dans le régime parlementaire, le Chef d’État n’a aucun ou presque pouvoir politique, la responsabilité de l’exécutif appartient à une personne distincte, dont le titre officiel peut être celui de Premier ministre, comme au Royaume-Unis, ou Chancelier, en Allemagne. De la même manière, donc, que l’on parlait d’exécutif « monocéphale » quand une même personne endossait les deux casquettes, on parle ici d’exécutif « bicéphale », car le Chef d’État exerce la fonction symbolique, et le et chef du gouvernement le pouvoir politique.
Dans ce système, le chef d’État ne peut être élu par le peuple au suffrage direct, car ce mode de désignation est le plus « légitimant », et l’élection nationale au suffrage direct impliquerait un programme électoral pour justifier l’élection, et donc cela impliquerait que le chef d’État élu aurait un pouvoir politique. Classiquement, le chef d’État d’un régime parlementaire est soit un président élu par les parlementaires dans le cas d’une république parlementaire telle l’Allemagne, mais il peut aussi être un monarque désigné par l’hérédité dans le cas des monarchies parlementaires comme le Royaume-Unis.
De plus, il ne faut pas oublier que, bien que dépourvu de pouvoir concret, la fonction de Chef d’État est la plus haute fonction de l’État symboliquement parlant, son statut est le statut le plus prestigieux. Or, si on élisait le chef du gouvernement au suffrage universel direct, alors cela lui octroierait une légitimité supérieure à celle du chef de l’État, et ferait de l’ombre au pouvoir supposé fédérateur de ce dernier. Le chef du gouvernement ne peut donc pas non plus être élu directement.
Traditionnellement, c’est le Chef d’État qui nomme le chef de gouvernement. Mais, là où le régime devient « parlementaire », c’est que comme le parlement peut voter une « motion de censure » pour forcer le gouvernement à démissionner. Le pouvoir du parlement via la motion de censure se justifie d’un point de vue démocratique par le fait que le parlement, lui, est élu. Il est donc démocratiquement légitime qu’il puisse démettre de ses fonctions et stopper l’action d’une personnes non élue.
Ainsi, même si le Chef d’État nomme le gouvernement et son chef, c’est bien le parlement qui induit cette nomination, car il peut le forcer à démissionner, quand il n’élit pas directement le chef du gouvernement comme c’est le cas en Allemagne, où le parlement soumet au Président un candidat élu par les parlementaires au poste de Chancelier fédéral, que le Président n’a pas le pouvoir de refuser. Le Gouvernement est donc subordonné au parlement.
Par conséquent, en cas de crise politique opposant le gouvernement au parlement, c’est le parlement qui a le dernier mot, c’est en cela que le régime est « parlementaire ».
   Enfin, il y a bien un pouvoir que possède le Chef d’État, celui de dissoudre le parlement et provoquer une nouvelle élection de ce dernier. Néanmoins, n’étant pas élu par le peuple, le Chef d’État n’a qu’une très faible légitimité à user de ce pouvoir, et les seules situations où il est vraiment autorisé à le faire est le cas où il y aurait une instabilité politique, aboutissant au fait qu’il ne puisse y avoir de gouvernement stable car le parlement voterait motion de censure sur motion de censure.
Prenons un exemple concret : si dans le parlement un tier des parlementaires sont communistes, un autre tier libéral, et un autre tier nationaliste protectionniste, alors si le Chef d’État nomme un gouvernement libéral, les deux tiers du parlement (communistes et nationalistes) voteront la motion de censure, si un gouvernement communiste est nommé pour le remplacer, les deux tiers du parlement (libéraux et nationalistes) voteront à nouveau la motion de censure, et ainsi de suite…
Dans cette unique situation d’instabilité politique, le Chef d’État peut agir en provoquant une nouvelle élection parlementaire et espérer rétablir une majorité stable d’un seul camp politique au sein du gouvernement.
   Dans ce régime, la séparation des pouvoirs est dite « souple », car bien que les institutions qui exercent les différents pouvoirs ne soient pas les mêmes, elles ont la possibilité de s’influencer l’une l’autre.
Toujours dans cette optique de souplesse dans la séparation des pouvoirs, dans les régimes parlementaires, les membres du gouvernement sont également dotés de « l’initiative législative ». C’est-à-dire qu’ils peuvent proposer des lois au parlement, que celui-ci est libre de voter ou pas, sans que le gouvernement n’interviennent ensuite, mais le gouvernement peut proposer des lois, ce qui est impossible en régime présidentiel. En régime présidentiel, l’initiative législative est exclusive aux parlementaires, les ministres s’occupent de l’exécutifs, les parlementaires du législatif, c’est clair, net et précis, et personne n’empiète sur les plates-bandes de l’autre, point.
   L’avantage de ce système est qu’il n’y a plus de problème de blocage des institutions avec un parlement et un gouvernement qui camperaient sur leurs positions sans qu’aucun ne puisse démettre l’autre. Ce qui aboutirait aux « shutdowns » à l’américaine. De plus, l’initiative législative accordée aux membres du gouvernement permet une communication et une coopération des différents pouvoirs. Le régime parlementaire est donc basé sur la coopération entre les institutions.
   Mais il y a deux problèmes à ce système : d’abord, le gouvernement n’est stable que s’il est soutenu par une majorité absolue de parlementaire, or, le parlement proposé dans ce texte est fait pour être fidèle au peuple, donc pour qu’il y ait une majorité absolue de parlementaires de la même orientation politique, il faut que la majorité absolue du peuple soit de la même orientation politique, ce qui est utopique. On peut néanmoins avancer un contre-argument avec l’exemple de l’Allemagne : là-bas, la motion de censure n’est effective que si le parlement réussi à élire son remplaçant à la majorité absolue. Autrement dit, il ne suffit plus au parlement de réunir une majorité qui se contente de rejeter le Chancelier actuel, il lui faut réunir une majorité qui soutienne un même nouveau Chancelier, ce qui rend le gouvernement plus stable.
   Mais un autre argument contre ce régime dans le système que ce texte propose est qu’il y a déjà une source potentielle d’instabilité politique : le Référendum d’initiative citoyenne.
Si le peuple est déjà capable de rejeter nombre des réformes que tenterait le gouvernement de mettre en place, alors rajouter à cette source potentielle d’instabilité la possibilité que le gouvernement puisse lui-même changer continuellement à coup de motions de censure aboutirait à un État beaucoup trop instable.

3)   Le Cas de la France : le régime semi-présidentiel
   Il ne sera question ici que d’aborder rapidement la spécificité de la cinquième république française. Car celle-ci est vraiment très particulière :
Si on voulait la comparer aux deux régimes présentés ci-dessus, on pourrait la rapprocher d’une république parlementaire : le Président, en tant que Chef de l’État nomme le gouvernement et son chef, l’exécutif est donc bien bicéphale, ledit gouvernement peut être forcé à démissionner par une motion de censure votée par l’Assemblée nationale, la chambre basse du parlement. Et le Président peut dissoudre cette même Assemblée nationale et provoquer de nouvelles élections. Jusque-là, une république parlementaire classique…
   Sauf que… Le Président est élu au suffrage universel direct ! Et qui dit élection au suffrage direct, dit programme politique pour mener une campagne électorale devant les français et justifier son élection, donc dit que le Président est élu sur un projet politique qu’il est légitime à mettre en place. Bien qu’il ne respecte que rarement ses promesses (mandat représentatif, quand tu nous tiens…), le suffrage direct lui donne une légitimité à agir en politique car il fait de lui un représentant du peuple. Le plus haut représentant, même, puisqu’il est le seul à être élu par tous le pays, les députés n’étant élus que dans des petites circonscriptions du pays.
Donc, bien que dans la constitution, ce soit le Premier ministre, en tant que chef du gouvernement, qui exerce officiellement le pouvoir exécutif, c’est le Président qui supervise véritablement le pouvoir. Car non seulement il nomme le Premier ministre, mais en plus, comme il est légitime à faire appliquer sa politique, étant élu par le pays, il est aussi légitime à protéger le gouvernement lorsque l’Assemblée nationale s’oppose à lui, et donc de dissoudre cette dernière sitôt qu’elle s’apprête à voter une motion de censure. On voit donc que ce changement qui semblait anodin, élire le Président au suffrage direct, change enfaite complètement le rapport de force entre législatif et exécutif : dans le régime parlementaire, le gouvernement est subordonné au parlement, dans le régime semi-présidentiel français, c’est le contraire. L’exécutif y est très puissant, et entièrement dirigé par le Président.
   Mais ce n’est pas tout : d’autres procédures spécifiques au régime français et non retrouvées ailleurs, en tout cas toutes ensemble, augmentent encore la puissance politique de l’exécutif et du Président, pour le gouvernement dans son ensemble :
- Le gouvernement peut choisir une partie de l’ordre du jour du parlement. C’est-à-dire qu’il peut décider de quel sujet vont débattre les parlementaires lors de certaines séances.
- Le gouvernement peut demander au parlement d’écrire des lois directement à sa place, bien que cette procédure soit encadrée par un accord du parlement au début dans un domaine spécifique (le parlement donne son accord pour une loi sur un sujet donné, pas sur tous), puis la discussion de la loi écrite par les parlementaires et son vote en procédure ordinaire à la fin. Cette procédure s’appelle la législation par ordonnance, et son intérêt est que les lois écrites par ordonnances s’appliquent tout de suite après leur écriture par le gouvernement, contrairement aux lois ordinaires qui nécessitent un délai pour entrer en vigueur. Ainsi, si le gouvernement veut une loi rapidement, il peut demander au parlement l’autorisation d’écrire une loi qui entrera en application sitôt écrite et promulguée. Ensuite le parlement pourra plus tard rediscuter cette loi, la modifier voire l’abroger, mais cela laisse un temps durant lequel la version écrite par le gouvernement s’applique.
- Plus insidieux encore que les deux premiers points : le gouvernement peut écrire des « règlements autonomes ». Ce sont des textes qui s’appliquent comme des lois, ont la même valeur juridique qu’une loi, mais ne passent à aucun moment par un vote parlementaire, pas plus que par une procédure de législation par ordonnance. Ces textes sont intégralement écrits par le gouvernement sans que celui-ci ne doive rendre de compte à une autre institution.
Cela s’explique par le fait qu’en réalité, quand la constitution française décrit le rôle du gouvernement, elle ne dit pas qu’il exerce le pouvoir exécutif, elle dit : « Le Gouvernement conduit et dirige la politique de la nation » (Article 20, alinéa 1). Tandis qu’elle dit explicitement que le parlement possède le pouvoir législatif par l’article 24, alinéa 1 : « Le Parlement vote la loi ».
Cette description très vague et évasive du rôle du gouvernement fait que, en réalité, ce dernier n’a pas le pouvoir exécutif, il a tous les pouvoirs… ! Il est donc compétent pour émettre seul des textes de loi. Et dans l’Histoire de la V° République, le gouvernement a déjà eu recours à de tels textes, notamment au début, sous De Gaulle.
- Et même pour les lois « légitimes » faites par le parlement, le gouvernement peut initier une procédure de « vote bloqué », ce qui signifie que le parlement doit se prononcer pour ou contre tout ou partie d’une loi, alors que classiquement il vote les lois article par article. Cette procédure permet au gouvernement de faire passer des articles refusés seuls avec d’autres articles, plus populaires, pour être acceptés. C’est grossièrement une procédure de « tout ou rien ».
- Enfin et non des moindres : dans la même idée du « tout ou rien », si c’est la loi dans son ensemble qui déplait au parlement, le gouvernement peut alors « engager sa responsabilité » devant l’Assemblée nationale. Si celle-ci vote une motion de censure dans les 24 heures suivant cette résolution, le gouvernement est forcé à démissionner. Sinon, le gouvernement reste en place, mais la loi initialement rejetée par le parlement est alors considérée comme votée et approuvée. Cette procédure est décrite au troisième alinéa de l’article 49 de la constitution, c’est le fameux « 49.3 ».
C’est une sorte de « c’est ça ou j’me tire ! » que le gouvernement lance au parlement. Ça peut sembler légitime de prime abord, et c’est effectivement envisageable dans une république parlementaire classique, mais dans le régime français, n’oublions pas que le Président nomme le gouvernement et exerce le véritable pouvoir exécutif, et qu’il peut menacer l’Assemblée nationale de la dissoudre si celle-ci ose voter la motion de censure et persister dans son opposition au gouvernement, soutenu par le Président. Et comme il est élu par le peuple, il est légitime à défendre sa politique et donc à dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui constitue un formidable moyen de pression sur cette dernière pour qu’elle ne vote pas la motion et renonce à rejeter la loi…

   Notez bien que toutes ces mesures ne sont pas forcément spécifiques du régime français, certaines se retrouvent aussi ailleurs, mais rarement combinées les unes avec les autres, toutes ensemble.
Donc on voit que le pouvoir exécutif est très fort. Et comme il est nommé par le Président, celui-ci élu par le peuple donc en droit de défendre sa politique devant le parlement, le Président est vraiment aux commandes de tout le pays. De plus, d’autres mécanismes viennent encore renforcer la mainmise du Président sur le gouvernement (gouvernement déjà plus fort que le parlement) :
- Celui-ci assiste aux réunions du gouvernement. Non seulement cela, mais il est tout à fait possible qu’il les préside et arbitre les discussions entre les ministres à la place du Premier ministre, ce dernier étant relégué à un rôle de « Vice-président ». Et, en pratique, c’est ce qui se fait.
- Et les règlement autonomes, ordonnances et autres décrets du gouvernement, pour entrer en vigueur, doivent être signés de la main du Président. Or, si la constitution ne dit pas explicitement qu’il a le droit de refuser de les signer, depuis la polémique entre Mitterrand et Chirac, où le Président de l’époque, François Mitterrand, avait refusé de signer des ordonnances du gouvernement du Premier ministre Jacques Chirac, le conseil constitutionnel a donné raison au Président. Le Président peut donc s’opposer aux actions du gouvernement et les bloquer. En plus de participer, et même de présider, les réunions dudit gouvernement.
   On voit donc bien ici que le Président est presque comme une sorte de monarque absolu. D’ailleurs, cette expression existe : il est courant de dire que le Président est un « monarque républicain », un roi absolu élu par le peuple…
   Si ce régime est appelé « semi-présidentiel », et pas plutôt « hyperprésidentiel », c’est bien parce que, dans le droit théorique, il est écrit que c’est le Premier ministre qui dirige le gouvernement, et qu’il est lui-même inféodé au parlement par la menace de la motion de censure ; même si en pratique, c’est le Président qui possède le gros des pouvoirs.
On a donc un régime qui ressemble au régime parlementaire, mais pour lequel quelques modifications basculent complètement les rapports de force, faisant du Président la personne avec le plus de pouvoir politique du régime…

   Ce système est très intéressant à étudier…  Parce qu’il montre absolument tout ce qu’il ne faut pas faire pour un État qui se voudrait démocratique !
Le Président, en tant que personne seule, ne peut être représentatif de la population, et son immense pouvoir face au parlement pourtant plus représentatif que lui conduit irrémédiablement vers un régime autocratique autoritaire. C’est le même argument qui nous fait rejeter le régime présidentiel, si ce n’est que c’est encore pire ici. Puisqu’ici le Président possède un pouvoir de contrôle sur le parlement, là où dans le régime présidentiel à l’américaine, au moins, le président n’a pas de moyen de pression sur le législatif et donc le défaut de représentativité du Président ne concerne que l’exécutif.

