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Partie II. Le Parlement
(C'est la partie la plus monstrueuse en terme de taille, car j'y aborde les modes de scrutin)

   Le Parlement, en démocratie, est l’institution chargée d’exercer le pouvoir législatif, celui d’écrire les lois. Il se compose généralement de deux chambres distinctes, traditionnellement appelée « Chambre haute » et « Chambre basse », c’est le système du « bicamérisme ». L’intérêt d’avoir deux chambres est que le monopole du pouvoir législatif n’appartienne pas à une seule assemblée, mais que les deux chambres « se surveillent l’une l’autre ». Ce rôle de contre-pouvoir que joue chaque chambre vis-à-vis de l’autre à été théorisé par Montesquieu, qui préconisa le principe de « séparation des pouvoirs », lequel implique que les trois pouvoirs politiques — législatif, exécutif et judiciaires — soient exercés par des institution différentes, afin d’éviter la tyrannie d’une seule institution. Mais, de plus, les institutions doivent pouvoir se contrôler l’une l’autre, il ne faut pas qu’une institution puisse exercer une trop forte pression sur les autres, de telle sorte que les autres en question y soient soumises. Or, traditionnellement, le moyen de contrôle du parlement sur le gouvernement est le possible vote d’une « motion de censure », obligeant le gouvernement à démissionner. Mais pour éviter, du coup, que le parlement ne s’arroge le pouvoir exécutif en exerçant abusivement son autorité sur le gouvernement, via la motion de censure — ce type de régime où le gouvernement est complètement soumis et au parlement se nomme un « régime d’assemblée » — Pour éviter ce régime d’assemblée, donc, il peut être une bonne idée de scinder le parlement en deux chambres. Ainsi, le gouvernement pourra s’appuyer tantôt sur une chambre, tantôt sur l’autre.
De plus, le bicamérisme se justifie souvent par le fait que la seconde chambre — classiquement nommé « chambre haute », tandis que la première porte l’appellation de « chambre basse » — représente les collectivités territoriales, alors que la première chambre représente l’ensemble des citoyens réunis en un même peuple. La représentation des territoires permet, en théorie, d’éviter qu’un territoire en particulier ne soit systématique désavantagé par les décisions de l’État, en étant en quelque sorte « sacrifié » pour le bien de la nation, parce que le parlement prendrait des décisions qui seraient bonnes pour le pays en général, mais mauvaises pour CE territoire là en particulier.
En pratique, pour résumer le fonctionnement du bicamérisme vraiment très grossièrement : quand une loi est votée par une chambre, elle passe dans l’autre chambre où elle subit des modifications, après quoi elle repasse dans la première, et ainsi de suite, idéalement jusqu’à ce qu’une chambre ne change rien à la version qui vient de lui être transmise. Mais la plupart du temps, il y a un nombre limité d’aller-retours au bout desquelles la loi est considérée comme votée. D'ailleurs, pour le vocabulaire, ce processus d’aller-retours s’appelle la « navette ».
   Ce bicamérisme me semble être une bonne idée et à conserver, il permet d’éviter qu’une seule institution détienne le pouvoir législatif sans pouvoir être contrariée, et représenter les minorités locales, et protéger leurs intérêts par rapport à celui du pays me semble aussi une bonne idée sur le papier.
Mais il existe deux types de bicamérisme : inégalitaire et égalitaire, selon si les ceux chambres sont à égalité ou si en cas d’affrontement, l’une a le dernier mot sur l’autre. Par exemple, en France, le bicamérisme est inégalitaire : lorsque l’Assemblée nationale est en conflit avec le Sénat, c’est la première qui impose sa volonté avec l’accord du Premier ministre. Ainsi, pour voter une loi, soit l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord, soit l’Assemblée nationale a le soutien du Premier ministre. L’Assemblée national apparaît donc indispensable pour voter une loi, mais pas suffisante. Nous verrons plus loin quel système est préférable, car il faudra d’abords parler du gouvernement.

   Maintenant qu’il est convenu d’un parlement bicaméral, comment désigner ses membres ? Pour rappel : nous voulons l’État le plus démocratique possible, nous sommes donc en quête d’un parlement qui sont le fidèle, dans sa constitution idéologique et sa coloration politique, à la constitution idéologique et la coloration politique du peuple. Cette fidélité, est non seulement souhaitable, mais de surcroît nécessaire du fait de l’existence du référendum d’initiative citoyenne. En effet, nous verrons que le RIC conditionne toutes les autres institutions qui doivent composer avec lui, et s’organiser autour de lui.
Dans le cas du parlement, si celui-ci n’est pas fidèle, dans sa coloration politique, à la coloration politique du peuple, alors il votera des lois qui ne plairont pas au peuple, et celui-ci s’empressera de les abroger par RIC. Or, une procédure législative est coûteuse, aussi bien en temps, qu’en argent et en effort humain, mais c’est aussi le cas des RIC ! ils demandent des semaines, si pas des mois, de débat publique, d’effort humain, d’énergie humaine, et d’argent. Donc faire une loi, pour ensuite l’abroger par RIC, constitue un énorme gaspillage de temps, d’argent et d’effort humain. Il est donc indispensable que, dès le début, le parlement soit fidèle à la coloration politique du peuple, afin que les lois votée ne soient pas rejetées par celui-ci.
Il faut donc trouver un mode désignation fidèle, et nous passerons en revue différents modes de désignation :
1)   Le Tirage au sort
Cette idée peut sembler étonnante, car plus pratiquée depuis l’antiquité. Pourtant, elle était à la base de la démocratie athénienne, en faisant que chaque citoyen puisse entrer au parlement, et en comptant sur le principe de représentativité du hasard pour avoir un parlement vraiment similaire et représentatif de la population, le tirage au sort possède plusieurs avantages :
- n°1 : Les candidats voulant être aux responsabilités politiques ne sont pas obligés de mentir, de faire de fausses promesses, ou de faire du clientélisme électoral, car cela ne va pas les aider à se faire désigner. Contrairement à l’élection, car, lors d’une élection, où le but est d’obtenir des voix, les candidats ont souvent, pour ne pas dire toujours, intérêt à faire de fausses promesses, à diffuser de fausses informations, en bref : à mentir. Le tirage au sort peut ainsi éviter le populisme.
- n° 2 : Le tirage au sort, et en mettant les citoyens dans un lieu où chacun s’interroge sur le bien commun, les forçant à prendre part activement aux décisions politiques, les oblige ainsi à s’interroger sur ledit bien commun. Et leur fait ainsi accéder à une sorte de maturité politique. Il responsabilise les citoyens en les mettant directement, eux-mêmes face aux problématiques du gouvernement. C’est ce que Tocqueville remarquait dans son ouvrage De La Démocratie en Amérique, il écrit, à propos du tirage au sort pour désigner les membres du jury dans la procédure judiciaire américaine :
« Le jury apprend à chaque homme à ne pas reculer devant la responsabilité de ses propres actes ; disposition virile [on pourrait remplacer le terme « virile » par « mature »], sans laquelle il n'y a pas de vertu politique. Il revêt chaque citoyen d'une sorte de magistrature ; il fait sentir à tous qu'ils ont des devoirs à remplir envers la société, et qu'ils entrent dans son gouvernement. En forçant les hommes à s'occuper d'autre chose que de leurs propres affaires, il combat l'égoïsme individuel, qui est comme la rouille des sociétés. » (Tocqueville, De La Démocratie en Amérique, Livre 1, Partie 2, Chapitre VIII)
On voit donc ici que le tirage au sort apprend aux citoyens à se responsabiliser.
- n° 3 : Au contraire d’une élection, tout le monde peut être désigner par tirage au sort. En effet, lors d’une élection, ne sont élus que des gens qui font la démarche de se présenter. Or ceux qui se présentent, peuvent vouloir être élus par conviction, par volonté d’agir au service du bien commun, mais aussi par attrait du pouvoir, le l’argent ou des honneurs de la fonction d’élu. Le tirage au sort permet d’éviter que le pouvoir ne soit attribué qu’à des gens le désirant.
- n° 4 : Le tirage au sort permet de garder une humilité des représentants. Car, lors d’une élection, l’élus peut devenir imbus de sa personne car il estime qu’il a été désigné par le peuple — ce qui est vrai — et utilisera cet argument pour assoir son autorité face au peuple. Ce qui n’est pas possible avec le tirage au sort, car la personne désignée aurait tout aussi bien pu être quelqu’un d’autre.
- n° 5 : Dans l’élection, les candidats sortants se représentent, et profitent du fait qu’il soit connu pour se faire réélire, ou, s’ils ne sont pas réélus, se feront élire ailleurs (un député peut devenir maire s’il n’a pas été reconduit à son mandat de député, etc…). Ce phénomène amène à une professionnalisation de la vie politique, avec des gens qui vont faire de la politique leur métier. Or, la professionnalisation de la vie politique a deux effets néfastes : d’une part, elle donne l’impression aux élus d’être des dirigeants appartenant à une classe sociale supérieure, gonflant ainsi leur orgueil ; mais surtout, elle va les déconnecter de la réalité quotidienne du citoyen lambda. Ce qui est un grave problème quand on veut des institutions qui soit fidèle dans sa représentativité du peuple. Le tirage au sort permet de faire retourner à la vie civile les gens désignés quand arrive la fin de leur mandat.
- n° 6 : Qui dit élection dit campagne électorale, et généralement, le candidat gagnant fait partie de ceux qui on eut la meilleure et la plus forte campagne. Et même hors période électorale, les personnalité politiques ont tout autant intérêt à avoir une forte visibilité pour préparer les prochaines élections, aussi lointaines soient-elles. Il y a donc nécessité pour les candidats de procéder à un « matraquage médiatique » le plus intense possible afin d’accroître autant que possible leur visibilité. Or pour ce faire, il faut trois ingrédients, et le premier d’entre eux consiste à ne pas hésiter à faire des propositions démagogiques, extrêmes, voire parfaitement irréalistes et que l’on sait irréaliste et intenable  (et qu’on ne compte absolument pas tenir, si on est élu), pour attirer l’attention sur soi, pour « faire le buzz ». L’élection récompense le matraquage médiatique, et un bon matraquage médiatique nécessite de nier la réalité, d’avoir des propositions irréalisables et que l’on ne compte pas réaliser, voire même, d’avoir des propositions avec lesquelles nous sommes nous-mêmes en désaccord ! Mais nous les formulons parce qu’elles nous permettent de nous faire élire. L’élection favorise donc le mensonge et la démagogie.
- n°7 : les deux autres ingrédients pour un bon matraquage médiatique sont : de l’argent ; et des médias en accord avec vous, qui pourront donc diffuser vos idées et faire plus ou moins discrètement et directement votre promotion. Mais pire encore : cela s’applique aussi aux candidats sortants, qui sont déjà élus et cherchent à se faire réélire, ou même à faire réélire leur parti politique, pas forcément leur propre personne. Donc les élus, s’ils cherchent à se faire réélire ou faire reconduire leur camp politique au pouvoir, ont intérêt, nous pas intérêt à conduire des politiques populaires et utiles au bien commun pour inciter les gens à revoter pour eux, mais une politique utile à une élite financière constituée de potentiels soutiens financiers pour leurs campagnes, ainsi qu’une politique en accord avec l’idéologie des détenteurs des principaux médias, peu importe que cette idéologie soit partagée par la population ou non. Et grâce au matraquage médiatique en leur faveur que ces techniques leur permettront d’obtenir, ils sont certains que les gens continueront à voter pour eux, car ils conservent leur notoriété, leur visibilité. Le tirage au sort empêche ce travers, car il ne récompense pas le matraquage médiatique.