4)   L’Exemple suisse comme alternative : le régime directorial
   Le régime suisse est très particulier car son chef du gouvernement est… Plusieurs personnes en même temps !
Enfaite, il s’agit d’un conseil de sept personnes, nommé le « Conseil fédéral ». Ces sept conseillés fédéraux exercent ensemble la fonction de chef de gouvernement, selon un principe de collégialité, comme des « co-Premiers ministres ». Et c’est le Conseil dans son ensemble, qui joue le rôle de Premier ministre. Le principe de collégialité de cette institution oblige les membres du conseil à se mettre d’accord, souvent par des compromis, sur la politique à suivre dans les différents domaines de l’exécutif.
Ces sept conseillers fédéraux sont élus par le parlement, appelés en Suisse l’Assemblée fédérale, pour toute la durée de la législature. Il se renouvelle quand l’Assemblée se renouvelle.
   De plus, en Suisse, le mode de scrutin de l’une des chambres de l’Assemblée fédérale est le scrutin proportionnel, ce qui fait que l’Assemblée est assez multicolore, d’un point de vue politique. Pour faire élire un des leurs au conseil fédéral, les différents partis politiques sont donc obligés de se mettre d’accord ensemble pour établir un conseil fédéral multi-partisan.
Et ça marche ! Actuellement, sur les sept conseillés fédéraux, quatre partis sont représentés. Et des partis très différents : un parti conservateur libéral plutôt centriste et modéré, un autre libéral libertaire, plutôt progressiste, un troisième socialiste et progressiste et un quatrième conservateur, libéral et franchement nationaliste. Mais à coups de compromis, le Conseil fédéral réussis à être stable.
   Historiquement, l’entente entre les partis, appelé là-bas « formule magique », pour faire élire un Conseil fédéral multicolore, n’existait pas. Et comme l’élection des conseillers fédéraux se passe le même jour, avec le même scrutin, les sept conseillés étaient, au début, tous du même bord politique. Donc la politique menée était celle d’un seul et unique parti politique.
Sauf que les Suisses avaient le référendum d’initiative citoyenne en matière révocatoire, nommé dans ce pays « référendum facultatif », ce qui permet au peuple d’abroger une loi qui n’aurait pas son aval.
La conséquence était que quand le pouvoir n’était donné qu’à un seul parti politique, la politique appliquée ne serait donc celle que d’un camp minoritaire, et une bonne part des mesures qui la constituaient étaient rejetées en référendum. Car un seul parti politique n’est pas assez représentatif de la population. Cela a donc contraint les acteurs politiques suisses à coopérer avec le maximum de forces politiques pour minimiser le risque d’échec de leurs projets devant le peuple souverain.
   Les régimes dans lesquels la tête du gouvernement n’est pas une personne unique mais un conseil sont appelé des régimes « directoriaux », en référence à la première république française, qui a été un de ces régimes, et dont le conseil s’appelait le Directoire.
   Le modèle du directoire me semble donc être le mode de gouvernance idéal pour le régime proposé dans ce texte. Si sept est peut-être un peu trop, cinq me semble un bon chiffre pour le nombre de directeurs. Trois et trop peu, et neuf ferait beaucoup trop. Et il est préférable que le nombre de directeurs soit impair, car souvent le compromis entre les directeurs est obtenu en votant, et un nombre impair de votants réduit les chances de partage des voix à égalité.
   Mais ce système de partage du pouvoir exécutif affaiblit le gouvernement, car tout décision de celui-ci doit d’abord être discutée entre les directeurs. C’est donc pour compenser l’affaiblissement du gouvernement, que le parlement doit lui-aussi être divisé. Voilà pourquoi je préconise le bicamérisme. En penchant même plutôt pour un bicamérisme égalitaire, c’est-à-dire que les deux chambres auront des prérogatives similaires, sans que l’une n’ait le dessus sur l’autre. En cas de désaccord entre elles dans la procédure législative, elles pourront effectuer un vote conjoint se réunissant en une seule assemblée pour trancher, comme le font les deux chambres du parlement suisse lorsqu’elles sont en désaccord.
   En ce qui concerne les relations entre parlement et gouvernement, la Suisse adopte un modèle avec quelques éléments de séparation strictes des pouvoirs, à l’américaine, comme le fait qu’il soit impossible pour le parlement de forcer le conseil fédéral à démissionner, bien qu’il l’élise à la place — donc le gouvernement est quand même induit par le parlement — et des éléments de séparation souple, comme la possibilité laissée au conseil fédéral de proposer des lois.
D’autres procédures peuvent peut-être être envisagées, comme la procédure de législation par ordonnance en cas de nécessité d’avoir une loi rapidement, ou l’engagement de la responsabilité du Directoire devant le parlement sur un projet de loi.
Car ce qui pose problème avec cette dernière procédure en France, c’est la menace que représente le Président, soutenant le gouvernement car le dirigeant, et capable de dissoudre la parlement et « légitime » à le faire car élu. Mais comme dans le système proposé ici, le Directoire est élu par le parlement, et qu’il n’y a pas de Président élu par le suffrage direct pour faire pression sur le parlement, cette procédure d’engagement de responsabilité ne peut pas dériver en mesure autoritaire.
   En conclusion, le régime directorial semble être la bonne alternative aux autres régimes pour établir un gouvernement représentatif de la population et une gouvernance stable du pays.
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #7 le: 09/01/2019 22:53:03 »
Partie IV. Du Pouvoir judiciaire : Constitution, qui l’interprète et la protège ? Et de quelles dérives se méfier ?

   La Constitution d’un État se voulant démocratique doit être la protection inviolable contre les abus de pouvoirs de la part des responsables politiques, ainsi que la garantie du respect des droits et liberté fondamentales des individus et des citoyens. Elle doit également décrire la procédure normale du fonctionnement de l’État, afin que chaque institution se voit attribuer un rôle précis pour qu’aucune d’elle ne puisse abuser de son autorité. Protéger la Constitution est donc capital. Et il est nécessaire d’avoir une juridiction fiable pour contrôler que la Constitution soit respectée à tout instant. Mais quelle doit être la forme d’une telle institution ? Comment doit être formée la « Cours constitutionnelle » ?
Dans la totalité ou presque des régimes représentatifs, cette Cours constitutionnelle est nommée par les élus, soit par élection, soit par nomination direct du Chef d’État ou d’un autre élu. Mais ce mode de désignation a quelque chose de dérangeant : si la Cours constitutionnelle a pour but d’empêcher les abus de pouvoir des responsables politiques, pourquoi est-ce ces responsables politiques-là qui nomment les juges de cette Cours ? Il y a très clairement des liens d’intérêt…
Donc il faut trouver un autre moyen. L’élection au suffrage direct ? Non : qui dit élection dit programme électoral et donc idéologie et orientation politiques. Le choix de l’orientation politique doit se faire lors de l’élection du parlement, pas des juges constitutionnels.
Il ne reste pas vraiment énormément d’options : seul reste le tirage au sort dans la population à ce moment-là… Mais dans quelle population tirer au sort, la population générale ? Ce choix est tentant, mais généralement, on aimerait profiter du fait que cette Cours juge si les lois et les actions gouvernementales sont en accord avec la constitution, pour qu’elle vérifie aussi s’ils respectent les traités internationaux. Il y a donc nécessité d’une très bonne connaissance du Droit. En conséquence, seul le tirage au sort parmi les professionnels du Droit me semble faisable.
   Mais en faisant cela, on s’expose à un problème : si les décisions de cette Cours sont sans appel (ce qui sera le cas), comment peut-on garantir que les juges tirés au sort ne vont pas imposer leur propre interprétation de la constitution, très différente de l’interprétation commune ? Si les décisions de cette Cours sont définitives, alors elle a tout le loisir de manipuler les responsables politique, en interdisant leurs actions, au prétexte qu’elle estime que la Constitution est violée alors que les juges en feraient une lecture très particulière, minoritaire dans la population générale. Comment donc se prémunir du fait que cette Cours impose sa lecture de la constitution, son idéologie, et mette en place ce qu’on appelle le « gouvernement des juges » ?
Une bonne idée pour cela, serait de doubler la Cours. D’en avoir deux plutôt qu’une, selon le même mode de désignation de leurs membres (désignés par le sort parmi les professionnels du droit). Ainsi, l’action gouvernementale ou la loi étudiée ne sera interdite que si chacune des deux chambres l’estime anticonstitutionnelle. De cette manière, chaque action gouvernementale sera déposée devant une chambre, n’importe laquelle. Si la chambre valide l’action, l’action est considérée comme conforme à la Constitution, et dans le cas contraire, l’action sera évaluée par la seconde chambre qui sera chargée de trancher. Ce système, nécessitant l’interdiction de la part de deux chambres désignées selon le même mode, limite la possibilité pour les juges désignés de faire valoir leur idéologie, car les deux chambres doivent être en accord pour interdire une mesure ou une loi.
Voilà donc comment fonctionnerait le « Tribunal constitutionnel » et ses deux chambres dans le régime proposé.
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #8 le: 09/01/2019 22:53:47 »
Partie V. Du Pouvoir judiciaire : Juger les élus, la Justice au service de la Démocratie

   En plus de protéger la constitution, la Justice doit aussi s’assurer, dans le cadre du RIC et du mandat impératif, que les responsables politiques respectent également la volonté générale démocratiquement exprimée. On avait parlé à plusieurs reprises d’une juridiction particulière pour faire en sorte que les élus, dont le mandat est impératif, respectent les termes de leurs mandats, ainsi que les décisions référendaires. Mais quelle serait la nature exacte de cette juridiction ?
Dans le cas d’une transgression d’une décision prise par RIC, c’est le « comité de protection référendaire » qui sera chargé d’empêcher les élus d’enfreindre lesdites décisions référendaires. Mais dans le cas d’une action qui irait, non pas à l’encontre d’une décision référendaire, mais d’un des deux textes que l’élu avait présenté lors de sa campagne électorale, et qu’il s’était engagé à respecter dans le cadre du mandat impératif, qui sera compétent pour juger de son respect ?
Il y a une chose à bien comprendre : enfreindre les engagements pris dans le cadre du mandat impératif pourra — et devra — être inscrit comme illégale dans la loi. Il s’agit donc pour veiller à ce que cette interdiction soit respectée. Et pour ce faire on pourrait penser à une juridiction spéciale pour juger les élus quand ils enfreignent la loi — y compris le caractère impératif de leur mandat.
   Actuellement, en France, il y a une juridiction qui a cette compétence : la Cours de Justice de la République. Mais… Comment sont nommés les juges, dans cette institution ?
Eh bien la Cours de Justice de la République française et constituée de quinze juges, dont douze sont… Des membres du parlement !
Des élus ! Chargé de juger les autres élus… Et non seulement ça, mais en plus les douze parlementaires sont désignés en étant élus par leurs collègues parlementaires. Donc, si on résume, les juges de cette institution chargée de juger les responsables politiques sont des eux-mêmes des responsables politiques, et ils sont élus par leurs collègues. Donc des responsables politiques, élus par leurs collègues, pour juger leurs collègues responsables politiques…
Cette « Cours d’Injustice de la République » comme elle mérite plutôt d’être appelée, n’est donc qu’une vaste blague tant les liens d’intérêt en son sein y sont flagrants…
   Cependant, une juridiction pour punir les élus s’ils enfreignent la loi dans le cadre de leur fonction est une bonne idée. Mais il faut absolument que ses membres soient des juristes désignas par voie indépendante des responsables politiques. Ce sera une sorte de « Cours de Justice de la Démocratie »
De plus, les juges seront accompagnés d’un jury de citoyens tirés au sort. Mais dans le cas d’une transgression d’une décision prise en RIC, le jury de citoyens tirés au sort sera différent d’un jury ordinaire : les citoyens choisis pour former le jury chargé de telles affaires seront désignés par tirage au sort parmi les signataires du lancement du référendum. Ils seront différents de ceux désignés pour faire partie du « comité de protection du référendum » dont il était question plus haut. Rappelons que le « comité de protection du référendum » dont il était question dans la première partie de ce texte, a pour fonction — entre autres — d’interdire des actions des responsables politiques qui iraient à l’encontre du référendum ou de son esprit. Ce comité pourra décider d’assigner en Justice, devant la Cours de Justice de la Démocratie, lesdits responsables s’il estime que les transgressions sont si répétées, ou si flagrantes, qu’elles méritent une sanction. Mais c’est bien la Cours de Justice de la Démocratie qui décidera si les transgressions méritent vraiment une sanction. Mais l’accusateur ne pouvant pas être le juge, le jury doit être constitué de signataires du lancement du référendum (car ce sont des personnes ayant compris l’esprit du référendum, et en accord avec son principe, ils sont donc à même de le défendre), mais différents de ceux qui composent déjà le comité citoyen.