   Néanmoins, malgré tous ces avantages, le tirage au sort souffre quand même de quelques défauts, dont le fait que le hasard ne fasse pas si bien les choses que ça. En effet, on pense souvent que, du fait de la randomisation du hasard, le parlement tiré au sort sera forcément fidèle à la population, mais ce n’est pas garantie d’être le cas.
Un exemple : si, sur une question donnée, par exemple, la légalisation de la PMA pour les femmes seules ou en couple homosexuel, mettons que 52 % de la population soit pour et 48 % contre. Ces chiffres sont PUREMENT inventés pour les besoins de l’exemple, mais, en pratique, ils sont très réalistes. En effet, sur la quasi-totalité des sujets, la population est souvent divisée à environ 50/50, généralement, on considère qu’il y a consensus dans la population si le ratio atteint 55/45 — comme c’était le cas en 2005 lors du référendum sur la constitution européenne, où les français avaient répondu « Non » à 55 %, on parlait alors « d’écrasante majorité » — et elle ne va quasiment jamais au-delà de 60/40, ce qui serait vraiment un cas extrême. Mais reprenons : avec un ratio de 52/48, si l’on choisit une assemblée de 400 membres, ce qui est dans la moyenne des assemblées en occident, La fluctuation due au hasard fait qu’il n’y a qu’environ 79 % de chances que la majorité du parlement soit en accord avec la majorité du peuple. Dans notre exemple, le peuple est majoritairement en faveur de la mesure proposée, et l’adopterait donc en RIC, mais il y a 21 % de chance pour qu’avec le tirage au sort, une assemblée de taille moyenne de 400 membres soit contre, et donc la refuse.
Cela peut paraître une faible chance, 21 %, mais il ne faut pas oublier qu’il y aura de nombreuses autres questions après celle-là, et qu’à chaque fois, si le peuple est divisé à un ratio proche de 50/50, il n’y aura qu’environ 80 % de chance que le parlement soit fidèle au peuple. Or, de 80 % en 80 %...
Si l’on fait deux propositions, la probabilité que le parlement soit à deux reprises fidèle au peuple est de (8/10) x (8/10), soit 64 % seulement, et donc 36 % de chance qu’il trahisse le peuple sur l’une ou l’autre des deux propositions, ou les deux. De façon générale, si vous considérez N propositions, la probabilité que le parlement soit fidèle au peuple pour toutes ces propositions est de 0,8N si la population est divisée à environ 50/50 pour chacune de ces propositions, ce qui diminue très vite. Cependant, il faut avouer que cette probabilité est plutôt 0,99N si ces propositions partagent est la population avec un ratio de 55/45. À ce moment-là l’assemblée a plus de chances d’être fidèle car cette probabilité descendra descendra toujours, mais beaucoup, beaucoup moins vite. Malheureusement, ce genre de cas est rare.
   Il est question de 400 membres car, plus le parlement est nombreux, plus la fluctuation due au hasard autours du ratio réel de la population, est petite. Mais la fluctuation ne diminue malheureusement pas assez vite. Pour espérer un parlement le plus possible en accord avec le peuple, il faudrait au moins un, voire plusieurs milliers de parlementaires. Ce qui est très difficile à légitimer à une époque où il est populaire de proposer une diminution du nombre de parlementaires. Lors de l’élection, les responsables politiques ne sont pas choisis par le sort, mais triés par la population, idéalement en fonction de leurs propositions. Ce qui permet, sur le papier, d’avoir une assemblée de gens triés pour être spécifiquement en accord avec, et représentatifs de la population. Je dis « sur le papier » car le mode de scrutin est important : il y en a qui sont moins représentatifs que d’autres, donc toutes les élections ne se valent pas et nous le verrons plus tard, mais on peut penser que si l’on choisit un bon mode de scrutin, représentatif de la population, l’assemblée élu a plus de chances d’être régulièrement en accord avec le peuple sur différents sujets qu’une assemble tirée au sort.

   De plus, le tirage au sort ne présente pas toujours les six avantages cités précédemment. En effet, Le point n°2 que Tocqueville soulignait sur le jury américain, présume que si on tire au sort un citoyen pour le faire participer à la vie politique, il deviendra plus éveillé, plus éclairé, plus sage et plus mature politiquement. Mais cette affirmation — en admettant qu’elle soit vraie — ne concerne que les tirés au sort, pas les autres citoyens qui s’exprimerons en référendum. On peut ainsi faire la supposition que l’élection, parce qu’elle donne un pouvoir à chacun, plus faible, mais plus diffusé dans la population, pourrait responsabiliser plus de gens.
À cela on répondrait que ce n’est pas ce que l’on observe en pratique dans nos pays pratiquant l’élection. Elle ne les responsabilise pas spécialement, enfaîte elle les transforme plutôt en soldats aveugles, combattant des idéologies sans jamais les remettre en question, et persistant dans leur convictions — d’ailleurs, on parle de « convictions » politiques comme si cela retournait du domaine de la Foi religieuse — parfois même lorsqu’elles vont à l’encontre de la réalité observée ! Leur faisant ainsi perdre toute rationalité.
Mais on peut expliquer ce phénomène par plusieurs facteurs qui ne sont pas obligatoires avec l’élection : notamment le scrutin, en effet, nos scrutins où l’on nous demande de désigner uniquement la personne qui nous correspond le mieux nous poussent à « choisir un camp » et à le défendre contre vents et marrées… Et aussi contre arguments et réalité ! Les modes de scrutins que nous utilisons tendent à polariser les citoyens, à s’identifier à une idéologie qu’ils considéreront comme une appartenance quasi-clanique ! D’autres modes de scrutins plus riches en termes de possibilité d’expressions peuvent éviter ce problème, mais l’on y reviendra.
Le point n° 3, quant à lui, dit que l’élection désigne systématiquement des gens avides de pouvoir et pas le tirage au sort. Mais, si la personne tirée au sort ne veut pas devenir parlementaire, parce qu’elle ne s’estime pas assez compétente pour faire les lois ou parce que faire les lois ne l’intéresse tout simplement pas. Faut-il l’obliger ? Et faire fi de sa volonté ? Il est question de mettre entre parenthèses son activité professionnelle, voire sa vie sociale et de famille, pour se rendre à la capitale du pays afin de siéger en tant que parlementaire. N’a-telle donc pas son mot à dire ? Si elle ne veut pas être tirée au sort, il serait tout à fait dans son droit de démissionner sitôt désignée. Mais du coup : seuls ceux qui voudront bien exercer le pouvoir accepteront d’être tirés au sort.
Lors des études statistiques et médicales, ce biais est connu, on l’appelle le biais de sélection, il consiste en le fait que les personnes qui acceptent de s’inscrire dans l’études ont une psychologie, un rapport à la connaissance et à la recherche, ainsi qu’une conscience de leur santé, statistiquement plus développé que celles qui refusent. Or par conséquent, les personnes suivies ou interrogées lors des études statistiques et médicales ne sont plus représentatives de la population générale. Ce type de biais est susceptible de s’appliquer lors du tirage au sort.
Et nous venons de parler des personnes qui vont refuser leur désignation parce qu’elles ne s’estiment pas compétentes, ou pas intéressée, mais elles ne sont pas la seule catégorie de personnes qui refuseront leur désignation : il y a aussi des personnes qui ne PEUVENT pas devenir membres du parlement, parce qu’elles travaillent, qu’elles tiennent un commerce de proximité, ou sont travailleurs indépendants… Ces personnes ne peuvent pas se permettre de mettre leurs activités professionnelles en suspend pour aller pendant un an, voire plusieurs années suivant la durée du mandat, jouer aux parlementaires, puis reprendre leurs activités là où elles l’avaient laissée. Car le marché du travail aura changé, ou car elles auront perdu leur clientèle (et Dieu sait que c’est très dur, pour ne pas dire impossible, pour un commerçant, de retrouver sa clientèle perdue).
Ces gens ne peuvent donc pas se représenter aux-même, non pas parce qu’ils en sont incapables, mais parce qu’ils n’ont pas l’opportunité, la chance, d’avoir un travail conciliant, leur permettant de cumuler avec une fonction de responsable politique, encore plus à l’autre bout du pays. Il faut donc de trouver un mode de désignation qui permettra à ces gens de pouvoir faire porter leur voix. L’élection peut être proposée car ils désigneront des gens partageant leurs idées en tant que « représentants » pour porter leur voix.
   En outre l’avantage n° 5 qui consiste à empêcher la professionnalisation de la vie politique peut aussi être mis en place dans un système l’électoral : si l’on interdit le cumul des mandats dans le temps à deux ou trois mandats. Une fois les deux/trois mandats fait, les élus ne pourront plus se représenter, obligeant ainsi le paysage politique à se renouveler régulièrement. Et les politiciens à retourner à la vie civile.
   Enfin, les arguments n° 6 et 7 expliquent que l’élection récompense le matraquage médiatique, via la démagogie, et via des soutiens minoritaires mais détenant le pouvoir médiatique ou financer nécessaire audit matraquage et dont il faut savoir capter les faveurs lors de son mandat si on espère être réélu. Contrairement au tirage au sort qui ne possède pas cette propriété malheureuse. Mais, si le tirage au sort en est effectivement prémuni, il n’est pas certain que cette conséquence soit obligatoire dans une élection. Car en réalité toutes les élections ne se valent pas : les conséquences d’une élection quasiment toutes liées à son mode de scrutin, or il y a beaucoup de modes de scrutin très différents. Et nous verrons quelques scrutins, dans la suite de ces pages, qui sont moins sensibles au matraquage médiatique, et donc à la nécessité pour les candidats d’avoir recours à ces deux méthodes : mensonges et démagogie lors de la campagne électorale, et politique en faveur des lobbys financiers et médiatiques lors du mandat.

   Le tirage au sort présente de nombreux avantages et a beaucoup d’arguments en sa faveur, mais aussi des limites. Et avant de rendre notre jugement définitif sur ce dernier, peut-être pourrions-nous nous intéresser à différents modes de scrutins électoraux.
   Car attention : toutes les élections ne se valent pas ! Il y a de nombreux modes de scrutins possibles, et tous ne sont pas égaux en termes de représentativité, de fidélité, de qualités, d’inconvénients voire de bizarreries. Il y en a de bien meilleurs que d’autres, mais nous n’allons pas tous les aborder. Nous aborderons uniquement ceux actuellement en cours dans les principaux pays développés, pour dire en quoi ils sont perfectibles, et quelles sont leurs limites, puis nous verrons quelques alternatives pour les remplacer, et nous finirons sur les meilleurs scrutins possibles actuellement imaginés.
   Précisons quand même, avant de parler du scrutin, que le suffrage, lui, ne peut être qu’universel et directe, et ce pour chacune des deux chambres du parlement, pour des raisons évidentes de fidélité de leur coloration politique. Mais du coup, s’il y a deux chambres, et qu’elles sont toutes les deux élus au suffrage universel direct, alors on peut penser que pour les différencier, pour leur donner une identité propre, il faille des modes de scrutins différents, et si possibles complémentaires. Deux scrutins tels que l’un compense les limites de l’autre et inversement. Ce qui permettra d’avoir des chambres complémentaires dans leur représentativité du peuple. Et nous verrons que ce couple de scrutins existe peut-être bel et bien.

   Nous aborderons donc les différents modes de scrutin, et nous illustrerons leurs forces et leurs faiblesses par des exemple à travers des cas réels historiques d’élections ; ainsi qu’une élection fictive, entre cinq personnes, qui nous suivrons pendant les quelques pages qui vont suivre.
J’ai donc le plaisir de vous présenter nos cinq candidats à l’élection présidentielle de la République imaginaire d’Expériencie : Alice, Bastien, Cannelle, David et Émilie.
Alice est une conservatrice protectionniste, anti-immigration et un peu bigote sur les bords. Bastien se réclame de la mouvance anticapitaliste, anti-libéral et progressiste, avec un discours écologiste. Cannelle est une socialiste plus modérée quoique franchement keynésienne. David est un réactionnaire anti-immigration ultra libéral, très lié soutenu par le grand patronat et en faveur d’une dérégulation des marchés financiers. Enfin, Émilie est elle aussi une libérale convaincue, mais progressiste et en faveur des droits des LGBT.
Nous allons étudier, sur une population donnée, les résultats des différents modes de scrutins de nos cinq comparses.

2)   Le Scrutin majoritaire uninominal à un tour
Le scrutin le plus connu et utilisé à travers le monde. Son principe est simple : on demande à l’électeur de désigner le candidat qu’il estime être le meilleur, cela compte comme une voix pour ce candidat. À l’issu de l’élection, le candidat ayant rassemblé le plus de voix est élu. Avec ce scrutin, voici les résultats de nos cinq compères :

(Normalement il y a un schéma mais je craint ne pas pouvoir le copier/coller... Mais en gros : Alice = 35 %, Bastien = 2 %, Cannelle = 8 %, David = 30 %, et Émilie = 25 %)
 