   Néanmoins, il est question ici d’empêcher les élus d’agir dans le cadre de leur fonction. Ces juridictions ont donc un très puissant pouvoir car elle peut annuler les mesures ou les actions d’un élu, voire sanctionner ces derniers. Pour éviter que ces institutions ne soient tyranniques, les élus pourront demander un second jugement, aussi bien pour ceux rendus par la Cours de Justice de la Démocratie, que par le Comité de protection du référendum.
Dans les deux cas, l’appel sera porté devant la Cours de Justice de la démocratie (un autre juge et un autre jury si la décision contestée est une décision de cette même Cours). La Cours pourra alors décider d’annuler les décisions prises antérieurement, ou de les confirmer. Elle pourra aussi décider, si elle estime le Comité de protection référendaire trop tyrannique, de le dissoudre et d’en faire désigner un nouveau (toujours par tirage au sort). Mais son jugement sera, cette fois-ci, définitif et sans possibilité d’appel. De plus, le jury chargé d’épauler le juge, dans une procédure d’appel suite à la décision d’un comité de protection du référendum, sera constitué de citoyens tirés au sort parmi d’autres signataires du lancement du référendum. Toujours parce que ce sont des gens qui comprennent l’esprit du référendum et qui sont d’accord avec, donc ce sont les plus à même de le défendre.
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #9 le: 09/01/2019 22:54:29 »
Partie VI. Les institutions au niveau local

   Au niveau local, plusieurs éléments diffèrent. Tout d’abord, il n’y a pas de pouvoir législatif, en tout cas dans les États unitaires, donc les institutions à mettre en place sont moins nombreuses. Ensuite, les citoyens eux-mêmes sont moins nombreux.
Et ce deuxième point, par exemple, retire une critique qui a pu être faite à l’encontre du tirage au sort sur sa représentativité : une assemblée locale désignée par le sort sera, pour un même nombre de membres, plus facilement représentative qu’une assemblée nationale.
   Par contre, sur ce que disait Tocqueville au sujet de la responsabilisation des citoyens, la critique reste valide.
Tocqueville supposait que le tirage au sort, parce qu’il obligeait les citoyens à s’occuper des affaires publiques, responsabilisait ceux-ci. Un doute avait été émis sur la pertinence d’une telle observation car les citoyens tirés au sort sont très peu nombreux, alors que l’élection permet et oblige chacun d’entre eux à se renseigner sur la politique, on aurait pu penser que l’élection, donc, responsabilise peut-être moins les citoyens, mais en responsabilise un plus grand nombre, car s’adressant à tous. On aurait pu penser que, l’assemblée représentant une part plus importante de la population (pourvue qu’elle garde la même taille qu’au niveau national), les citoyens auraient eu plus de chance d’être désignés, et donc auraient été plus nombreux avoir été aux responsabilités politiques et à avoir été responsabilisés par le tirage au sort.
Malheureusement ce n’est pas le cas car même au niveau local, une assemblée ne serait pas assez nombreuse. Par exemple, pour une assemblée de 400 membres, belle assemblée, représentant une population de 400 000 citoyens, taille moyenne approximative d’un département français, si le mandat de cette assemblée est de cinq ans, la probabilité d’être désigné membre de cette assemblée au moins une fois dans sa vie est de… Moins de 1 %...
   Mais c’est là qu’intervient une chose très importante à prendre en compte : la taille de l’échelon local en question. On peut considérer qu’il y a deux types d’échelons locaux : ceux de (très) petites tailles ou plusieurs limites du tirage au sort disparaissent, et les échelons moyens à grands où les limites du tirage au sort sont les mêmes qu’au niveau national.
On peut considérer qu’une collectivité appartient à la première catégorie quand, pour une assemblée de 500 membres désignés pour quatre ans, la probabilité d’être tiré au sort au moins une fois dans sa vie est supérieure ou égale à 50 %. Autrement dit, dans ces collectivités, environs un habitant sur deux aurait été aux responsabilités au moins une fois. Les collectivités de la deuxième catégorie sont celle pour lesquelles la probabilité d’être désigné au moins une fois tombe en dessous de 50 %.
Et cette taille en question, ce nombre d’habitants pour lequel une collectivité appartient soit à la première catégorie, soit à lé deuxième, est de 10 000. Si une collectivité contient moins de 10 000 habitants, la moitié d’entre eux seront désignés au moins une fois si le conseil en charge de la collectivité est de 500 membres et est renouvelé tous les 4 ans.
   En France métropolitaine, par exemple, cette catégorie de « petites collectivités » regroupe plus de 97 % des communes. Les 3 % restants, ainsi que les départements et les régions, appartiennent à la catégorie des « moyennes et grandes collectivités ».
   Les institutions peuvent être différents suivant la catégorie à laquelle appartient la collectivité :
Dans les moyennes et grandes collectivités, le conseil en charge des responsabilités pourra être élu plutôt que tiré au sort. Comme il n’y a qu’un seul conseil, on peut choisir le jugement majoritaire, comme scrutin, et diviser la collectivité en circonscriptions. C’est un bon système pour les départements et les régions. Mais diviser une commune en circonscription peut paraître trop, donc pour les 3% de grandes communes, peut-être serait-il mieux de faire un scrutin à la circonscription unique en deux tours : un premier au scrutin proportionnel radical, qui attribuerait les deux premiers tiers du conseil municipal, puis un deuxième tour au scrutin de Condorcet, où le dernier tier serait entièrement attribué à la liste vainqueur. En cas d’absence de vainqueur, ce qui serait rare mains toutefois possibles, un troisième tour sera fait au jugement majoritaire.
Par contre, dans les petites collectivités que sont la quasi-totalité des communes françaises, le tirage au sort peut être appliqué. Avec un conseil dont la taille peut varier selon la taille de la commune, mais doit rester assez grand : quelques centaines de personnes, afin de garder cette proportion d’environ 50 % de gens ayant été désignés au moins une fois dans leur vie. Éventuellement, ou pourrait baisser ce nombre à 30, voire 25 %, mais difficilement plus bas.
   J’attire votre attention sur une troisième limite du tirage au sort qui existe au niveau national mais pas à de tels échelons : l’impossibilité de siéger pour certaines personnes. En effet, certaines personnes seraient contraintes de refuser leur désignation au tirage au sort au niveau national car elles ne pourraient pas quitter leur travail. Mais au niveau municipal, la charge de travail est moins importante et les réunions beaucoup moins fréquentes. En France, par exemple, il n’y a obligation pour les conseils municipaux de ne se réunir au minimum qu’une seule fois par trimestre, ce n’est peut-être pas un exemple à suivre mais c’est pour illustrer qu’il y a moins de choses à gérer au niveau municipal qu’au niveau national. En plus, si l’assemblée fait quelques centaines de personnes, le travail peut très bien être partagé entre ses membres. La gestion d’une commune peut faire moins peur que la gestion d’une nation. Mais surtout, les désignés ne seront pas contraints traverser le pays pour se rendre à la capitale : ils sont déjà sur place. Tout cela rend le poste de conseiller municipal beaucoup plus conciliable avec un travail à côté.
   J’aimerais aussi faire remarquer qu’il existe encore une troisième catégorie de collectivités : les très petites communes quelques centaines d’habitants au plus. Celles-ci peuvent être conduites à la démocratie directe pure, où l’intégralité des habitants peuvent se constituer en assemblée. C’est ce que je recommande pour les communes de 200 habitants ou moins.
   Quoi qu’il en soit, le référendum d’initiative citoyenne au niveau local doit aussi pouvoir exister si l’on veut considérer la gestion de la collectivité comme « démocratique ». Ce référendum pourra imposer ou annuler des mesures ou des projets. Mais il faut aussi penser à des référendums de révocation des élus pour provoquer de nouvelles élections, élément de contrôle des responsables politiques.

   En conclusion, on a vu que les collectivités de plus dix-milles habitantes devraient plutôt être gérées par des conseil élus dont le mode de scrutin doit être adapté à la taille des collectivités en question, pour les collectivités moins grandes, soit la quasi-totalité des communes française, le tirage au sort devient une alternative très intéressante, et la Démocratie directe peut même être appliquée dans les très petites communes.
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #10 le: 09/01/2019 22:57:28 »
Addendum I. La Question du Chef de l’État

   Il n’a pas été mentionné plus haut, pourtant le rôle du Chef de l’État et très important. D’après la majorité des Constitutions, le Chef de l’État est censé incarner la continuité de l’État », ou encore « l’unité de la nation ». Concrètement, son rôle est de permettre de fédérer les citoyens du pays pour qu’ils puissent se rassembler autour d’une personne commune. Il offre une figure de proue à laquelle s’identifier en tant que personne rattaché à lui par un lien historique.
La question de son identité et de son mode de désignation est donc très importante. Traditionnellement, dans les régimes représentatifs — et on peut extrapoler à la démocratie semi-directe proposée ici — il y a trois types de Chefs d’État : le Président « effectif », qui exerce le pouvoir dans les républiques présidentielles et semi-présidentielles, le Président « honorifique », qui n’a qu’un pouvoir symbolique dans les républiques parlementaires, et le monarque, « honorifique » également, dans les monarchies parlementaires.
   Nous allons examiner ces trois cas en nous demandant laquelle de ces formes permet au Chef d’État de jouer pleinement ce rôle fédérateur de la population, en commençant par le président effectif :

1)   La présidence effective
   C’est le cas envisagé dans les régimes présidentiels et semi-présidentiels quand il était question de la forme du gouvernement. On l’avait rejeté alors parce qu’il ne permettait pas de former un gouvernement représentatif de la population et fidèle à elle. Mais qu’en est-il de la question sous l’angle de la capacité du Chef de l’État à fédérer le peuple ? Cette forme de chef d’État offre-t-elle la capacité de faire se rassembler les citoyens autours de lui ?
Eh bien… Non. Et il suffit pour s’en convaincre de se demander si Donald Trump aux États-Unis, pays au régime présidentiel, pourrait réunir la population américaine autours de lui. Si vous pensez que oui, c’est que vous êtes trop partisan de ce dernier pour vous rendre compte qu’une large partie de son propre pays le déteste cordialement, soit pour sa politique, soit pour ses déclarations, soit pour d’autres choses.
De plus si vous êtes pro-Trump, il y a de fortes chances que vous soyez anti-Macron, pour la France. Alors reposez-vous la même question pour Emmanuel Macron en France, deuxième pays où le président exerce un pouvoir effectif. Pensez-vous vraiment que Macron puisse rassembler la totalité du peuple français derrière lui, sa personnalité et sa politique ? Si vous êtes français et pro-Trump, pourrez-vous vous rassemblez autours d’Emmanuel Macron ? Et si vous êtes un American démocrate, pourrez-vous vous rassembler autour de Trump ?
Non, et Il est déraisonnable de penser le contraire. Ni l’un ni l’autre ne pourrait jouer un tel rôle. Et c’est pourtant le seul intérêt à la fonction de Chef d’État de leurs pays qu’ils occupent.
   Plusieurs raisons font que le pays ne peut pas se fédérer autour d’eux :
Pour commencer, leur élection. Le suffrage direct et le scrutin majoritaire, ont forcé les gens à choisir un candidat et un camp politique est à s’identifier à ce camp comme à une appartenance clanique.
En conséquence, les candidats qui ne sont pas « de leur camp » lors de l’élections sont des ennemis idéologiques qu’il faut battre à tout prix. Et l’élection de l’un d’entre eux est vécu comme une défaite. L’élection du président au suffrage direct, encore plus avec le scrutin majoritaire, provoque alors un événement vécu comme une défaite par plus de la moitié de la population, tous ceux qui ne soutenaient pas le candidat fraichement élu. Le Président ainsi élu est donc un ennemi triomphant, dont les idées peuvent même parfois nous répugner… Difficile de se rassembler autour de lui, non ?
Toujours dans cette idée, mais plus général et plus fondamental encore : le Président effectif prend des décisions. Il est aux commandes politiques du pays. Or, en prenant des décisions, il s’attire l’opposition, voire l’opprobre, d’une partie de la population, au mieux en désaccord théorique avec lui, au pire subissant une altération substantielle de leur niveau de vie à cause des décisions du Président.
   Le Chef d’État, sitôt qu’il est au pouvoir politique, cesse d’être dans le cœur des gens. Sitôt qu’une personne se mêle de politique, elle cesse de pouvoir rassembler tout le monde autour d’elle, car la politique divise. On voit ici que le Chef de l’État se voit régulièrement attribuer deux fonctions : la fonctions politique qui est d’exercer le pouvoir exécutif, et la fonction honorifique qui a pour but de fédérer les citoyens. Or, sitôt qu’on lui attribue la première, il perd la seconde.
Le Président effectif n’est donc pas un modèle de Chef d’État intéressant pour le rôle qui est censé être le sien.

2)   La présidence honorifique
   Le Président honorifique alors, peut-il jouer un rôle fédérateur ? Malheureusement toujours pas… Car ce Président étant élu par les parlementaires, ces derniers vont élire un politicien en fin de carrière, qui a déjà été aux responsabilités politiques, et qui s’est donc attiré dans le passé des oppositions. De plus, Il n’a aucun lien avec le peuple, Le peuple l’a connu en tant que politicien, mais c’est tout. Il ne suscite rien de particulier. Et très souvent, si l’on demande à un habitant de régime parlementaire « qui est le Président ? », il n’en saura rien car cela n’a pas d’importance. Il n’a pas d’affection particulière pour son Président, et cela ne change rien à sa vie… Le Président en régime parlementaire n’a pas de charisme qui lui permettrait de fédérer son peuple. D’autant plus que le mandat limité dans le temps fait que l’actuel Président n’est finalement que « de passage » à la fonction suprême, et n’y restera pas plus de quelques années, après quoi quelqu’un d’autre prendra le relais. Il n’y a donc rien, pas d’aura sacrée ou de sentiment particulier, pour un Président en régime parlementaire. C’est juste un clown, placé là par ses amis politicards, car il fallait bien lui trouver une place, en sa fin de carrière… La Présidence honorifique n’est donc qu’un mouroir pour vieux politicien déjà rendu impopulaire par ses fonctions de responsable politique passées, et dont tout le monde se désintéresse aujourd’hui…

3)   La monarchie honorifique
   Et le monarque, peut-il jouer ce rôle ?
Eh bien , aussi surprenant que cela puisse paraître pour quelqu’un ayant toujours grandit dans une république, oui ! Il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qu’il se passe au Royaume-Unis le jour de l’anniversaire de la Reine, c’est une véritable fête nationale ! La Reine est véritablement aimée des britanniques. Personnellement, je n’ai jamais vu un tel phénomène en France pour un Président...
Et cela au Royaume-Unis, alors même que les britanniques appartiennent à quatre identités nationales distinctes ! En effet, les britanniques sont enfaite quatre peuples : les anglais, les écossais, les gallois et les irlandais. Et cette distinction est très importante encore aujourd’hui, pour eux. Il arrive fréquemment qu’un gallois se vexe quand on lui dit qu’il est « anglais ». Ce sont quatre peuples différents mais qui cohabitent au sein du même État, surement en partie grâce au pouvoir fédérateur de leur monarque. Et on peut-même parier que, si le « Royaume-Unis de Grande Bretagne et d’Irlande » existe de façon stable, la « République » du même nom, elle, s’effondrerait immédiatement ou presque. Parce que le Monarque, s’il est honorifique et n’exerce pas de responsabilités politiques, est l’âme de la nation et est l’incarnation du sentiment national, d’identité commune, bien plus qu’un Président.
   Mais alors pourquoi ? Pourquoi un monarque honorifique est-il plus capable qu’un Président de réunir autour de sa personne ses concitoyens ? Selon moi, cela tient à plusieurs raisons.
- D’abords, il n’est pas élu. Si de prime abord cela semble un mauvais point, car sa désignation ne vient pas de l’expression populaire, c’est enfaite un élément en sa faveur : comme il n’est pas élu, il n’est pas nommé suite à la défaite électorale de la majorité du pays qui n’aurait pas voté pour lui. Les gens acceptent sa désignation par tradition, sans se poser de question. Et sans s’écharper dans des débats électoraux.
- De plus, l faut préciser que c‘est bien le Monarque honorifique, c’est-à-dire sans responsabilités politiques, qui a ce pouvoir fédérateur. Et c’est important de le préciser parce que, n’étant pas un responsable politique, il ne prend pas de décision. Donc il ne risque pas se mettre à dos une partie de la population !
Dans cette même optique, le Monarque n’exerce pas de fonctions politiques, mais plus encore : il n’est pas un politicien, ce qui améliore encore son capital sympathie dans la population. Surtout quand, en tant que Chef de l’État, on le lie souvent au gouvernement, donc on le met à côté des politiciens prenant des décisions et s’attirant la détestation d’une partie de la population, ce qui, par effet de contraste, renforce sa popularité.
- Enfin, dernier point : la population connait son Monarque depuis son enfance. Elle l’a vu grandir, les citoyens les plus âgés se souviennent de lui quand il n’était qu’un petit enfant. Cela participe à créer un véritable lien, peut-être même « affectif », entre lui et son peuple.
   En conséquence, le Monarque honorifique est bien la seule forme de Chef d’État à jouer pleinement son rôle fédérateur. Là où le Président honorifique laisse le pays indifférent car ce n’est qu’un politicien en fin de carrière qui n’est à ce poste que temporairement et se fera remplacer par un autre ; et où le Président avec un vrai pouvoir politique, lui, s’attire carrément la détestation de ses concitoyens.
   À cela, on peut aussi ajouter au crédit de la proposition que l’existence d’un monarque à la fonction suprême empêche les politiciens d’accéder à ladite fonction, puisqu’elle est déjà réservée. Et cela enlève l’une des trois choses en politiques qui attirent les politiciens vicieux et facilement corruptibles : Les honneurs. En effet, les gens qui se présentent en politiques peuvent le faire, soit par conviction idéologique, soit par désir de servir le bien commun, mais le plus souvent, ils sont attirés par trois choses : l’argent, le pouvoir, et les honneurs. Eh bien l’honneur de la fonction suprême est réservé, et inaccessible dans ce système. La politique cesse donc d’attirer tous les mélomanes et personnes imbues d’elles-mêmes qu’on retrouve actuellement. De plus, l’existence de la personne royale, son prestige institutionnel et son aura de popularité, imposent une forme de modestie, d’humilité, de la part des politiciens qui se tiennent côté d’elle.

   Mais attention : Il ne faut pas croire que ce texte est en faveur de la monarchie ! En effet, la monarchie honorifique, si elle assure effectivement le rôle fédérateur du Chef de l’État, pose quand même plusieurs problèmes insolubles.
À commencer par la question de l’égalité des citoyens. Si les citoyens sont égaux, comment justifier que l’un d’entre eux soit destiné à accéder à la fonction de Chef de l’État et pas les autres, et que cette destinée soit prédit dès la naissance du citoyen, par son hérédité ?
Et cela pose aussi la question de la légitimité de la famille royale. Pourquoi cette famille et pas une autre ?
   Ces problèmes d’égalité et de légitimité ne sont pas vraiment résolubles. On peut toujours tenter d’instaurer des procédures pour faire en sorte que le Parlement puisse se constituer en une sorte de « Haute Cours » et voter la destitution du Monarque s’il estime que celui-ci manque à son devoir envers le pays ou commet un acte inacceptable pour son titre. On peut aussi faire en sorte que le parlement puisse destituer l’héritier de son droit de succession s’il estime également qu’il s’est conduit de façon inacceptable et incompatible avec la fonction de futur Chef de l’État. Voire même autoriser au parlement d’élire une nouvelle dynastie au cas où la première n’aurait plus d’héritier. On peut même partiellement s’affranchir de l’hérédité en autorisant le Monarque à adopter, ou juste à choisir, son héritier en dehors de sa famille, ce choix pouvant encore une fois être rejeté par le Parlement.
Ces différents stratagèmes permettent de soutenir que, pouvant être destitué de ses fonctions, si le Monarque ne l’est pas, c’est qu’il est accepté, donc que son existence est approuvée par les représentants du peuple, ce qui lui rend une certaine légitimité. Et la capacité pour le Monarque de nommer son héritier en dehors de sa famille rend une certaine égalité, du moins en principe, devant la fonction royale. Mais on comprendra aisément que ces stratagèmes puissent en laisser perplexes plus d’un, tant ils peuvent paraître bancals.

   En conclusion, d’un point de vue pragmatique, seule la Monarchie honorifique peut assurer le rôle fédérateur du Chef de l’État. Malheureusement, d’un point de vue théorique, elle enfreint le principe d’Égalité des citoyens, et pose la question de la légitimité du Monarque et de sa famille.
Et s’il fallait trancher dans ce texte, ce serait par le dépit le plus grand, qu’au nom du pragmatisme, la Monarchie honorifique serait suggérée. Mais certainement pas défendue bec et ongle.
   Cela étant dit, il est tout à fait possible de négliger la question du Chef de l’État et de ne pas en désigner. Après tout, en Suisse, il n’y a pas de « Chef d’État » à proprement parler et pourtant le pays est stable, et le sentiment national y est assez fort pour que des partis nationalistes puissent faire élire leurs candidats en grand nombre. Et le régime proposé dans ce texte n’a pas besoin de l’institution du Chef de l’État, car cette institution n’a rien à voir avec la Démocratie, et son absence ne pose pas de problème dans le régime présenté car il n’interagie avec aucune autre institution.
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #11 le: 09/01/2019 22:58:19 »
Addendum II. Le problème de la Démocratie : l’éducation populaire

   On l’a dit dans le préambule, la Démocratie au niveau national est le but de ces pages, parce que la Démocratie a rapidement été établie comme le régime le plus « légitime » en cela qu’elle part du principe que chaque personne qui serait concerné par une décision a son mot à dire sur celle-ci.
Or la Démocratie fait peur. Parce que beaucoup pensent que les citoyens ordinaires sont incapables de se gouverner eux-mêmes. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de personnes rejettent le principe du RIC, et considère le régime représentatif bien meilleur. Leur argumentation est que les questions d’État demandent un niveau de connaissance bien supérieur au niveau moyen du citoyen lambda, incapable de comprendre les subtilités de la réalité politique. Par conséquent, donner directement le pouvoir au peuple par le biais du RIC aboutirait à prendre des décisions stupides, et qu’il vaut mieux laisser les affaires politiques aux bons soins des politiciens élus, sans pouvoir les empêcher de quelque manière que ce soit. Ils défendent donc le régime représentatif parce qu’ils estiment que la démocratie amènerait à donner le pouvoir à des idiots.
   Et… C’est tout à fait vrai ! Pour émettre un jugement pertinent en politique, il faut des connaissances en économie, en finances, en géographie humaine et géopolitique, en sociologie, en énergie et en sciences de l’environnement, en technologie, en santé publique, en philosophie morale… Mais aussi en épistémologie, en logique et argumentation, en sciences et en biais cognitifs, en rhétorique… Voire même en physique, en biologie et en chimie… Or, la majorité de la population est trèèèèèèèèès loin d’avoir ne serait-ce qu’une fraction de ces connaissances. Ce qui constitue le plus puissant argument contre la Démocratie. Et c’est cet argument que beaucoup sortiront pour justifier le régime représentatif, en disait qu’il vaut mieux « élire des sages », que de laisser la masse ignorante se gouverner d’elle-même.
   Sauf qu’on a vu les limites du régime représentatif : des politiciens qui utilisent l’espoir du peuple pour se faire élire et n’hésitent pas à trahir leurs promesses ensuite, qui ne se sentent nullement concernés par les problèmes de « la masse » car ils n’en font pas partie, et qui défendent leurs intérêts plutôt que celui de la population générale.
Et en réalité, même si l’argument de l’ignorance est valide et véridique, il n’amène pas du tout à soutenir le régime représentatif. Car les élus, dans le régime représentatif, sont quand même désignés par les idiots qui constituent le peuple et rien ne garantit que leurs compétences soient supérieures à celles des citoyens lambdas. Or, soit on considère que les citoyens sont assez compétents pour se prononcer politiquement, et établie la démocratie, soit on les considère incompétents, et établie, non pas le régime représentatif, car les représentants sont tout aussi stupides que les représentés, mais un type de régime appelé « l’épistémocratie ».
   L’épistémocratie, littéralement « le pouvoir aux savants » est le régime au sein duquel le pouvoir n’est donné au peuple, mais à des savants, des experts, des « sages », considéré à même de prendre les bonnes décisions.
Typiquement, une institution qu’on pourrait retrouver dans un régime épistémocratique serait un parlement monocaméral dont l’accession à la fonction de membre se ferait, non pas par élection ni par tirage au sort, mais par concours.
   L’épistémocratie est un bon concurrent à la démocratie car elle fonde sa légitimité sur le fait qu’elle donne le pouvoir à des personnes considérée comme plus fiables que les autres pour rendre des jugements pertinents. Et donc soit on considère les gens compétents, et ont établi la démocratie, soit on les considère incompétents, et ont établie l’épistémocratie. Mais dans les deux cas, de toutes manières, le régime représentatif n’a pas de sens.
   Néanmoins, l’épistémocratie pose quand même un problème de taille : les savants et experts désignés pour être à la tête de l’État ont des intérêts à défendre contre le reste de la population, comme les élus dans le régime représentatif. Il est donc tout à fait concevable qu’ils les défendent contre le bien commun. Par exemple, ils pourront rendre l’éducation payante et facultative, pour que les plus démunis ne puisse pas y mettre leurs enfants, et ainsi entretenir une hiérarchie sociale très forte entre une caste intellectuelle de gouvernants, et une caste ignorante de gouvernés.
Donc, si je me permet une formule vulgaire : de la même manière que si l’on donne le pouvoir à un peuple de cons, ils voteront des lois démocratiques mais connes, si on le donne à une minorité d’éclairés, ils voteront des lois éclairées mais despotiques.

   Cependant, n’y a-t-il pas moyen de faire en sorte que le peuple soit moins ignorant ? Ne pourrait-on pas trouver un système où la Démocratie se mêlerait avec l’Épistémocratie, au moins partiellement ? Si le peuple devient plus éclairé sur les questions politiques, alors la démocratie n’en serait que plus désirable car, non seulement elle aurait sa source de légitimité fondamentale, qui est de donner le pouvoir à l’ensemble des concernés, mais aussi celle de l’épistémocratie, qui est de donner le pouvoir à des gens compétents.
   Pour cela, il faut repenser complètement notre système éducatif scolaire. Certains sujets dans certaines matières, bien qu’intéressants, ne serviront plus dans la vie de la plupart des gens une fois adultes. C’est le cas par exemple de la trigonométrie en mathématiques, ou de la mécanique en physique. À l’inverse, d’autres sujets qui seraient pourtant fondamentaux si l’on veut que le régime démocratique ait un quelconque sens, ne sont pas enseignés ! Même aujourd’hui au sein du régime représentatif. Par exemple : comment se fait-il qu’on ne donne aucune notion d’économie aux collégiens et lycéens, alors même que sitôt sortis du lycée, on leur demande de se prononcer pour choisir ceux qui superviseront toute la politique économique du pays !? On marche déjà sur la tête aujourd’hui.
   Il faut donc réformer en profondeur le système éducatif, afin de donner à tous l’enseignement nécessaire pour que les jeunes personnes deviennent de véritables citoyens compétents, et adultes politiquement. Car je considère qu’aujourd’hui, beaucoup de gens qui ont pourtant le droit de vote, mais aussi la trentaine, la quarantaine ou la cinquantaine passée, voire qui sont à la retraite, et qui ont usé à de nombreuses reprises de ce droit, ne sont quand même que des « enfants » politiquement parlant. Parce qu’ils n’ont jamais acquis les bases des connaissances nécessaires au développement de la maturité politique.
Précisément, ces notions fondamentales sont des notions :
- D’économie et de finance, il est proprement intolérable qu’un citoyen vote pour un programme économique alors que lui-même n’ai aucune foutue idée de comment fonctionne les mécanismes et les principes de la création monétaire et de sa régulation…
- De géographie humaine, incluant notamment la géopolitique et la sociologie, pour arriver dans l’âge adulte en sachant ce qu’il se passe dans le monde, et pour savoir comment évolue une société, dont la nôtre.
- D’histoire politique, pour connaître les principaux courants politiques à travers l’histoire, leurs philosophies, leurs enjeux et les contextes des leurs avènements et de leurs chutes.
- De sciences de l’environnement et d’énergie, pour être au point sur les questions, les enjeux et les mécanismes environnementaux.
- De santé publique, pour connaître les enjeux sanitaires de la population et dans le monde.
- De philosophie morale, pour avoir un bagage intellectuel capable de leur permettre de fonder un système moral qui ne se base pas sur l’intuition primaire
- De philosophie politique, pour connaître les arguments pour ou contre les différents régimes politiques, et leurs philosophies sous-jacentes.
- D’épistémologie (philosophie des sciences), afin de savoir comment déterminer ce qui fait la véracité, la vraisemblance et la rationalité d’un énoncé, et qu’est-ce qui fait une preuve, scientifique et rationnelle.
- De logique et de raisonnement, pour savoir commet conduire sa pensée pour faire un raisonnement juste, et aussi pour être mis en garde contre biais cognitifs. Les biais cognitifs sont tous les vices de raisonnement et les automatismes plus ou moins conscients (régulièrement inconscients) que l’on fait et qui nous font aboutir à des jugements irrationnels et souvent faux. Connaître ces biais et apprendre à les éviter est fondamental.
- Et de rhétorique, car il faut que les citoyens sachent se prémunir des techniques de manipulation verbale consistant à remporter l’adhésion par des procédés de « mise en scène », plutôt que par des arguments valides, et qui miseraient sur la forme du discours plutôt que sur le fond des arguments. Apprendre les procédés rhétoriques est par conséquent très important pour pouvoir les démasquer plus tard.
On pourrait rajouter encore plusieurs matières à cette liste, mais elle me semble déjà bien remplie et relativement exhaustive.