Alice gagne donc haut la main !
Cependant, ce scrutin, s’il a l’avantage d’être simple, est-il vraiment représentatif du peuple ? Dans sa capacité à rendre un résultat fidèle au peuple ? Alice correspond-t-elle bien à ce qu’attend la population ? Non, et nous allons lister les différentes raisons de cet état de fait :
- n°1 : On sait que 35 % de la population pense qu’Alice est donc « la meilleure » pour diriger le pays, c’est son score. Mais que pensent les autres à son sujet ? On ne sait rien de la quantité de gens qui déteste Alice. Il est tout à fait possible que les 65 % restant détestent cordialement Alice. Tellement, même, que s’il n’y avait eu que deux candidats dont elle, ces 65 % auraient entièrement votés pour l’autre candidat dans l’espoir de lui faire barrage !
Mais cela n’était pas le cas et ainsi les opposants d’Alice se sont retrouvés dilués entre quatre candidats…
De manière générale, le scrutin majoritaire à un tour ne tiens aucunement compte le part de l’électorat qui est en désaccord avec les candidats. Donc il n’indique pas toute la richesse de la répartition des idées politiques au sein de la population, ce qui est problématique à deux égards. D’abord d’un point de vue théorique : nous aimerions un scrutin qui soit le plus représentatif possible de l’électorat, et qui rende un résultat fidèle à ce dernier, donc qui devrait tenir compte du maximum d’information pertinente possible.
Mais d’autre part, d’un point de vue pragmatique, puisque les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats qu’ils détestent, les candidats se fichent d’être détestés par tout une partie de l’électorat, pourvu qu’ils en fédèrent une assez grande part d’électeurs acquis à leurs idées. Ils ont donc tout intérêt à lancer des propositions démagogiques et irréalisables, il a tout intérêt à faire le buzz puisque ce scrutin rend vrai l’adage « la seule mauvaise publicité est celle qui ne se voit pas ». C’est l’argument n°6 lancé contre l’élection que nous avons évoqué dans la partie sur le tirage au sort. Mais l’argument n°7 est aussi pris en compte : souvent, le matraquage médiatique « fatigue » les électeurs, car plus un candidat est visible, plus sa présence finit par insupporter. Mais comme les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats, ces derniers ne peuvent qu’être gagnants à s’attirer les faveurs de riches soutiens financiers et médiatiques. Nous verrons tout à l’heure qu’il y a des scrutins qui n’ont pas, ou dans une moindre mesure, ce problème.
- n° 2 : David et Émilie, on l’a dit, s’ils sont très différents dans leurs idéologies sur le plan sociétal — David étant un réactionnaire fini et Émilie une progressiste féministe en faveur des droits des LGBT — se revendiquent néanmoins tous deux de la mouvance libérale. Et, d’ailleurs, si on additionne leurs scores, on se rends compte que le camp libéral est majoritaire à 55%. On s’attendrait donc à ce que, si le peuple est majoritairement libéral, se soit un candidat libéral qui soit élu. Ce qui n’est pas le cas ici. Étrange, non ?
- n°3 : En conséquence, on voit que si, au nom du libéralisme, l’un s’était désisté en faveur de l’autre, l’autre en question aurait gagné. Pourtant, David et Émilie sont très différents sur d’autres aspects, et ils avaient le droit de se présenter indépendamment…
- n° 4 : De manière analogue, si l’on rajoute un candidat, Florent, proche idéologiquement d’Alice. Alors Florent et Alice se partagerons les 35% initiaux d’Alice, et David aurait peut-être été élu du haut de ses 30%.
-n° 5 : En conclusion des points 2, 3 et 4, on observe que l’ajout ou le retrait de candidats perdants change l’identité du gagnant ! En termes savants, le scrutin est dit « dépendant aux alternatives non pertinentes », c’est-à-dire que si on propose à l’élection des alternatives — des candidats — qui n’ont aucune chance de se faire élire eux, on peut changer l’identité du vainqueur. Mais c’est absurde ! Pourquoi la présence ou non de candidats perdants devrait-elle changer l’identité du gagnant ?
Rappelons que le but de l’élection dans le régime proposé dans ces pages est de faire élire la personne la représentative du peuple parmi les candidats. Donc en tout logique, si A et plus représentatif que B, il l’est indépendamment de la présence ou non de C lors du vote ! Donc A devrait battre B, peu importe qu’il y ait C ou pas. A doit battre B. Point. Or ce n’est pas le cas dans le scrutin majoritaire à un tour.
Ce n’est pas le cas parce que, quand deux candidats sont proches idéologiquement ou en accord sur certains points, ils se partage leur électorat qui vote donc soit pour l’un, soit pour l’autre : dans notre exemple, les libéraux, pourtant majoritaires, se sont répartis entre deux candidats libéraux ce qui a fait baisser les scores des-dit candidats en diluant les voix libérales et a eu pour conséquence de faire élire une anti-libérale. Par la dilution des voix.
   Il s’est passé la même chose dans la réalité aux États-Unis d’Amérique, lors de l’élection présidentielle de 1992. Elle opposait trois candidats : Bill Clinton du parti démocrate (à gauche), George W. Bush, du parti républicain (à droite), et Ross Perot, un indépendant orienté à droite. On avait donc deux candidats dits « de droite » et un candidat dit « de gauche ». Finalement, les résultats étaient environ : Bill Clinton (gauche) = 43 %, George W. Bush (droite) = 37 %, et Ross Perot = 20%)

                     
Donc, on le voit, les résultats indique une majorité d’électeurs « à droite », à 57 %, pourtant, du fait que la droite ait été représentée par deux fois plus de candidats que la gauche, ses électeurs se sont retrouvés répartis, diluant leurs voix et faisant ainsi gagner le candidat « de gauche ».
Voilà qui est bizarre : une population plutôt de droite qui élit un président de gauche ! À cause de la dilution des voix lorsque deux candidats sont trop proches ou en accord sur certains points…
- n°6 : Pour tenter d’éviter ce phénomène, certaines personnes, qui pourtant pourraient avoir des choses à apporter au débat politique, refusent de se présenter à l’élection, et préfèrent soutenir un autre candidat, différent d’elles, pour faire barrage à des candidats plus éloignés idéologiquement. Cela muselle donc toute une diversité d’opinions politiques qui sont pourtant tout à fait légitimes à s’exprimer et pourraient apporter une richesse au débat d’idée. Plus généralement, les personnes vont se rassembler en « partis politiques » et vont faire taire leurs divergences dans le but d’accumuler des voix. Et en faisant cela, elles réduisent la diversité du débat en taisant des alternatives, obligeant les électeurs à faire des concessions pour voter, et s’obligeant à défendre une idéologie préétablie, celle de leur parti.
- n° 7 : Imaginons Sylvain, électeur libéral à notre élection fictive. Sylvain qui préférerait voter pour Émilie, voit pourtant l’autre candidat libéral, David, talonner Alice dans les sondages. Il se dira sûrement que, quitte à avoir un élu anti-immigration et conservateur, au moins qu’il soit libéral, comme lui ! Et donc ne votera pas pour Émilie, mais pour David dans l’espoir qu’il batte Alice. C’est ce qu’on appelle le « vote utile ». Quand les électeurs ne votent pas comme ils aimeraient voter, mais se restreignent aux candidats qu’ils détestent le moins parmi ceux qui ont une chance de l’emporter. Ce qui rompt encore la représentativité du vote et la fidélité de l’élection par rapport à ce que pense vraiment la population.
- n° 8 : Enfin, dernier point à charge contre ce scrutin, en se regroupant en un nombre restreint de partis politiques défendant des idéologies préformatées, et en demandant aux électeurs de ne désigner que l’unique personne qu’ils estiment leur correspondre, et pire encore : en comptant la personne comme une « voix » désincarnée, lors du calcul des résultats, comptant les gens comme des « électeurs de » tel parti. Ce système oblige les citoyens électeurs à « choisir leur camp », camp auquel ils seront identifiés comme à une sorte de clan. Ce système pousse les électeurs à s’identifier à leur clan politique comme à une appartenance fixe, ce qui les empêche de réfléchir convenablement, de prendre du recul par rapport aux idéologies.
De plus, comme les partis politiques et les idéologies qu’ils proposent sont peu nombreux, et que les gens sont amenés à s’identifier à eux, ils s’imprègnent de l’idéologie de leur camp, et se mettent à la défendre contre toute raison. Pire encore : les partis étant peu nombreux face à la diversité des questions politiques : économie, immigration, droit des femmes, mariage, famille, avortement, cannabis, bioéthique, environnement, terrorisme, communautarisme, LGBT, sécurité, toutes les questions géopolitiques… Les questions sont si nombreuses et les partis et leurs idéologies si peu nombreux, que la nuance devient impossible, les idéologies des partis se mettent alors à s’opposer en tout point, sans jamais qu’aucune nuance ne soit possible, devenant alors des caricatures d’elles-mêmes. On le voit aux États-Unis où il n’y a que deux partis : pour chacun des thèmes cités, les deux partis s’opposent, l’un étant pour, l’autre contre, et si vous avez un avis nuancé, vous n’avez personne pour qui voter. Le scrutin majoritaire divise donc la société en formant des clans irrationnels de plus en plus opposés les uns envers les autres.

   Donc le scrutin majoritaire à un tour est très mauvais et insuffisant, et il faut donc en chercher un autre. Précisions que, à l’exception du premier défaut soulevé, les six suivants sont tous liés au fait que le scrutin majoritaire à un tour est, rappelons le terme savant, dépendant aux alternatives non pertinentes.

3)   Le Scrutin majoritaire uninominal à deux tours
   Si au lieu d’élire directement Alice, on organisait un second tour où les électeurs devraient choisir entre les deux candidats ayant eu le plus voix au premier. Ainsi, Alice et David seraient tous les deux au second tour. Et Alice étant détestée, David l’emporterait en ralliant à lui les autres électeurs. En plus, David et libéral, ce qui correspond à la population sur le plan économique. C’est miraculeux : on a rétabli la fidélité du scrutin !
Eh bien non enfaite… Parce que cela ne résout pas les défauts du scrutin à un tour. Les 8 plaies du scrutin majoritaire à un tour sont toujours retrouvées dans le premier tour du scrutin à deux :
   Un exemple flagrant est celui de l’élection présidentielle française de 2002, lors du premier tour de celle-ci, Jacques Chirac était arrivé en tête avec 19,88 %, mais à la surprise générale, au lieu de Lionel Jospin, le candidat socialiste, ce fut Jean-Marie Le Pen qui arriva second avec 16,86 % des voix, L. Jospin, lui, arriva juste derrière avec 16,18 % des voix. Or, Lionel Jospin, d’après les sondages, aurait battu J. Chirac s’il était parvenu au second tour. On attribue souvent — à raison, au vu du fonctionnement de ce scrutin — la défaite de Lionel Jospin à des petites candidatures à gauche, notamment celles de Jean-Pierre Chevènement, qui avait recueilli quelques 5,33 % des voix, et Christiane Taubira, avec 2,32 %. Si ces candidats ne s’étaient pas présentés, une partie de leurs électeurs auraient alors voté pour le candidat socialiste, ce qui l’aurait fait passer au second tour, après quoi il aurait pu battre J. Chirac comme le prédisaient les sondages.
Donc le premier tour de ce scrutin est toujours dépendant aux alternatives non pertinentes. Ce qui conduit inexorablement pour les électeurs à devoir mettre en place des stratégies de vote utile.
   On l’a vu avec l’élection présidentielle française de 2017, où, par peur d’un duel au second tour entre les deux candidats conservateurs François Fillon et Marine Le Pen, tout un pan de l’électorat français progressiste a voté massivement pour le principal candidat progressiste : Emmanuel Macron, alors qu’ils auraient peut-être aimé voter pour Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, voire pour Nathalie Arthaud ou Philippe Poutou. Ils ont donc pratiqué le vote utile, par crainte d’un duel entre François Fillon et Marine Le Pen, les deux candidats conservateurs…
De la même manière, les électeurs en accord avec Nicolas Dupont-Aignan, ou François Asselineau, ont massivement voté « utile » pour Marine Le Pen, le principal candidat souverainiste. Ils votent donc « utile », comme le dans le scrutin à un tour, la seule différence avec ce dernier, c’est qu’au lieu de voter utile pour « élire » un candidat, ils votent utile pour le faire « passer au second tour » …

   En conclusion, le premier tour du scrutin à deux tours est toujours dépendant aux alternatives non pertinentes. Il nous faut donc nous mettre en quête d’un autre scrutin.

4)   Le Vote alternatif
   Mais on peut faire la remarque que cette dépendance aux alternatives non pertinentes existe parce que, lors du premier tour de scrutin, on élimine plusieurs candidats d’un coup, ce qui fait qu’on a donc balayé d’un coup plusieurs candidats libéraux, plusieurs candidats de gauche, plusieurs candidats conservateurs, etc... Or, si l’on n’avait éliminé qu’un seul candidat, celui avec le moins de voix, alors ses électeurs se seraient reportés sur d’autres candidats proches idéologiquement, et on aurait pu à nouveau éliminer le candidat avec le moins de voix, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.
En n’éliminant qu’un candidat à la fois, on peut penser que le scrutin sera plus robuste aux alternatives non pertinentes car on n’élimine qu’un candidat libéral à la fois, qu’un candidat de gauche à la fois, etc… Et leurs électeurs pourront donc se reporter sur les candidats restant proches idéologiquement.
Ce scrutin semble absolument infaisable : s’il y a 11 candidats, cela veut dire qu’il faudrait faire 10 tours pour élire le gagnant… Impossible !
Eh bien si enfaîte, et on peut même tout faire en un seul tour ! il suffit de demander aux électeurs dans leurs bulletins, non pas de désigner uniquement le meilleur candidat selon eux, mais de classer les candidats de celui qu’ils préfèrent à celui qu’ils aiment le moins ou détestent le plus. Ainsi, un bulletin ressemblerait, par exemple, à ça :
1.   Cannelle
2.   Bastien
3.   Alice
4.   Émilie
5.   David
Au début, pour simuler le premier tour, on ne prend en compte que le candidat n°1 sur les bulletins, et on calcule leurs scores comme dans un scrutin majoritaire classique. Puis on élimine le candidat avec le moins de voix, et on raille son nom sur tous les scrutins, après quoi on attribue les bulletins l’ayant mis en tête aux candidats se trouvant en deuxième position. On recalcule ensuite les scores des quatre candidats restant en tenant compte des reports de voix des électeurs qui avaient mis le candidat perdant en tête. Puis on ré-élimine le candidat parmi les quatre à avoir le moins de voix, et on continue ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une seule personne.
   Ce scrutin semble intéressant, et il l’est pour la raison évoquée plus haut, du fait qu’il n’élimine qu’un candidat à la fois mais il peut quand même amener à des bizarreries :
Prenons un exemple avec d’autres candidats fictifs : Gabrielle, Hugo et Isabelle. Supposons que l’électorat se partage très simplement comme suit :
34 % : Gabrielle > Hugo > Isabelle (n°1 : Gabrielle, n°2 : Hugo, n° 3 : Isabelle)
32 % : Hugo > Isabelle > Gabrielle
34 % : Isabelle > Hugo > Gabrielle
Avec seulement 32 % des voix, Hugo est le candidat ayant fait le moins bon score, il est donc éliminé, et ses électeurs se reportent sur Isabelle, qui l’emporte donc sur Gabrielle avec 66 % contre 34.
Mais imaginons que la campagne électorale ait été différente. En particulier, imaginons qu’Isabelle, la gagnante, ait fait une encore meilleure campagne et ait réussi à convaincre encore plus de ses électeurs potentiels d’aller voter, gagnant ainsi 3 %. A contrario, Gabrielle, elle, a fait une moins bonne campagne, ses voix sont moins nombreuses : elle perd 3 % par rapport à la première simulation. On a donc :
31 % : Gabrielle > Hugo > Isabelle
32 % : Hugo > Gabrielle > Isabelle
37 % : Isabelle > Hugo > Gabrielle
Cette fois-ci c’est Gabrielle qui est éliminée. Logique, puisqu’elle a fait une moins bonne campagne, elle a mobilisé moins d’électeurs. Mais ce que l’on remarque, c’est que ses électeurs, en conséquence, se reportent sur Hugo ! Et par conséquent c’est Hugo qui gagne avec 63 % contre 37 pour Isabelle !
Isabelle est donc perdante alors qu’elle a fait une meilleure campagne ! Ce qui est complètement absurde ! Le Vote alternatif a donc comme conséquence que, lorsque l’on progresse dans l’opinion publique, on peut régresser dans le classement final, ce qui est absurde ! Et on peut se demander s’il n’y a pas un scrutin qui ne présente pas ce défaut.

5)   Le Scrutin de Condorcet
   Bien… Donc qu’on élimine plusieurs candidats d’un coup, ou qu’on n’en élimine qu’un seul à la fois, cela donne un scrutin qui présente quand même des défauts… Mais une chose est intéressante à remarquer : nous avons pointé du doigt les défauts des premiers tours du scrutin à deux tours et du vote alternatif (bien que, techniquement, il n’y ait qu’un seul « tour » au vote alternatif, je veux parler des étapes où l’on élimine des candidats). Mais, in fine, le denier tour de scrutin à deux tours et la dernière étape du vote alternatif, où il n’y a plus que deux candidats : les deux « finalistes », sont-elles exemptes de défaut ?
   Eh ben… Oui. De façon surprenante, les sept premières plaies du scrutin à un tour ne s’appliquent pas à un duel entre seulement deux candidats ! En effet, s’il n’y a que deux candidats, le point n°1 consistant à dire qu’il est dommageable de ne pas exprimer ce que l’on pense de tous les candidats, et de se retreindre juste à indiquer le candidat que l’on préfère parmi les candidats présents n’est pas vraiment dérangeant car, dans la mesure ou il n’y a que deux candidats, indiquer celui que l’on préfère suffit pour signifier que l’on pense que l’autre est moins bon. Il n’y a pas de troisième candidat à qui comparer le second, donc se contenter d’indiquer que l’on préfère le premier au second suffit.
Les points n°2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont liés à la dépendance aux alternatives non pertinentes, soit parce qu’ils en sont une partie du mécanisme, soit parce qu’ils en sont la conséquence. Or, lors d’un duel, il n’y a pas d’alternatives non pertinentes, car il n’y a que deux choix. On peut donc juger si la population préfère A à B ou B à A de façon purement indépendante de l’existence de C.
De plus, le problème soulevé dans la partie précédente sur le vote alternatif, selon lequel lorsque l’on progresse dans l’opinion, on peut régresser dans le classement final, n’existe pas quand il n’y a que deux candidats. En effet, si A progresse dans l’opinion, alors il ne peut que récolter plus de voix et ces voix gagnées ne pourront que l’aider à battre B, en augmentant son score face à ce dernier.
   Mais alors, faut-il restreindre l’élection à seulement deux candidats ? Non, bien évidemment. Mais on peut faire en sorte de n’avoir que des duels avec plus que deux candidats. C’est la méthode proposée par le marquis Nicolas de Condorcet. La méthode marche comme suit :
Dans leurs bulletins de vote, les électeurs classent les candidats du premier au dernier, de celui qu’ils préfèrent à celui qu’ils aiment le moins ou détestent le plus. On obtient un bulletin de vote similaire à celui du vote alternatif, à ceci près que, pour le scrutin de Condorcet, les électeurs peuvent mettre plusieurs candidats au même niveau, à égalité. Par exemple, pour notre élection fictive avec nos cinq candidats, ils peuvent mettre :
1.   Cannelle
2.   Bastien
3.   Alice & Émilie
4.   David
Une fois avoir dépouiller tous les bulletins, pour « simuler » un duel entre deux candidats, il suffit de prendre le candidat le mieux classé parmi les deux dont on veut faire le duel, le bulletin compte comme une voix pour ce candidat, dans le duel contre l’autre. Ainsi, dans l’exemple de ce scrutin, lors du duel entre Alice et Bastien, le bulletin présenté à l’instant compte comme une voix pour Bastien, car l’électeur de ce bulletin préfère Bastien à Alice, dans le duel « Alice contre Bastien » il aurait voté pour Bastien. Mais lors du duel entre Alice et Émilie, ce bulletin compte comme un vote blanc, ou une égalité, car l’électeur de ce bulletin estime que, pour lui, Alice et Émilie se valent, il n’a pas de préférence pour l’une ou pour l’autre.
Une fois tous les duels faits, le candidat qui est élu est le candidat qui a gagné tous ses duels, notez bien, tous ses duels, pas juste « le plus de duels », mais bien tous ses duels.
   L’idée de ce scrutin est simple, elle se base sur le principe très élégant qui veut que « Si un candidat est préféré à un autre par une majorité d’électeurs [quand ils sont confrontés l’un contre l’autre, en duel], alors il doit le battre dans le classement final de l’élection », en conséquence, celui qui bat tous les autres, ne peut être qu’élu.