   De plus, pour s’assurer que ces connaissances précisent soient bien acquises, on peut organiser un examen en fin de scolarité qui portera exclusivement sur ces matières, et dont le droit de vote aux élections, et d’éligibilité, dépendra du résultat à cet examen. Ces matières devront donc, bien évidemment, être présentes dans tous les cursus scolaires, même en ne leur donnant aucune influence sur les résultats servant à l’orientation scolaire ou professionnelle : si un élève a de mauvais résultats dans l’une de ces matières, cela ne doit pas forcément le pénaliser pour son orientation professionnelle, il s’agit juste de donner aux futurs citoyens les bases nécessaires à la participation démocratique, car la démocratie se mérite.
Ce système ce base un peu sur le principe du code de la route et du permis de conduire : ces deux diplômes n’entrent absolument pas en compte pour l’orientation professionnelle des élèves, mais c’est aussi une chose à faire, en même temps que la fin de la scolarité. Eh bien ici, c’est pareil, à ceci près qu’on utilise le système scolaire comme moyen d’enseigner le nécessaire aux futurs citoyens, pour être sûrs qu’ils y aient tous accès. Un peu comme si on apprenait le code de la route au lycée, et qu’on passait l’examen pour le code en même temps que le baccalauréat, mais sans que l’échec au code de la route ne vienne faire baisser la note obtenue au bac. Les deux examens restant parfaitement indépendants. Et ben sûr, comme le code de la route, et même comme le baccalauréat, il sera tout à fait possible de passer l’examen hors du système scolaire, en « candidat libre », avec des services pour enseigner ces matières et les rendre accessibles.
Enfin, le droit de vote délivré par l’examen pourra être temporaire et à repasser dans plusieurs années, quinze ou vingt ans par exemple, pour vérifier si les connaissances acquises en logique et en économie sont restées et si celles concernant la géopolitique et les enjeux actuels ont bien été mises à jour.
   Cette idée d’examen ne sera toutefois pas défendue ici. Car on peut craindre, à raison, qu’elle favorise les classes sociales supérieures, qui ont malheureusement accès à une meilleure éducation. C’est donc pour éviter que cet examen ne devienne un formidable instrument d’inégalité sociale, qu’il ne faut pas qu’il soit instauré. Car le but n’est pas sélectionner une toute petite élite de grands érudits à qui on réservera le pouvoir, mais au contraire de partager l’érudition au plus grand nombre, sans être élitiste ou punitif, afin de s’assurer de l’acquisition des bases nécessaires pour savoir mener un raisonnement cohérent, avoir reçu une initiation à la façon dont tourne le monde et aux mécanismes à l’œuvre, et avoir un bagage culturel qui puisse servir de ressource intellectuelle. C’est aussi pourquoi les enseignements cités plus hauts, nécessaires à la démocratie si l’on veut qu’elle ait du sens, devront être obligatoires et présents dans tous les cursus scolaires, pour être certains que tous les futurs citoyens y aient accès. Comme jadis l’école elle-même fut rendue obligatoire. Il faut aller dans la continuité de cette pensée.
   Je rajoute d’ailleurs que ces idées lancées ici ne sont pas uniquement indispensables à la démocratie, le régime représentatif aussi en a besoin. Qu’on soit d’accord ou pas avec les réformes démocratiques proposées dans ce texte, on doit admettre qu’il faut réformer le système éducatif pour former des citoyens véritablement adultes politiquement. Et cela que l’on soit partisan de la démocratie ou du régime représentatif.
   Mais il n’est pas nécessaire non plus de transformer les citoyens en érudits pour qu’ils puissent se prononcer de manière rationnelle. En effet, il suffit qu’ils aient accès à une vulgarisation de qualité sur les sujets discutés en référendums. C’est le cas en Suisse : lorsqu’un référendum est lancé, les citoyens reçoivent dans leurs boîtes aux lettres un carnet qui résume tous les arguments pour et contre telle ou telle réforme, avec les tenants et les aboutissants. Et explique les mécanismes et les notions dont la connaissance serait nécessaire à la compréhension de la question et des implications des réponses possibles. La vulgarisation est donc possible, il est possible de rendre abordable des questions d’État, sans devoir transformer toute la population en érudits. Donc l’éducation scolaire n’a pas avoir une telle ambition, elle peut s’accompagner d’une vulgarisation tout à fait envisageable facile à mettre en place.

   Il y a aussi un autre point qu’il faut souligner quand on parle d’éducation populaire : c’est l’information médiatique. En effet, dans n’importe quel système politique, si vous influencez les dirigeants, alors vous possédez vraiment le pouvoir. Et en démocratie, si vous informez le peuple, vous possédez le pouvoir. Il est donc capital de réformer la profession de journaliste. Bien sûr, l’écueil à éviter est de brimer la liberté de la presse. Il faut donc trouver un juste équilibre entre la liberté de la presse et la garantie d’un travail de qualité.
Une des idées possibles est l’adoption de lois sévères sur la diffusion, pour les grands médias, d’informations fausses et biaisées. Mais il faut aussi rendre la presse indépendante de son audience. Car si un mensonge est accrocheur, et fait vendre plus de journaux qu’une vérité, on comprend tout de suite qu’un média, s’il se comporte comme une entreprise normale, va chercher à maximiser son bénéfice, et donc va préférer diffuser des informations approximatives, biaisées, voire fausses et mensongères, pour gagner plus d’argent via l’audience qu’il attire. Il est donc intéressant de rendre le média indépendant de son audience.
Les journalistes ne peuvent pas se comporter comme des professionnels lambda : au même titre que les médecins, ils ont des responsabilités morales qui les obligent à une certaine déontologie. Il est tout à fait possible de s’inspirer de cette logique pour fonder un « Ordre des journalistes », comme il existe un Ordre des médecins ou des magistrats.
D’autres idées peuvent être formulée, comme faire en sorte que les médias, en tout cas les grands médias, ne soient pas des entreprises capables de se vendre ou de s’acheter. Il ne sera toutefois pas question davantage de ce problème dans ce texte car il s’agissait juste d’attirer l’attention sur la question de l’information et de l’éducation populaire.
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #12 le: 09/01/2019 22:59:28 »
Références, et pour aller plus loin

   Ici seront présentées des références pour pousser la réflexion sur la démocratie. En termes de livres, on pourra en citer deux particulièrement marquants :
Gilles Toulemonde, Institutions politiques comparées (Ed. Ellipses). Cet ouvrage compare plusieurs formes d’institutions de différents pays, et développe les logiques qui les sous-tendent. Il permet d’élargir sa culture politique et fournis des exemples pour baser sa propre réflexion.
Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social. Bien qu’ayant vieillit dans sa forme, ce texte reste un incontournable qui présente merveilleusement bien la logique de ce qu’est la démocratie et de sa légitimité.

   Mais les livres ne font pas tout. Et à l’heure ou une plateforme de vidéos qu’est YouTube prend une place toujours croissante, voire primordiale, dans le partage d’information, il est plus que pertinent de présenter toute une série de vidéos et de chaînes qui participent à nourrir la réflexion sur la démocratie, car le débat démocratique y est florissant et fécond.

Réformons l’élection présidentielle ! (19min05) : https://www.youtube.com/watch?v=ZoGH7d51bvc&t=802s. De la chaîne ScienceEtonnante.
Cette vidéo présente en détail les limites de plusieurs modes de scrutin et explique en quoi le jugement majoritaire apporte un vent nouveau sur la démocratie.

Le couple de vidéos : Le Principe de Condorcet (1/2), une norme démocratique (13min38) et (2/2), Macron a-t-il été mal élu ? (15min59) : https://www.youtube.com/watch?v=hI89r4LqaCc et https://www.youtube.com/watch?v=ZZb4TjvupkI. De la chaîne Monsieur Phi.
Ces vidéos expliquent le principe qui sous-tend le scrutin de Condorcet et présentent en quoi il est une norme démocratique bien plus pertinente que les scrutins actuellement utilisés dans nos systèmes représentatifs.

La chaîne Science4All, elle, a fait tout une série de vidéos sur la démocratie sous l’angle de la théorie mathématique des jeux : https://www.youtube.com/watch?v=fBYCoPAmpr4&index=2&list=PLtzmb84AoqRSmv5o-eFNb3i9z64IuOjdX&t=2s.
Cette série explique bon nombre de mécanismes inhérents à la démocratie et la prise de décision collective que les mathématiques ont pu faire découvrir.

Il y a aussi la conférence qui a été fait sur la chaine Demos Kratos, sur le Référendum d’initiative citoyenne, avec Etienne Chouard (2h35min47) : https://www.youtube.com/watch?v=rPKZKvQzhik.

Toujours avec Etienne Chouard, une discussion intitulée On fait quoi ? #01 : Comment les riches ont pris le pouvoir, de la chaine J’suis pas content TV (58min16) : https://www.youtube.com/watch?v=L0aB_P0nFnk. Cette discussion constitue une réflexion entre citoyens pour établir comment restaurer la démocratie, via la participation citoyenne.

   Mais il y a aussi des chaînes qui, sans parler de démocratie, nous permettent d’aiguiser notre esprit sur des sujet importants, comme l’économie, la philosophie et les biais cognitifs.

Une première chaine, Politikon, toujours très politique, présente plusieurs théories politiques, philosophiques et en sciences humaines, très intéressantes, aussi bien pour fonder sa réflexion politique, que pour obtenir une culture philosophique et intellectuelle : https://www.youtube.com/channel/UC0HxyEc_ojRJ1oJXS5K6oaA.

Il existe aussi deux chaines d’économie francophones :
- Heu?reka (https://www.youtube.com/channel/UC7sXGI8p8PvKosLWagkK9wQ)
- Stupid Economics (https://www.youtube.com/channel/UCyJDHgrsUKuWLe05GvC2lng).
Les connaissances en économie sont primordiales pour avoir une vision plus exacte quant aux mécanismes qui régissent l’économie, ainsi qu’aux conséquences des réformes proposées. Ces deux chaines ne sont pas les seuls mais elles sont de très bonne qualité.

Enfin, la chaine La Tronche en Biais permet de mettre en évidence les différents vices de raisonnement et biais cognitifs qui peuvent gangréner nos esprits : https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais.

   Je termine cette liste de références par un site qui milite pour l’établissement du référendum d’initiative citoyenne, et qui propose même une pétition pour faire entendre cette voie : http://www.article3.fr/actions/petition-pour-l-instauration-du-referendum-d-initiative-citoyenne-en-france.
Vous y trouverez aussi un texte qui répond à plusieurs objections contre le RIC : https://www.article3.fr/informations/reponses-aux-arguments-anti-ric

Pfiou... J'ai fini ^^
Donc, qu'en pensez-vous ?
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Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #13 le: 10/01/2019 14:55:50 »
*soupir* Je suis désolé ^^' mais en fait... la partie II sur le parlement est tellement longue qu'elle a été coupé en plein milieu, donc je reposte l'autre moitié à partir de la sous-partie qui a été coupée : celle sur le vote par moyenne (encore désolé) :


6)   Le Vote par moyenne
   Après avoir vu plusieurs scrutins, on remarque que l’on ne s’est intéressé qu’aux scrutins qui demandaient aux électeurs de classer les candidats, or il n’y a pas que ces scrutins-là. En effet certains scrutins ne demandent pas de classer les candidats, en indiquant ses préférences, mais de les noter individuellement et indépendamment sur une échelle de 0 à 10, ou 0 à 20.
Or, ces scrutins peuvent représenter une excellente alternative aux scrutins où l’on classe les candidats. Car ils ne sont pas soumis à un théorème bien connu des mathématiques des scrutins : le théorème d’impossibilité d’Arrow, développé par l’économiste américain Kenneth Arrow. Ce théorème énonce, de manière simplifiée, la chose suivante : « Il n’existe aucun scrutin basé sur l’agrégation des préférences individuelles qui soit en même temps :
- Universel : c’est-à-dire qu’il soit toujours capable de rendre un résultat.
- Non-dictatorial : aucun bulletin ne va, dans le calcul des résultats, primer sur tous les autres.
- Unanime : si tout le monde préfère un candidat, s’il y a unanimité pour élire ce candidat, alors le candidat est sûr d’être élu.
- Indépendant aux alternatives non pertinentes. »
   En effet, si tous les scrutins présentés ici remplissement bien les critères de non-dictature et d’unanimité, le scrutin de Condorcet est le seul à être indépendant aux alternatives non pertinentes, mais cette indépendance se fait au prix du premier critère : l’universalité. En effet, le Scrutin de Condorcet peut ne pas en rendre de résultat : dans le cas où A bat son duel contre B, où B bat C mais où C bat A, il n’existe pas de vainqueur, le scrutin de Condorcet n’est donc pas « universel », contrairement aux autres scrutins.)
Et avoir un scrutin qui remplirait les conditions d’universalité et d’indépendance aux alternatives non pertinentes ne pourrait se faire qu’en sacrifiant l’unanimité, c’est-à-dire qu’un candidat pourrait perdre alors que tous le monde le préfère aux autres, on la non-dictature, c’est-à-dire que le scrutin pourrait prendre au hasard un bulletin parmi tous et se conformer à cet unique bulletin, négligeant les autres. Ce qui serait encore plus absurde !
   La démonstration du théorème ne sera pas affichée ici car elle fait intervenir des mathématiques techniques et contient quantité de « lemmes », c’est-à-dire des démonstrations intermédiaires qui produisent des conclusions dont on se servira pour faire la démonstration finale. Donc le « Théorème d’impossibilité d’Arrow » devrait plutôt s’appeler la « Série des théorèmes d’impossibilité d’Arrow ».