   Ce scrutin possède une qualité que très peu de scrutins ont : du fait qu’il considère des duels, il est l’un des très, très rares scrutins, pour ne pas dire le seul, à être enfin indépendant aux alternatives non pertinentes. En effet, reprenons l’exemple de notre élection fictive, si Florent, proche idéologiquement d’Alice, se présente à l’élection, alors, au scrutin majoritaire, à un tour ou deux, lui et Alice se partageront leurs voix et leur électorat ; mais au scrutin de Condorcet, lors du duel entre Alice et Bastien, par exemple, la présence de Florent à l’élection ne change pas le résultat d’Alice ou de Bastien, les électeurs qui préfèrent Alice à Bastien continueront de mettre Alice avant Bastien et inversement. Donc la présence ou non de Florent ne change pas les résultats pour les autres candidats entre eux. Par conséquent si, parmi ces cinq candidats, il y en a un ou une qui remporte tous ses duels, alors il ou elle continuera de remporter tous ses duels, qu’il y ait Florent ou pas, car il ne compte pas lors des duels qui ne le concerne pas. Et cette dernière phrase vaut pour chaque candidat qui se présenterais. Donc deux candidats proches idéologiquement peuvent tout à fait se présenter individuellement sans craindre de se gêner l’un l’autre par dilution des voix.
   En outre, comme il ne demande pas de désigner le meilleur candidat selon nous et de nous y restreindre, mais d’indiquer la liste complète et subtile de nos préférences, bien que, dans le calcul des résultats, certes, chaque électeur est compté comme une voix désincarnée pour le candidat qu’il préfère sur les deux lorsqu’on calcule les résultats de leur duel, mais comme il n’est fait que des duels, la voix de l’électeur n’est pas comptée systématiquement comme une voix pour le même candidat. Tout cela fait que, du coup, le scrutin de Condorcet ne demande pas aux gens de « choisir leur camp », et ne les identifie pas à un clan idéologique. Combiné au fait que, en l’absence de vote utile, tout candidat peut se présenter, offrant ainsi une offre politique bien plus riche et diversifiée que dans les scrutins majoritaires, cela permet alors aux électeurs de ne pas se retrouver enfermer dans une idéologie caricaturale, et d’avoir une pensée politique bien plus riche que « moi je vote pour tel parti ».
   Enfin, le principe sur lequel il se fonde est très élégant : si un candidat est préféré à un autre, il doit être prioritaire pour se faire élire. Donc celui qui est systématiquement préféré à tous les autres, lorsqu’on les compare deux à deux, est prioritaire sur tous les autres pour être élu, il doit donc être élu.

   Malheureusement — car en ce bas monde, rien ne va jamais sans un souci — Il se peut qu’il n’y ait pas de candidat battant TOUS ses adversaires. En effet, si A bat B, que B bat C mais que C bat A, ce qui tout à fait possible, alors le vote ne permet pas de rendre de résultat satisfaisant.
   Et il y a aussi un autre « problème » avec ce scrutin, qui rebute plus d’une personne à l’adopter : Imaginez un électeur « de droite », libéral et conservateur, et une élection à trois candidats : un de gauche, un de droite, et un centriste. L’électeur va donc rendre un bulletin comme suit :
Candidat de droite > centriste > candidat de gauche
Donc dans le duel entre la gauche et le centre, il votera pour le centre pour faire barrage à la gauche. Or, un électeur de gauche, lui, rendra un bulletin comme ça :
Candidat de gauche > centriste > candidat de droite
Ce qui revient à dire que dans le duel entre la droite et le centre, ce dernier électeur votera pour le centre dans l’espoir de faire barrage à la droite…
   Et on voit ici ce qui rebute beaucoup : dans le duel Centre/Droite, l’intégralité de la gauche votera pour le centre pour faire barrage à la droite, et dans le duel Gauche/Centre, l’intégralité de la droite votera pour le centre dans l’espoir de faire barrage à la gauche. Donc le Centre est fortement avantagé dans ce scrutin… Et au niveau national, où la gauche et la droite sont toujours plus ou moins à égalité, un tel scrutin amènerait très souvent à l’élection d’un candidat centriste, parce l’intégralité de la droite aura fait barrage à la gauche et l’intégralité de la gauche aura fait barrage à la droite. Le centre peut donc se retrouver élu, mais élu « par défaut » alors qu’n lui-même, le centre n’est pas très apprécié…
   Je tiens cependant tout de suite à apporter une réponse à cette critique : si ce raisonnement se vaut pour le nveau national, n’oublions pas que nous cherchons ici à élire un parlement, donc une assemblée de plusieurs personnes, nous allons donc diviser le pays en plusieurs petites circonscriptions et chacune votera pour élire son parlementaire qui siégera au parlement. Or, ce raisonnement n’est pas aussi valable au niveau d’une petite circonscription. En effet, ce n’est pas le candidat « centriste » qui est élu, mais le candidat « au centre de l’électorat », or, si l’intégralité de l’électorat se répartis entre le centre-gauche et l’extrême gauche, le vainqueur selon la méthode de Condorcet sera un candidat simplement « de gauche » !
Et si ce cas de figure n’est jamais retrouvé au niveau national, où droite et gauche sont toujours à peu près égales, il n’en va pas de même à des échelles plus locales, par exemple : dans les terres ouvrières, qui étaient historiquement socialo-communistes, la majorité des électeurs se répartissent entre le centre-gauche et l’extrême gauche, ou encore les centres-villes des grandes métropoles, et leurs électorats plus libéraux... Donc le vainqueur selon Condorcet est le candidat au centre de l'électorat, or l'électorat dépends de la sociologie, et la sociologie dépends de la géographie ! Donc si on utilise ce scrutin, non pas pour une élection nationale, mais pour l'une des chambres du parlement, en divisant le pays en circonscriptions, on n’aurait pas forcément une majorité de centristes.
   Et j’aimerais aussi apporter un autre élément de réponse : ce fait pour le scrutin d’élire le candidat central de l’électorat s’applique enfaite à tout les paramètres qui font qu’un candidat peut être à la fois aimé et détesté, dont sa tendance à la démagogie et au mensonge ! En effet, un candidat qui fait beaucoup de déclarations irréalistes va avoir tendance à s’attirer la sympathie d’un électorat très polarisé, mais il se fera rejeter par tous les autres électeurs. Mais cette stratégie, si elle est favorisée par le scrutin majoritaire (encore une fois : au scrutin majoritaire, comme les électeurs ne peuvent pas pénaliser les candidats qu’ils détestent, la seule mauvaise publicité est celle qui ne se voit pas), est par contre sanctionnée de façon extraordinairement sévère par le scrutin de Condorcet. Car si un candidat s’attire lance polémiques sur polémiques, il s’attirera peut-être les faveurs de 10, 20 voire 30% des électeurs, mais le dégoût et la détestation de 60, 70 voire 80 % d’autres électeurs, ce qui le desservira plus qu’autre chose. C’est l’argument n° 6 en faveur du tirage au sort, et cet argument s’applique aussi à l’élection au scrutin de Condorcet
   Et il en va de même pour un candidat qui ne polémique pas spécialement, mais qui, du fait d’une campagne électorale trop forte, trop envahissante parce qu’il y aura investi trop d’argent, fait que certains électeurs vont en avoir de marre de lui et il va baisser dans l’opinion. Ce qui va le desservir lors du vote. On voit donc que le scrutin de Condorcet permet de réguler naturellement le problème des campagnes électorale réservées aux riches et à ceux qui mènent des politiques favorisant de riches donateurs et obéissants à l’idéologie de détenteurs de grands médias. Avec le scrutin de Condorcet, une campagne électorale trop soutenue, trop envahissante, car trop financée et trop médiatisée, peut être sanctionnée par les électeurs. C’est cette fois-ci l’argument n° 7 en faveur du tirage au sort, qui s’applique aussi à l’élection au scrutin de Condorcet

   Bien, mais cela ne règle pas le premier problème évoqué : si A bat B, que B bat C mais que C bat A. Il n’y a tout simplement pas de vainqueur. N’y a-t-il pas alors un autre scrutin qui serait capable de rendre un résultat, tout en étant aussi bon que le scrutin de Condorcet ?

6)   Le Vote par moyenne
   Après avoir vu plusieurs scrutins, on remarque que l’on ne s’est intéressé qu’aux scrutins qui demandaient aux électeurs de classer les candidats, or il n’y a pas que ces scrutins-là. En effet certains scrutins ne demandent pas de classer les candidats, en indiquant ses préférences, mais de les noter individuellement et indépendamment sur une échelle de 0 à 10, ou 0 à 20.
Or, ces scrutins peuvent représenter une excellente alternative aux scrutins où l’on classe les candidats. Car ils ne sont pas soumis à un théorème bien connu des mathématiques des scrutins : le théorème d’impossibilité d’Arrow, développé par l’économiste américain Kenneth Arrow. Ce théorème énonce, de manière simplifiée, la chose suivante : « Il n’existe aucun scrutin basé sur l’agrégation des préférences individuelles qui soit en même temps :
- Universel : c’est-à-dire qu’il soit toujours capable de rendre un résultat.
- Non-dictatorial : aucun bulletin ne va, dans le calcul des résultats, primer sur tous les autres.
- Unanime : si tout le monde préfère un candidat, s’il y a unanimité pour élire ce candidat, alors le candidat est sûr d’être élu.
- Indépendant aux alternatives non pertinentes. »
   En effet, si tous les scrutins présentés ici remplissement bien les critères de non-dictature et d’unanimité, le scrutin de Condorcet est le seul à être indépendant aux alternatives non pertinentes, mais cette indépendance se fait au prix du premier critère : l’universalité. En effet, le Scrutin de Condorcet peut ne pas en rendre de résultat : dans le cas où A bat son duel contre B, où B bat C mais où C bat A, il n’existe pas de vainqueur, le scrutin de Condorcet n’est donc pas « universel », contrairement aux autres scrutins.)
Et avoir un scrutin qui remplirait les conditions d’universalité et d’indépendance aux alternatives non pertinentes ne pourrait se faire qu’en sacrifiant l’unanimité, c’est-à-dire qu’un candidat pourrait perdre alors que tous le monde le préfère aux autres, on la non-dictature, c’est-à-dire que le scrutin pourrait prendre au hasard un bulletin parmi tous et se conformer à cet unique bulletin, négligeant les autres. Ce qui serait encore plus absurde !
   La démonstration du théorème ne sera pas affichée ici car elle fait intervenir des mathématiques techniques et contient quantité de « lemmes », c’est-à-dire des démonstrations intermédiaires qui produisent des conclusions dont on se servira pour faire la démonstration finale. Donc le « Théorème d’impossibilité d’Arrow » devrait plutôt s’appeler la « Série des théorèmes d’impossibilité d’Arrow ».

   Néanmoins, bien que ce théorème soit démontré et valide, la démocratie n’est pas perdue. Car ce théorème concerne les scrutins où l’on classe les candidats, pas où on les note individuellement sur une échelle absolue.
Mais une fois que tous les électeurs auront noter les candidats, comment agréger en une seule note l’intégralité de celles qu’aura reçus un candidat de la part de tous les électeurs ? La première méthode à laquelle on pense est bien sûr la moyenne. On demande donc à chaque électeur de noter l’ensemble des candidats, puis, après avoir fait la moyenne des notes qu’auront reçus les candidats, celui avec la meilleure note moyenne est élu.
Cette méthode peut paraître très rebutante, car on ne s’imagine pas « noter » les candidats d’une élection. Ce sentiment qui nous est inspiré vient du fait que nous sommes trop habitués à nos très mauvais scrutins majoritaires uninominaux, bien au-delà de la raison. Pourtant, la note sur une échelle numérique est actuellement utilisée pour évaluer les compétences des élèves dans le cadre scolaire, alors pourquoi pas la représentativité et les compétences d’un candidat ? Ajoutons que la note scolaire permet aussi aux universités de choisir, « d’élire », car élire est un synonyme de choisir, les élèves de lycée assez méritants pour y entrer par le biais de leurs notes. Donc ce système de choix, d’élection par la note, est déjà utilisé en dehors de la politique.
De plus, en ce qui concerne son application en politique, il faut se rappeler que cette méthode avait déjà été proposé par le mathématicien français Jean-Charles de Borda, en 1770 ! 1770, c’est-à-dire bien avant l’indépendance des États-Unis d’Amérique, et presque cinquante ans avant la révolution française. A une époque où il n’existait aucune démocratie, ne serait-ce « qu’indirecte », en occident. A cette époque, quasiment aucun système d’élection n’était donc mis en place, car il n’y avait que des monarchies en Europe, et nos scrutins majoritaires uninominaux que nous avons tendance à considérer comme la norme, parce que nous ne nous sommes jamais posé la question, semblaient tout aussi fantasques ! Voire plus, car les défauts du scrutin majoritaires, en termes de vote utile, sont évident pour quiconque se y réfléchie un peu. Donc il faut savoir dépasser nos sentiments vulgaires, primitifs et irrationnels et se pencher sur les avantages de la méthode de la note moyenne.
   Ce système est très intéressant car il permet une représentation bien plus riche de ce que penses les électeurs. En effet, pour reprendre l’exemple de l’élection fictive de nos cinq candidats, le bulletin suivant « Cannelle > Bastien > Alice = Émilie > David » trouvable dans le scrutin de Condorcet, dit que, par exemple, cet électeur préfère Cannelle à tous les autres, mais il ne dit pas s’il « aime » vraiment Cannelle ou s’il vote pour elle par défaut, plus pour faire barrage aux autres que par véritable adhésion pour ses idées. Il ne dit pas non plus à quel point il préfère Cannelle aux autres, peut qu’il trouve Bastien presque aussi bien que Cannelle, ou alors qu’il estime que Cannelle est très loin devant tous les autres. Le scrutin de Condorcet de permet pas d’expliciter « l’intensité de la préférence », l’écart entre les candidats dans l’estime de l’électeur, il ne fait qu’indiquer l’ordre de préférence sans préciser la distance entre eux. Alors que le bulletin : « Cannelle : 17/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » indique bien que Cannelle est très loin devant tous les autres, et se distingue bien de « Cannelle : 13/20, Bastien : 12/20, Alice : 7/20, Émilie : 7/20 et David : 4/20 » alors que l’ordre de préférence est le même, mais dans ce second bulletin, Cannelle est juste devant Bastien, elle n’est plus loin devant tout le monde.
Mais plus intéressant encore que « l’intensité de la préférence », qu’indique le vote par moyenne que n’indiquent pas votes par classement, il indique aussi « l’intensité de l’adhésion » du vote. En effet, il y a une grosse différence
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Partie I. Le Référendum d’initiative citoyenne

   Condition fondamentale d’un État le plus démocratique possible à l’échelle d’un pays, l’instauration du référendum d’initiative citoyenne — que l’on abrégera par la suite en RIC — constitue l’unique paramètre nécessaire et indispensable à un processus de démocratisation digne de ce nom au niveau national. En effet, il permet aux citoyens de faire entendre leurs volontés et permet donc d’encadrer les représentants. Un régime représentatif couplé au RIC est ce que l’on appelle traditionnellement une « démocratie semi-directe ». Car si des représentants sont indispensables, le Référendum d’initiative citoyenne vient ramener de la démocratie directe.
Concrètement, il permet, si un certain nombre de citoyens signent une pétition, d’enclencher un référendum sur une question posée, celle-ci pourrait concernée la promulgation ou l’abrogation d’une loi, au niveau législatif, donc ; mais aussi la prise ou l’annulation d’une mesure du pouvoir exécutif, voire la mise en place d’une orientation politique globale dans un domaine précis. Voire, de modifier la constitution, car, après tout, le peuple a le droit de choisir dans quel type d’État il souhaite vivre.