   Néanmoins, bien que ce théorème soit démontré et valide, la démocratie n’est pas perdue. Car ce théorème concerne les scrutins où l’on classe les candidats, pas où on les note individuellement sur une échelle absolue.
Mais une fois que tous les électeurs auront noter les candidats, comment agréger en une seule note l’intégralité de celles qu’aura reçus un candidat de la part de tous les électeurs ? La première méthode à laquelle on pense est bien sûr la moyenne. On demande donc à chaque électeur de noter l’ensemble des candidats, puis, après avoir fait la moyenne des notes qu’auront reçus les candidats, celui avec la meilleure note moyenne est élu.
Cette méthode peut paraître très rebutante, car on ne s’imagine pas « noter » les candidats d’une élection. Ce sentiment qui nous est inspiré vient du fait que nous sommes trop habitués à nos très mauvais scrutins majoritaires uninominaux, bien au-delà de la raison. Pourtant, la note sur une échelle numérique est actuellement utilisée pour évaluer les compétences des élèves dans le cadre scolaire, alors pourquoi pas la représentativité et les compétences d’un candidat ? Ajoutons que la note scolaire permet aussi aux universités de choisir, « d’élire », car élire est un synonyme de choisir, les élèves de lycée assez méritants pour y entrer par le biais de leurs notes. Donc ce système de choix, d’élection par la note, est déjà utilisé en dehors de la politique.
De plus, en ce qui concerne son application en politique, il faut se rappeler que cette méthode avait déjà été proposé par le mathématicien français Jean-Charles de Borda, en 1770 ! 1770, c’est-à-dire bien avant l’indépendance des États-Unis d’Amérique, et presque cinquante ans avant la révolution française. A une époque où il n’existait aucune démocratie, ne serait-ce « qu’indirecte », en occident. A cette époque, quasiment aucun système d’élection n’était donc mis en place, car il n’y avait que des monarchies en Europe, et nos scrutins majoritaires uninominaux que nous avons tendance à considérer comme la norme, parce que nous ne nous sommes jamais posé la question, semblaient tout aussi fantasques ! Voire plus, car les défauts du scrutin majoritaires, en termes de vote utile, sont évident pour quiconque se y réfléchie un peu. Donc il faut savoir dépasser nos sentiments vulgaires, primitifs et irrationnels et se pencher sur les avantages de la méthode de la note moyenne.
   Ce système est très intéressant car il permet une représentation bien plus riche de ce que penses les électeurs. En effet, pour reprendre l’exemple de l’élection fictive de nos cinq candidats, le bulletin suivant « Cannelle > Bastien > Alice = Émilie > David » trouvable dans le scrutin de Condorcet, dit que, par exemple, cet électeur préfère Cannelle à tous les autres, mais il ne dit pas s’il « aime » vraiment Cannelle ou s’il vote pour elle par défaut, plus pour faire barrage aux autres que par véritable adhésion pour ses idées. Il ne dit pas non plus à quel point il préfère Cannelle aux autres, peut qu’il trouve Bastien presque aussi bien que Cannelle, ou alors qu’il estime que Cannelle est très loin devant tous les autres. Le scrutin de Condorcet de permet pas d’expliciter « l’intensité de la préférence », l’écart entre les candidats dans l’estime de l’électeur, il ne fait qu’indiquer l’ordre de préférence sans préciser la distance entre eux. Alors que le bulletin : « Cannelle : 17/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » indique bien que Cannelle est très loin devant tous les autres, et se distingue bien de « Cannelle : 13/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » alors que l’ordre de préférence est le même, mais dans ce second bulletin, Cannelle est juste devant Bastien, elle n’est plus loin devant tout le monde.
Mais plus intéressant encore que « l’intensité de la préférence », qu’indique le vote par moyenne que n’indiquent pas votes par classement, il indique aussi « l’intensité de l’adhésion » du vote. En effet, il y a une grosse différence entre penser que « Tous les candidats sont mauvais, au mieux médiocres, mais Cannelle est à peine la moins pire… » et « Tous les candidats sont excellent ! Mais Cannelle me correspond quand même un peu mieux », les scrutins par classement ne permettent pas de dire si le premier choix est véritablement un vote d’adhésion où s’il est déjà un vote d’élimination pour élire le moins pire des candidats. Le vote par moyenne indique ce paramètre. Il faut bien comprendre que ne pas indiquer le degré d’adhésion est un peu étrange, car lors du calcul des résultats, chaque bulletin compte comme une voix, alors que certains bulletins expriment une adhésion forte, d’autre une adhésion plus modérer, et d’autres un vote par dépit, par défaut… Cela revient donc à additionner des kilomètres, avec des mètres, avec des centimètres, en d’autres termes : 1 km + 1 m + 1cm = 3 voix, c’est absurde, et le vote par moyenne n’a pas cette absurdité.
   Cependant, le vote par moyenne comporte quand même un défaut de taille, puisque le problème du vote utile, dont on croyait s’être enfin débarrassé par le scrutin de Condorcet, est réintroduit. En effet, imaginons qu’on électeur mette 18/20 à Bastien et seulement 12/20 à Cannelle, et que les sondages annoncent finalement :
David : 14/20
Cannelle : 13/20
Alice : 7/20
Bastien : 5/20
Émilie : 3/20
David, le conservateur ultra-libéral aux antipodes de Cannelle et Bastien est en tête. Mais Cannelle le talonne ! Et elle peut l’emporter, si les électeurs qui la préfère à David gonflent le son score par rapport à ce qu’ils pensent vraiment d’elle. De cette manière, l’électeur que nous venons d’imaginer, qui ne met que 12/20 à Cannelle, voit que cela fait baisser sa moyenne car sa moyenne est à 13. Pour éviter que David ne soit élu, il aura tout intérêt mentir, le jour du scrutin, en mettant 20/20 à Cannelle. Donc il ne votera pas selon ses vraies préférences.
Mais aussi : de façon générale, si son choix préféré est Bastien, eh bien même s’il ne lui mettrait que 18/20 dans l’absolu, parce que c’est ce qu’il pense que Bastien vaut, il peut gonfler artificiellement le score de Bastien en lui mettant 20/20. Même si cela n’est pas vraiment ce qu’il pense.
   Et on peut faire remarquer un autre défaut à l’utilisation de notes chiffrées : chacun n’a pas la même représentation des chiffres et des notes. En effet, un 15/20 pour quelqu’un sera peut-être une très bonne note, alors qu’elle sera une note tout juste passable pour quelqu’un d’autre, ce n’est donc pas une échelle commune.
Ne peut-on donc pas trouver meilleur scrutin ?

7)   Le Jugement majoritaire
   Deux chercheurs contemporains, l’économiste et mathématicien américain Michel Balinski et français et chercheur au CNRS Rida Laraki, ayant travaillé sur les scrutins électoraux, se sont penché sur la question du vote par moyenne et ont réussi à résoudre les deux problèmes évoqués.
   Tout d’abord, pour instaurer une échelle commune, ils proposent de remplacer les notes chiffrées, trop abstraites, par des mentions explicites, comme « Excellent », « Bien », « Passable », etc… Les mentions proposées par les chercheurs sont « Excellent, Très bien, Assez bien, Passable, insuffisant, et À rejeter ». Personnellement, je trouve certaines mentions assez étonnantes et inadéquates, comme « insuffisant », que veut dire qu’un candidat soit « insuffisant » ? Et je trouve qu’il serait intéressant de mettre la mention neutre « passable » au milieu, en faire une mention centrale avec autant de mentions meilleures que de mentions moins bonnes, c’est pourquoi je préférerais les mentions « Excellent, Bien, Intéressant, Passable, Médiocre, Mauvais, et Exécrable ou À rejeter ». Quoi qu’il en soit, le principe des mentions permet d’instaurer une échelle commune. Le problème, néanmoins, est qu’on ne peut plus établir la moyenne, car il n’y a plus de chiffres.
Pas de problèmes, car les chercheurs proposent, pour intégrer toutes les mentions d’un candidat et rendre un résultat final, et de considérer la mention qui, combinée aux mentions qui lui sont meilleurs, réunis une majorité absolue d’électeur. Cette mention est appelée la « mention majoritaire » de ce candidat.


Par exemple, pour une candidate donnée, appelons-la Katharina, si les électeurs se sont répartis comme suit :
                                                   
Excellent :  12%, Bien : 18%, Intéressant : 22%, Passable : 23%, Médiocre : 9%, Mauvais : 3% et Exécrable : 13%
On remarque que si additionne les scores de « Excellent » et de « Bien » on n’obtient que 30 %, ce qui ne constitue pas une majorité, mais si on additionne le score de « Intéressant », on trouve 52 %, c’est-à-dire la majorité. « Intéressante » est donc la mention majoritaire de ce Katalina, car une majorité d’électeurs considère que Katharina est « au moins » intéressante.
Une autre manière de trouver cette mention majoritaire est de représenter les scores des mentions de Katharina le long d’une unique barre, et de tirer un trait sur les 50 %, comme cela :
                                                             
La mention majoritaire de Katharina est celle que traverse le trait tiré au milieu, séparant les électeurs en deux moitiés : l’une estimant que Katharina est « au pire, intéressante », et l’autre la trouvant « au mieux, intéressante ».
Et bien sûr le candidat élu est celui avec la meilleure mention majoritaire.
   L’intérêt de prendre la mention majoritaire par rapport à la moyenne est que cela empêche le vote utile : en effet, si vous estimez que Katharina est la meilleure candidate et que vous estimez qu’elle mérite la mention « Bien », mais, comme c’est elle qui vous correspond le mieux, vous vous demandez s’il ne faudrait pas lui mettre la meilleure mention, même si cela n’est pas ce que vous pensez d’elle, pour améliorer son score et augmenter ses chances de victoires.
Eh bien non, cela ne servira à rien de mentir en surestimant Katharina ! En effet, si vous lui mettez la mention « Excellent », vous allez vous retrouver dans les 12 % de personnes qui lui mettent cette mention, mais vous sortirez des 18 % qui lui mettent « Bien ». Donc globalement, vous resterez dans les 18 + 12 = 30 % qui lui mettent une meilleure mention que sa mention majoritaire. Et il faudrait toujours y additionner les gens qui lui mettent « Intéressant » pour réunir une majorité d’électeurs.
Donc si la mention majoritaire de Katharina est « Intéressant », eh bien, contrairement au vote par moyenne, où lui mettre 20/20 va l’avantager car cela va augmenter sa moyenne par rapport à si vous lui aviez mis 16/20, dans le jugement majoritaire, que vous mettiez à Katharina les mentions « Bien » ou « Excellent » ne change rien ! Vous resterez dans les 30 % de personnes qui lui mettent plus que sa mention majoritaire et il faudra toujours additionner les scores des trois meilleures mentions qui sont « Excellent », « Bien » et « Intéressant » pour réunir une majorité absolue. L’exagération de votre estimation ne changera rien, Katharina aura toujours la mention majoritaire « Intéressant » avec 52 % comme majorité, et vous serez toujours compté dans ladite majorité, qu’importe que vous y soyez compté dans les « Excellent » ou dans les « Bien », cela ne changera rien. Il n’y a donc aucun intérêt pour vous à ne pas exprimer vraiment votre opinion.
   Seul problème à régler : le cas où plusieurs candidats obtiennent la même mention comme mention majoritaire. Dans ce cas-là, il faut utiliser les pourcentages, Balinski et Laraki proposent pour chaque candidat de calculer une « jauge » en prenant en compte la somme des pourcentages de vote ayant mis une meilleure mention, et celle de vote en ayant mis une moins bonne, que la mention majoritaire. La jauge en question d’un candidat prend la valeur de la somme la plus grande parmi les deux, avec le signe « + » si la somme choisie — la plus grande — est celle des pourcentages des votes ayant mis une meilleure mention, et le signe « - » si la somme la plus grande est celle de votes ayant mis une moins bonne mention. Dans le cas où plusieurs candidats auraient eu la même mention majoritaire, celui qui est élu est celui avec la plus haute jauge.
Par exemple, la jauge de Katharina est négative, et vaut – 48. Car il y a 48 % de gens qui ont mis une moins bonne mention que sa mention majoritaire, tandis que 30 % seulement d’électeurs lui en ont mis une meilleure. 48 étant supérieur à 30, c’est cette somme qui est retenue, et elle prend le signe négatif car c’est le pourcentage de ceux ayant mis une moins bonne mention. Ce système est compliqué, encore une fois, pour éviter le problème du vote utile.

   Ce scrutin, bien que compliqué de prime abord, représente vraiment une alternative formidable aux autres scrutins, et permet une expression bien plus riche des électeurs ! Ce scrutin est donc l’un des meilleurs que l’humain n’ait jamais réussi à concevoir à l’heure actuelle tant il offre beaucoup de qualités.
De plus, comme le scrutin de Condorcet, il permet d’éliminer candidats démagogues, ou aux campagnes électorales trop financées, trop médiatisées et donc trop envahissantes. Car, par sa prise en compte des mentions mauvaises, si un candidat gagne, par ses polémiques ou trop forte visibilité médiatique, quelques mentions « Bien » et « Excellent » au prix d’un nombre plus grand de mentions « Médiocre », « Mauvais » ou « Exécrable », alors cela le desservira comme au scrutin de Condorcet. Les argument n° 6 et 7 en faveur de tirage au sort, qu’on retrouve dans le scrutin de Condorcet, sont aussi retrouvés dans le jugement majoritaire.
Enfin, vous noterez également qu’il n’est pas nécessaire dans ce scrutin d’établir la possibilité d’un vote blanc : si aucun candidat ne vous convient, vous pouvez mettre les mentions entre « Médiocre » et « Exécrable » à tout le monde.

8)   Et le scrutin proportionnel alors ?
   Nous n’avons évoqué que des scrutins qui permettent d’élire une personne, mais le parlement est une assemblée, et nous voulons élire le parlement. Donc nous voulons élire une assemblée.
Le mode de scrutin auquel on peut penser immédiatement est donc le scrutin proportionnel. Et en effet, le scrutin proportionnel offre cet avantage que chacun peut choisir la liste qui lui correspond le mieux, et est sûr que sa voix aura un impact qui sera conservé et qu’il sera représenté au final.
Il permet aussi d’éviter le vote utile. En effet, si vous voulez voter pour une liste qui fera 3 %, elle aura 3 % des sièges, et vous n’avez pas besoin de « voter utile » pour une liste plus grosse qui ferait 25 %. Au final, la somme des deux listes fera toujours 25 + 3 = 28 %. Vous n’avez aucune raison de ne pas indiquer votre vraie préférence, si le scrutin est bien fait.
En plus de ça, bien qu’il oblige quand même l’électeur à choisir son camp, si le scrutin est bien fait, il évite alors le problème du vote utile, et ainsi, il n’oblige pas les candidats à se regrouper en partis politique institués et stable, présentant un nombre restreint d’idéologies caricaturales. Donc il permet un nombre bien plus grand de listes pour lesquelles voter avec des idées nuancées, et l’électeur n’est pas un prisonnier idéologique de la liste pour laquelle il vote. Le scrutin proportionnel ne polarise donc que très peu l’électorat.
   Mais attention : « si le scrutin est bien fait » ai-je dit dans les paragraphes précédents… Car il est très facile de pervertir le scrutin proportionnel en le vidant de sa substance et en ramenant ainsi le problème du vote utile et toutes ses conséquences, par quelques méthodes qui seront absolument à bannir dans répartition la proportionnelle proposée ici. La proportionnelle présentée ici sera donc une « proportionnelle radicale » au sens où elle se prémunit de ces méthodes pour être le plus fidèle à la population, quitte à ne pas amener à de majorité stable dans l’assemblée, mais après tout, e but est que l’assemblée soit fidèle au peuple, et tant qu’il n’y aura pas de majorité stable dans le peuple, il n’y en aura pas dans l’assemblée.
   La première méthode dont il faut se prémunir et la prime majoritaire, qui consiste à donner une part entière, entre 20 et 50 % des places de l’assemblée, à la liste arrivée en tête. Ce n’est ni plus ni moins que du scrutin majoritaire uninominal à un tour avec tous les défauts qui lui son siens.
   La deuxième chose à bannir est la notion de seuil. En effet, dans nos régimes actuels, quand un scrutin proportionnel est effectué, toutes les listes ne reçoivent pas le nombre de sièges qui leur sont dus, car, en pratique, on instaure un seuil pourcentages de voix à obtenir pour commencer à pouvoir obtenir des places. Par exemple : aux élections européennes en France, on n’attribue des sièges qu’aux liste qui ont eu plus de 5 % des voix. Cela ramène le problème du vote utile, car tous ceux qui voudraient voter pour des petites listes ne vont pas faire élire de représentants, ils devront donc se rabattre sur des listes plus grandes, mais qui leur correspondent moins, ils seront donc contraints de faire un vote utile. La proportionnelle proposée ici n’a aucun seuil, sitôt qu’une liste obtiens assez de voix pour se voir attribuer un siège, on lui attribue un siège. Point.
   De plus, la circonscription doit être unique, il ne faut pas que le pays soit divisé en petites circonscriptions élisant chacune un petit nombre d’élus à la proportionnelle. La raison en est très simple, prenons l’assemblée national française, si l’on arrondi le nombre député (577) à 600. On calcule donc que, pour obtenir un siège, lors de l’élection à la circonscription unique et en l’absence de seuil, il faut une voix sur 600 électeurs : une voix sur 600 suffit à obtenir un siège sur 600, c’est le principe de la proportionnelle. En pourcentage, un pour six-cents s’écrit environ 0,17 %. Mais si l’on fait un scrutin, toujours proportionnel, mais au niveau départemental, on peut donner un nombre différent de siège à pourvoir à chaque département en fonction de sa population, mais, en moyenne, on a 600 places à pourvoir, et il y a environ cent départements en France, donc un rapide calcul : 600/100 = 6, en moyenne il y aura 6 sièges à pourvoir par département. Et là on se rends compte que par conséquent, pour obtenir un siège d’emblée, il ne faut plus une voix sur 600, mais une voix sur 6 ! Soit 17 % des votants ! Cela ramène évidemment le problème du vote utile, car si vous désiriez voter pour une liste à 5 % dans votre département, vous pouvez avoir la certitude que jamais cette liste ne fera jamais élire un seul de ses membres et il vous faudra vous résoudre à « voter utile » pour une liste qui ne vous correspond pas. Cela ramène donc enfaite un seuil…
   Enfin, quatrième point, le plus technique et peut-être le plus un détail, lors du calcul des résultats, on va se retrouver avec des nombres de places avec des virgules, car aucune liste n’obtient jamais parfaitement « 34 places » avec les calculs brutes, c’est toujours « 34,7598422… », il y a donc des arrondis qui sont fait. Ils sont toujours faits à l’entier inférieur, car si on arrondissait au supérieur, on pourrait se retrouver dans une situation où il faudrait donner plus de sièges aux différentes listes que le nombre disponible. Mais du coup, en arrondissant à l’inférieur, il va se poser le problème inverse : il va rester des sièges vacants.
Pour attribuer ces sièges vacants. Deux grandes méthodes s’offrent à nous : celle de dite « de la plus forte moyenne », et celle « du plus fort reste ».
La plus forte moyenne, la plus utilisée aujourd’hui, consiste à calculer, pour chaque liste, un certain ratio : le rapport « nombre d’électeurs / nombre de sièges obtenus », si ce rapport est, par exemple, 3 648, cela signifie que « chaque siège obtenu par la liste représente en moyenne 3 648 électeurs ». En effet, à cause des arrondis, ce rapport est différent pour chaque liste bien que normalement similaire du fait de la répartition proportionnelle. La seule « bidouille » mathématique qu’on fait à ce ratio est qu’en réalité on ajoute 1 au nombre de siège obtenus pour chaque liste, ainsi, si une liste a eu 15 sièges, on ne calcule pas « nombre d’électeurs / 15 » mais « nombre d’électeurs / 16 ». L’intérêt est que sans cette « bidouille », les petites listes n’ayant pas eu de sièges, auraient eu un ratio divisé par zéro, ce qui fait l’infini. Toutes ces listes se seraient donc retrouvées avec l’infini comme ratio, et on n’aurait pas donc pu les comparée entre elles, or le but est de comparer ces ratios.
Le but est de comparer ces ratios car le premier siège laissé vacant par les arrondis sera attribué à la liste ayant le ratio le plus fort. Car on estime qu’un élu de cette liste représente « trop d’électeurs » par rapport aux élus des autres listes. On donne donc un élu supplémentaire à cette liste pour faire baisser ce ratio. On prend en compte ce nouveau siège dans le calcul de son ratio, et on recommence la même procédure pour le deuxième siège laissé vacant jusqu’à les avoir tous distribué.
Ce système est mauvais car il sur-avantage les grandes listes : en effet, si une liste à obtenu 89 sièges, on divisera son nombre d’électeur sur 90 (89 + 1), et si elle obtient un siège en plus, on va passer d’une division sur 90 à une division sur 91, ce qui ne va que très peu baisser le ratio. Donc il est fort probable que cette liste obtienne aussi le siège vacant suivant, car son ratio n’ayant que très peu baissé, il est probable qu’il soit resté le plus haut. Alors qu’une liste n’ayant pas eu de sièges, son nombre d’électeur est divisé par 1, donc il ne change pas, et si on lui attribue un siège vacant, on va passer d’une division par 1 à une division par 2, donc le ratio de cette liste va être réduit de moitié ! Il est donc très peu probable qu’après avoir obtenu un siège vacant, elle en obtienne un suivant.
   Le système du plus fort reste, lui, est basé sur une autre logique tout aussi légitime mais qui ne sur-avantage pas les grandes listes et qui ne fait pas intervenir de bidouille comme l’addition de 1.
Pour cette méthode, il faut se souvenir du nombre à virgule que l’on obtient quand on calcule les sièges : si, par calcul, on trouve qu’une liste obtiens 54,42 sièges, on ne lui en donne que 54, car on arrondi, mais on note le « …,42 » comme le « reste » de cette liste. De la même manière, une liste avec comme nombre théorique de sièges « 21,89 » se verra attribuer 21 sièges avec « …,89 » comme reste.
Ce reste représente le pourcentage de voix dont aurais pu se passer la liste. En effet, que la liste obtienne théoriquement 21,89 ou 21,06, on lui donnera 21 sièges, ni plus, ni moins. Mais ce reste intervient alors dans la distribution des sièges vacants : le premier siège est donné à la liste avec le plus fort reste, peu importe son nombre de sièges déjà obtenu. Ensuite, la liste en question ne pourra plus recevoir de nouveaux sièges vacants.
Ce système ne sur-avantage pas les grandes listes car on ne se préoccupe pas du score obtenu avant la virgule, on ne s’intéresse qu’aux restes des listes, c’est-à-dire la part de leurs résultats en pourcentages qui ne leur ont pas servi à obtenir de sièges d’emblée.
   Le scrutin proportionnel défendu ici est donc : sans prime majoritaire, sans seuil, à la circonscription unique, et à la répartition des sièges vacants selon la méthode du plus fort reste. Cette proportionnelle radicale permet d’offrir un mode de scrutin fidèle et résistant au vote utile.
   De plus, le scrutin proportionnel permet aussi une meilleure représentativité de la population, non pas d’un point de vue idéologique mais sociologique. Car il offre la possibilité d’obliger les listes qui se présentent à l’élection de contenir autant ou presque d’hommes que de femmes, ainsi que de faire en sorte que leurs candidats appartiennent à des tranches d’âge, des catégories socio-professionnelles et viennent de régions différentes, tels que leur répartition selon ces différents critères soit similaire ou presque à la répartition générale dans la population.
   Néanmoins, si j’ai tant tardé à évoquer la répartition proportionnelle, c’est parce que c’est un moyen de « procrastiner », de « remettre à plus tard » l’élection d’une alternative unique parmi d’autre. Car si j’ai parler des modes de scrutin permettant d’élire une personne, c’est aussi parce que, tôt ou tard, il faudra élire une alternative plutôt qu’une autre, que cela soit un Président, un Premier ministre, ou un projet de loi plutôt qu’un autre. Et donc, si la proportionnelle marche pour élire une assemblée, ce n’est pas le cas pour d’autres problématiques, il faut donc ne pas oublier les autres scrutins à ce moment-là, lorsqu’il s’agira de voter ente plusieurs alternatives pour en choisir une spécifiquement.

9)   Conclusion : Qu’adopter in fine ?
   Lors de l’introduction à cette partie sur les modes de scrutins, j’avais annoncé que deux d’entre eux se compenseraient l’un l’autre. Ces deux-là sont le scrutin de Condorcet, et le scrutin proportionnel. En effet, le scrutin de Condorcet amène à un vote « par défaut » en valorisant le candidat le moins rejeté, celui au centre de l’électorat — bien que l’électorat dépende de la sociologie et donc de la géographie, donc sur de petites circonscriptions, cela ne mène pas nécessairement à une majorité de « centristes ». Donc on peut considérer que le scrutin de Condorcet néglige l’électorat « positif » adhérant aux idées d’un candidat. A contrario, la répartition proportionnelle ne tient compte qu’exclusivement de cet « électorat positif », exprimant un vote d’adhésion.
A mon sens, les trois meilleurs scrutins sont la répartition proportionnelle radicale, le scrutin de Condorcet, et le Jugement majoritaire. Ce dernier d’ailleurs, de par son aspect symétrique avec des mentions bonnes d’un côté et des mentions mauvaises de l’autre, prend en compte à égalité le vote d’adhésion positif et le vote « négatif » d’élimination. Il tient compte aussi bien de l’électorat positif adhérant aux idées d’un candidat que de l’électorat négatif rejetant ce candidat.
Néanmoins, pour élire les deux chambres du parlement, et pour donner une identité propre à chacune d’elle, les deux scrutins complémentaires proportionnel et de Condorcet me semblent à privilégier.
Mais n’avait-on pas dit que le scrutin de Condorcet pouvait de pas rendre de résultat, si A bat B, que B bat C mais que C bat A ? Si ce phénomène — exceptionnel — se produit, il peut se résoudre très simplement en organisant un second tour avec l’autre meilleur scrutin sur les deux pour élire le parlementaire de la circonscription : le jugement majoritaire, qui rend toujours un résultat. Mais ce genre de phénomène étant très rare, surtout en politique, il est certain que la grande majorité des circonscriptions électorales auront un élu dès le premier tour au scrutin de Condorcet.
   Enfin, pour les votations nationales, comme pour choisir entre les options d’un référendum (typiquement : le cas où une contre-proposition serais faite par le parlement si un référendum propose un texte déjà rédigé) ou pour organiser l’élection d’un éventuel chef de gouvernement unique, le jugement majoritaire, par cet aspect symétrique qui est le sien, équilibré entre le vote d’adhésion favorisé à la proportionnelle élisant la première chambre du parlement, et celui d’élimination favorisé par le scrutin de Condorcet élisant la deuxième, me semble alors préférable. De la même manière, si j’avais été partisan du parlement monocaméral, j’aurais aussi pu préconiser le jugement majoritaire pour élire les parlementaires de l’unique chambre, mais je reviendrais plus tard sur ce point, il me faut d’abord évoquer le gouvernement pour expliquer pourquoi je préconise le bicamérisme.

   Quoi qu’il en soit, je pense, bien que cela ne soit que mon opinion pour le moment, que ces scrutins permettront d’au moins partiellement réconcilier le peuple avec ses représentants. Et les instaurer sera déjà un pas de géant pour la démocratie. J’ai ainsi envie de leur donner une chance, et je suis très réticent à l’idée de rejeter le principe même de l’élection d’emblée, alors que tous les modes de scrutins testés jusqu’à présent en pratique ont toujours été de très mauvais scrutins. Et je trouverais dommage d’instaurer le tirage au sort, radicalement différent de l’élection, sans avoir donné une dernière chance à l’élection via ces trois, ou deux scrutins (le scrutin proportionnel ayant malheureusement un peu plus de défauts que les deux autres). Pour le moment, je ne préconise non pas le tirage au sort, mais les trois meilleurs modes de scrutins que l’esprit humain ait pu concevoir à l’heure actuelle. Et ce ne sera seulement qu’en cas d’échec de ces scrutins, que je militerai alors pour le changement radical du mode désignation en faveur du tirage au sort. Notamment si le parlement proposé à deux chambres élues proposé ici, ne fonctionne pas pour X ou Y raison, j’opterais alors pour l’établissement d’un nouveau parlement, toujours bicaméral, mais avec une chambre élue au jugement majoritaire, et une autre désignée par tirage au sort.
Néanmoins, et je suis catégorique : s’il fallait choisir entre le tirage au sort et l’élection avec les autres modes de scrutins (scrutin majoritaire uninominal, etc…), qui sont simplement mauvais. Le tirage au sort serait une option peut-être infiniment meilleure !

   Une chose supplémentaire au sujet de ces trois scrutins : on l’a vu, le scrutin de Condorcet et le jugement majoritaire permettent à de bien plus nombreux candidats de se présenter, c’est aussi le cas pour la répartition proportionnelle radicale. Par conséquent, il ne sera plus intéressant pour les gans qui font de la politique à un moment donné dans leur vie de rester agglomérés entre eux dans des partis politiques dont ils ne partagent pas forcément toutes les idées. Actuellement, si le parti dans lequel ils sont ne leur correspond pas, ils sont tout de même contraint d’y rester, parce que s’ils faisaient sécession pour fonder un autre parti et proposer d’autres candidats aux élections, les deux partis partageraient leur électorat et perdraient les élections tous les deux. Mais avec ces nouveaux modes de scrutin, il n’y a aucun intérêt à rester dans un grand parti si on veut en fonder un autre.
Ce système électoral signera donc la mort des partis tels qu’on les connait. Car les politiciens se constituent en partis pour rassembler des électeurs et éviter les écueils de la dilution des voix entre candidats trop proches. Mais avec ces nouveaux scrutins, il n’y a plus de dilution des voix, plus de dépendance aux alternatives non-pertinentes, plus de problème de vote utile. Donc les grands partis institutionnalisés avec des cadres, véritables entreprises, n’existeront plus. Ils seront remplacés par de très petites et nombreuses formations politiques, une personne pouvant passer de l’une à l’autre dans une fluidité beaucoup plus grande, donc avec une fluidité entre ces formations. De plus, ces formations de peu de personnes naîtront et disparaîtront beaucoup plus vite que les grands partis actuels, car elles se fondent rapidement si un petit nombre de personnes sont d’accord entre elles, puis se dissoudront d’elles-mêmes au fils du temps et des flux de personnes. Et ces petites formations appartiendront à de grandes mouvances politiques vagues, sans institutions, sans cadres. Par exemple, il y aura des formations libérales, des formations socialistes, des formations conservatrices, etc. Avec un véritable continuum entre ces grandes mouvances. On dit souvent qu’un des avantages du tirage au sort est de rendre les partis politiques inutiles, et c’est vrai. Mais ces modes de scrutin là aussi rendent les partis politiques institutionnalisés inutiles, pour le plus grand bien du débat politique car encourageant la diversité politique et intellectuelle dans un continuum de nuances enrichissantes et novatrices.
En conséquence, ces scrutins ont l’avantage de permettre à tous de se présenter, et c’est une bonne chose pour permettre l’apparition d’idées diverses et plus nuancées, moins polarisées donc moins clivantes, et offrir un choix plus diversifié lors du vote, allant même jusqu’à la mort des grands partis qui sclérosaient le débat d’idées, car devenus inutiles.
   Néanmoins, cela ne va pas sans un autre problème. En effet, cela permettrait aussi à des candidats qu’on pourrait qualifier de « farfelus » de se présenter. Ce genre de chose s’est déjà vu, comme le « Deadly Serious Parti » en Australie. Ce parti a pour programme l’installation tout autours de l’Australie de bases militaires de manchots soldats génétiquement modifiés, pour se préparer à l’attaque nucléaire de l’Argentine. Dans la même veine, en Pologne, il existe aussi le « Parti Polonais des Amis de la Bière » …
Ces exemples de candidatures fantasques font sourire au début, mais doivent pouvoir être évités, car il s’agit tout de même de l’avenir du pays. Une des façons de l’empêcher est, en France, pour l’élection présidentielle, l’obligation pour quiconque voulant se présenter de recueillir le soutien public de 500 élus locaux via leurs signatures. Ce système peut être intéressant, mais le fait d’obliger les candidats à recueillir le soutiens — public — d’élus restreint la capacité d’une initiative citoyenne, apartisane et apportant de nouvelles idées, à se présenter aux élections, ainsi que plus généralement toute candidature trop éloignée de l’idéologie des élus. Il faut donc plutôt remplacer ces soutins par des soutiens anonymisées de quelques dizaines de milliers de citoyens, 30 000 ou 40 000, pour les élections nationales comme l’élection proportionnelle de la première chambre du parlement, et juste quelques milliers, voire centaines, de citoyens pour les élections au niveau local.
Ou alors on peut effectivement garder le système de soutiens de 500 responsables politiques locaux, mais anonymes pour éviter les pressions, et uniquement dans le système que je présenterai à la fin de ce texte quand il sera question des réformes pour les institutions politiques locales. Car notez que je viens de parler de « responsables », et pas forcément « d’élus ».

   Nous venons de terminer la partie sur les scrutins, c’était une grosse partie mais elle était nécessaire . Mais trouver un bon mode de scrutin est-il suffisant pour que le parlement soit fidèle au peuple ? Vous vous en doutez : si je pose cette question, c’est que non. Il y a un troisième point, avec le suffrage (universel direct) et le scrutin qui fait toute la différence entre un parlement fidèle au peuple et un parlement qui les trahit. Un point plus important encore que le mode de scrutin, tant il est fondamental et devrait précéder la réflexion sur le celui-ci.
Ce dernier point est le type de mandat de l’élu. En effet, l’élection accorde à l’élu un mandat électoral, mais il existe deux types de mandats électoraux : le mandat dit « représentatif » et le mandat dit « impératif ».
   Le mandat représentatif est très lié au régime du même nom, et c’est celui-ci qui a court dans nos pays. Le principe de ce mandat est que l’élu, le « représentant », est libre d’agir çà sa guise, selon ses propres volontés. Sans avoir de compte à rendre à ses électeurs, ni à tenir les engagements qu’il aurait éventuellement pris devant l’électorat lors de sa campagne électorale. Ce mandat protège l’élu d’une quelconque sanction s’il trahit la volonté générale, ou va à l’encontre de ses électeurs.
Enfaite, la combinaison même d’un « programme électoral » que les candidats présentent actuellement lors d’une élection avec le mandat impératif est contradictoire : l’élu doit pouvoir décider librement de ses choix une fois élu, c’est le principe du mandat représentatif, de ce fait il ne peut être contraint à respecter le programme qu’il a présenté. Aucune de ses promesses de campagne n’a à être tenue. Ce mandat est l’inscription dans le droit de l’adage qu’on doit au politicien français Henri Queuille : « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». À ce titre, voter pour un candidat si le mandat qu’il recevra est représentatif ne signifie pas qu’on est d’accord avec son programme, mais que l’on considère qu’il s’agit de la personne la plus intelligente et lucide sur les question politiques. Le vote devient alors un accord de principe pour lui octroyer la fonction de dirigeant politique sans qu’aucun engagement n’ait été pris.
Le mandat représentatif est fondé sur ne conception élitiste de la politique selon laquelle le peuple serait incapable de se gouverner seul et devrait se contenter de désigner la personne qu’il estime être la plus à même de prendre des décisions pour lui. Comme des parents avertis et éclairés qui décideraient de ce qui est bon pour leurs enfants, sans que ceux-ci ne puissent s’y opposer. Si cela peut se comprendre dans le cas la dualité parents/enfants, c’est en revanche très discutable pour des adultes politisés et responsables qui élisent d’autres adultes, d’autant plus qu’à l’heure actuelle l’attachement à la démocratie et la facilitation des échanges d’information de par le monde permettent une bien meilleure compréhension des enjeux de la part des citoyens.
   Vous l’aurez compris, ce mandat pose un gros problème dans le système proposé ici : comment garantir la fidélité des parlementaires avec la population si ceux-ci ne sont pas contraints de respecter la volonté générale ? Il est donc fondamental, avant même le mode de scrutin, d’interdire formellement l’utilisation du mandat représentatif dans la constitution, et d’instaurer obligatoirement le mandat impératif.
   Ce dernier se fonde sur une tout autre logique : l’élu n’est plus un dirigeant libre de ses choix et sans compte à rendre à personne, mais un messager et un serviteur de la volonté de ses électeurs. En même temps que sa nomination aux responsabilités, il a été passé un contrat explicite entre lui et ses représentés, lui faisant promettre de mettre en œuvre la volonté générale de ces derniers, et l’obligeant à honorer cette promesse. Avec la possibilité de le sanctionner s’il trahit ses engagements. Cela permet un contrôle démocratique sur les élus, et je suis persuadé que l’obligation pour les élus de respecter les volontés de leurs électeurs permettra sûrement de fortement contribuer à rétablir la confiance des citoyens envers les institutions.
Et lors d’une élection, la volonté des électeurs est l’ensemble des propositions qu’a fait le candidat, qui constituent son programme électoral et forment donc son engagement.
Concrètement, je propose pour instituer le mandat impératif, d’obliger les candidats à déclarer explicitement sur un document officiel les actions précises qu’ils s’engagent à entreprendre, en les listant points par point. Ce document aura une valeur officielle, devra être déclaré lors du dépôt de candidature et pourra être consultable à tout moment de la campagne électoral par quiconque. Mais il faut aussi pouvoir prendre des décisions sur des sujets qui ne se posaient pas lors de la campagne électorale, par exemple : en France, personne lors de la campagne présidentielle de 2012 n’aurait pu prévoir les attentats à Charlie Hebdo de janvier 2015, il faut donc pouvoir laisser une marge de manœuvre aux responsables politiques au cas où la situation politique changerait lors de leur mandat. Mais pour permettre aux électeurs d’anticiper les réactions et les comportements des élus si de tels changements arriveraient, les candidats devront déclarer lors du dépôt de leur candidature, en plus de la liste des actions précises qu’ils s’engagent à mener, un court texte d’une page grand maximum qui explicite leurs idées, leur manière de concevoir leurs actions, les orientations politiques et idéologiques ainsi que les inspirations intellectuelles, voire philosophiques, qui sont les leurs. De plus, ces différents points, inspirations intellectuelles, orientations politiques, etc., devront être écrites en gras pour pouvoir être bien identifiées en tant que notions-clef de leur appartenance politique.
Enfin, non seulement ces textes seront officiels et leur format sera standardisé, mais ils auront également une valeur juridique ! Car si les élus ne respectent pas l’un ou l’autre, ils seront passibles d’être jugés, et de subir des sanctions : amendes, retraits d’indemnité, voire destitution de leur mandat politique, jusqu’à une possible peine d’inéligibilité permanente, et potentiellement une peine de prison.
Les juges qui seront en charge de cette voie judiciaire seront indépendants de la politique et épaulés par un jury de citoyens tirés au sort, comme c’est le cas actuellement pour la procédure judiciaire standard dans plusieurs pays. Mais nous reviendront au système de contrôle judiciaire des élus et du respect de leur mandat plus tard, car je consacre une partie entière à ce sujet.
   De plus, autre élément du mandat électoral impératif, la possibilité pour les électeurs de révoquer leurs élus. Ainsi, si le référendum d’initiative citoyenne peut permettre au peuple de faire écrire et d’abroger une loi, ou d’obliger le gouvernement à mettre en place ou à annuler une mesure, un autre type de RIC peut également amener à retirer son mandat à un élu et ré-effectuer l’élection. Ce type de référendum, étant source potentielle de plus d’instabilité politique que le premier, il est compréhensible que pour le déclencher, il faille réunir une plus grande proportion de signatures de la part des citoyens, qui dépendra du la taille de la circonscription dans laquelle l’élection a eu lieu et dans laquelle elle se refera : n’oublions pas que réunir 1 % de 5 000 de personnes, ce n’est pas la même chose que 1 % de 50 millions, d’un côté ça fait 50 signatures, et de l’autre ça en fait 500 000. Mais dans tous les cas cette proportion ne doit pas excéder un maximum de 10 % pour le niveau national, ce qui est déjà beaucoup, peut-être trop même.
   En conclusion, un mandat électoral est très différent selon s’il est représentatif ou impératif. Et je pense qu’une grande part de la défiance que peuvent avoir les gens envers leurs élus vient du fait que ces derniers ne cessent de trahir leurs promesses de campagnes. Donc l’introduction du mandat impératif sera une avancée magistrale, plus encore que le mode de scrutin, vers la démocratie.
   D’ailleurs, ces mandats sont si différents que les institutions prendraient un tout autre aspect. Et on peut repenser à ce qui a été dit plus haut, dans l’introduction de ce texte, selon quoi c’est un oxymore que de parler de « démocratie indirecte », mais dans le cas où l’élu est obligé d’exprimer la volonté générale, comme c’est le principe du mandat impératif, où il devient messager, ambassadeur du peuple ne pouvant déroger à ses engagements, il devient légitime de considérer ce régime comme un régime différent du régime représentatif. Et là le terme « démocratie indirecte » devient légitime à être employé, car c’est la volonté du peuple qui s’exprime à travers un représentant obligé d’y obéir et de la servir. Un régime sans référendum mais ou les élus obéiraient au mandat impératif serait donc le seul régime politique où il serait éventuellement possible de parler de « démocratie indirecte », devenant « semi-directe » si on y rajoute le référendum d’initiative citoyenne.

   Voilà qui clôture enfin cette partie sur le parlement. Si on résume, il s’agit d’un parlement bicaméral égalitaire ou presque, dont les deux chambres sont élues au suffrage universel direct, l’une au scrutin de Condorcet résolu en cas d’absence de résultat par le jugement majoritaire, l’autre au scrutin proportionnel radical, c’est-à-dire sans prime majoritaire ni seuil, à la circonscription unique (ou de grandes circonscriptions) et avec répartition des sièges vacants selon la méthode des plus forts restes. Et dont les parlementaires seraient soumis au mandat impératif, les obligeant à déclarer officiellement les points de leur programme et à s’engager à les proposer devant le parlement s’ils sont élus ainsi qu’à les défendre et les voter lorsque ceux-ci sont proposés ; les obligeant également à présenter officiellement leurs orientations et leurs inspirations politiques, idéologiques et intellectuelles. À Présent, passons à la forme que devra prendre le gouvernement face à un tel parlement, et les relations entre les deux.
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)

J.P.

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #14 le: 19/01/2019 12:58:23 »
Merci Orphel de votre intervention. Bravo pour ces textes, il y a des pistes intéressantes, mais j'avoue que c'est un peu ... touffu ! Croyez-vous que les personnes qui occupent les ronds-points soient prêtes à débattre de tout ça ?  ;D Ce serait peut être utile d'en faire une synthèse. Vous n'attendez pas la VIème République, encore moins le RIC seul je pense. Au delà de la notion de démocratie n'est-ce pas sur le sens du "vivre ensemble" qu'il faudrait philosopher ? Les réseaux sociaux et les outils de communication d'aujourd'hui permettent à chacun de s'exprimer, mais pensez-vous que la majorité de nos concitoyens ont suffisamment conscience des réalités qui les entourent ?

Orphel

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Re : Propositions personnelles pour un État démocratique
« Réponse #15 le: 19/01/2019 22:37:47 »
Bonsoir  ;D
J'ai bien conscience, d'une part que c'est un énorme texte (et encore une fois, je m'en excuse) ; mais aussi que je me suis LAAARGEMENT éloigné des préoccupations de ceux qui sont sur les ronds-points, des gilets jaunes, et même du sujet de base de ce site, qui se cantonne au RIC en principe.
Cependant, j'ai quand même trouvé pertinent de partager mes idées sur la démocratie parce que je pense que, même si la priorité pour les gilets jaune est avant tout les conditions de vie (et c'est bien normal), ils en sont quand même venu à revendiquer le RIC, qui est un premier pas du mouvement en direction de la démocratie.
De plus, historiquement, La démocratisation a presque toujours eu pour moteur la raison sociale (ce qui ce comprend : les gens ne se battent pour changer les institutions que quand ils n'ont plus les moyens de vivre dignement, ce qui est normal).

Donc je pense qu'à terme, même si l'objectif premier est la qualité de vie, la démocratisation des institutions est un bon outil pour parvenir à cet objectif. Et je crois que nous pensons tous plus ou moins ça, sinon nous ne militerions pas pour le RIC. Donc ma démarche consiste juste à apporter ma contribution pour la démocratie, dans le but d'améliorer la justice sociale.

Sinon, la priorité étant la question sociale, je reconnais que des propositions sur des mesures économiques, sociales et fiscales seraient plus intéressantes à court-terme. Mais je n'ai pas assez réfléchit à la question, donc je suis plus productif sur la démocratie ^^'
Je ne suis pas spécialement pour une VI° République, je suis pour une première Démocratie ;-)