   Le paragraphe précédent soulève cependant plusieurs questions intéressantes : combien de signatures seraient nécessaire pour déclencher un RIC ? et surtout : faire un référendum, c’est bien, mais comment être sûr qu’il sera suivi, tout référendum n’est pas contraignant — c’est-à-dire que les responsables politiques sont obligés de suivre son résultat — et même s’il l’est, comment garantir qu’il sera suivi dans son esprit ?
Tout d’abord la question des signatures : en Suisse, il faut réunir 100 000 signatures de citoyens dans une période de 18 mois pour initier un tel référendum. Ce qui constitue environ 1,7 % des citoyens. Si l’on reste sur ce ratio, en France, il faudrait environ 670 000 signatures. Cependant, on peut supposer que 670 000 signatures soient beaucoup plus difficiles à réunir que 100 000 comme en Suisse. On peut donc imaginer un seuil fixé à approximativement 1 % des citoyens, soit environ
400 000 signatures.
L’autre question, ensuite : Une fois un référendum fait, comment faire en sorte que les responsables politiques le suivent ? Pour un Référendum portant sur l’annulation d’un texte de loi ou d’une mesure, c’est assez facile, il suffit d’inscrire dans la loi son aspect contraignant.
Mais cela ne résout pas tout. Car si un référendum abouti, non pas à l’abrogation d’une loi une l’annulation d’une mesure, mais au contraire à l’établissement, à la promulgation d’un texte avec un objectif difficile à quantifier ou à mesurer. Comme par exemple un référendum qui aurait approuvé la proposition « Apposer un droit de douane sur les produits importés », cet objectif n’est pas un texte de loi, c’est une déclaration d’intention. Qu’il faudra, après l’avoir accepté par référendum, transformer en loi via un processus législatif impliquant les parlementaires. Ne serait-ce que pour déterminer le montant de la taxe, si ce montant est différent selon les catégories de produits importés, etc…
Mais comment peut-on être sûrs que les parlementaires, sous couvert d’écrire une loi pour obéir à la décision votée en référendum, ne vont pas la vider de sa substance en y incluant des exceptions, en prescrivant un contexte très particulier à son application… Faisant qu’en définitive, la proportion de produits importés subissant réellement ce droit sera de seulement 20, voire 10 %...
   Pour éviter cet écueil, il est possible d’instaurer un conseil, sorte de « Comité de protection du référendum » constitué des 30 à 60 premiers signataires de la pétition à l’origine du référendum. Ce comité sera chargé de veiller à ce que l’esprit et l’intention du texte voté en référendum, et adapté en loi, soient respectés. Concrètement, il aura le pouvoir de proposer des amendements — des modifications — et des articles de loi au parlement ; mais aussi, et même surtout, d’interdire le vote d’un amendement ou d’un article dans la loi qu’il estimerait allant à l’encontre de son esprit, ainsi que faire annuler une décision du gouvernement s’il estime qu’elle va à l’encontre de la résolution du RIC. Et il pourra aussi émettre une accusation officielle et une assignation en Justice au responsables politiques pour transgression de la Démocratie. La juridiction en question, compétente pour gérer de telles affaires, sera discutée plus tard dans ce texte, car cela relève de la protection de la Démocratie, et c’est une juridiction très particulière et qui doit être très sûre. Mais je préviens qu’il faudra vraiment réfléchir à l’établissement une juridiction indépendante pour protéger les décisions démocratiques. Et cette réflexion sera traité plus tard dans ce texte.
Bien sûr, si un des premiers signataires concernés ne veut pas faire partie de ce comité, ou estime qu’il n’aura pas le temps avec sa vie professionnelle, il a tout à fait le droit de refuser d’en faire partie. Dans ce cas, il sera demandé au 31ème signataire d’en faire partie à sa place — si l’on part du principe que ce comité a 30 membres, le 51ème si on le veut à 50 membres, etc. —et de répéter cette opération pour chaque signataire qui refuserait d’en faire partie. On peut aussi prendre 30 signataires aléatoirement, sans prendre en compte l’ordre de signature de la pétition.
L’intérêt de prendre des signataires, en revanche, est de s’assurer ainsi de prendre des défenseurs de la mesure, des citoyens qui auront plus de chance d’avoir bien compris les enjeux, l’essence et l’esprit du texte voté en référendum.
Notez également que la proposition qui fera l’objet d’un RIC législatif peut aussi directement être un texte déjà complètement rédigé de A à Z, et pas juste une déclaration générale d’intention. Dans ce dernier cas, comme il n’est pas nécessaire d’une procédure parlementaire après sa votation si ce texte est accepté. Néanmoins, dans ce cas-là, le parlement pourra émettre une contre-proposition, sorte de « deuxième option », et les électeurs pourront choisir entre la proposition citoyenne, la contre-proposition parlementaire, et aucune des deux. Ce cas de figure est ce qui se fait la plupart du temps en Suisse, à titre d’exemple.
Enfin, on peut aussi imaginer un système mixte : la proposition citoyenne pourra être un texte partiellement rédigé mais à compléter en procédure parlementaire, selon une déclaration générale d’intention qui sera présentée avec le texte partiel. De ce cas hybride, le parlement pourra émettre une contre-proposition soumise au vote en même temps que la proposition citoyenne, et le reste du texte, si le référendum l’approuve, sera écrit par le parlement, encadré par le comité de protection du référendum.

   En outre, la question du référendum pose la question de « combien de temps la décision reste contraignante », car en effet, imaginons qu’il y a 40 ans un RIC aboutit au rejet d’une mesure quelconque, sans qu’aucun autre référendum n’ait modifié cet état de fait depuis. On peut se poser la question de la légitimité d’un référendum fait il y a quatre décennies, à une époque où une part conséquente des électeurs actuels n’était peut-être pas encore nés. Une durée doit donc être définie durant laquelle la décision est contraignante. Et on peut aussi imaginer que le conseil citoyen dont j’ai fait mention plus haut puisse rester actif pendant toute la période donnée.
Quant à la durée de cette période, quelques années, pas plus. 5 ans, par exemple. Pourquoi 5 ans ? Eh bien… Pourquoi 18 ans pour la majorité ? Pourquoi les IVG sont autorisée à 10 semaines de grossesse et pas à 20 ? Pourquoi il faut avoir 35/40 pour passer réussir le code de la route et pas 34 ou 36 ? Donc c’est arbitraire, mais cela parait une bonne période : en cinq ans le contexte politique aura eu le temps de changer et les mœurs d’évoluer. Et cela offre une période suffisamment longue pour éviter que les élus ne trahissent la décision prise en RIC seulement quelques mois après qu’elle soit prise.

   De plus, abroger ou proposer une loi, ainsi que contraindre le gouvernement à mettre en place ou annuler une mesure exécutive, ne sont pas les seules choses que pourrait faire le RIC. On peut aussi envisager un référendum avec pour objet la modification d’une partie de la constitution. Ce dernier référendum, générateur de plus d’instabilité politique que le premier, nécessitera surement une proportion plus grande de soutiens citoyens pour que sa procédure ne se déclenche, peut-être entre 3 et 5 % des inscrits pour un pays de la tille de la France.
Encore un dernier type de RIC, celui permettant de changer radicalement de constitution, pas juste par une modification ponctuelle, le changement d’un article, ou l’ancrage d’un droit pour le protéger. Mais la mise en place d’une profonde procédure pour changer radicalement les institutions, car les gouvernés ont le droit de décider quel mode de gouvernance sera celui de leur pays. Ce référendum doit pouvoir réunir environ 10 % des citoyens pour le lancer, car il faut vraiment un ras-le-bol général du système en place. Et si ce référendum abouti, il amène à la mise en place d’une procédure collective d’écriture d’une nouvelle constitution. Je ne détaillerais pas la procédure car je m’égarerais trop, mais on peut penser qu’elle fera appel à la mise en place d’un site internet pour que les citoyens puissent débattre de leurs idées, à l’issus de cette phase de débats sur le site, les citoyens voteront et accepteront ou non les propositions des autres citoyens. Puis une assemblée tirée au sort ou élue au mandat impératif seront en charge d’écrire les articles de la constitution en prenant en respectant les points votés sur le site. Puis des juristes tirés au sort traduiront en termes juridiques la nouvelle constitution (leur travail sera surveillé de très près et pourra être empêché par des comités de citoyens tirés au sort) qui sera ensuite votée par le peuple en référendum et approuvée ou non, si elle est approuvée, elle remplace la constitution en place, si elle est rejetée, celle en place est maintenue. Cette partie-là n’est qu’une ébauche qu’il faudra approfondir, voire corriger (notamment sur la question du site internet, qui a tous les défauts cités plus haut) mais constitue une base de réflexion.

   Mais attention : il est question ici de referendum d’initiative citoyenne. En effet, quand celui-ci est initié, non pas par des citoyens, mais par un unique dirigeant politique, comme un président élu ou un Empereur, ce chef charismatique, en posant une question spécifique, n’y attend pas de réponses, enfaite il utilise son charisme auprès de la population, pour faire passer ses idées à lui, et les oindre du sacro-saint assentiment populaire pour leur donner une fausse légitimité. C’est pourquoi on reproche souvent aux référendums de ne pas répondre à la question posée. Et c’est vrai quand ladite question est posée par un chef charismatique, qui utilise sa popularité pour que le peuple, non pas réponde à la question, mais vote dans le sens que veux ledit chef, et en votant comme le chef veux, non seulement cela donne une — fausse — légitimité à son action, mais surtout il va utiliser le résultat de se vote pour l’interpréter comme une approbation générale de sa politique par la population. Dans le cas présent, le peuple ne réponde effectivement plus du tout à la question posée, il se contente d’approuver la politique du chef d’État.
C’est ce qu’il s’est passé en France durant le Consulat et l’Empire, sous Napoléon. Ce dernier utilisait le référendum, à l’époque appelé explicitement « plébiscites », pour faire approuver sa politique par les électeurs. Mais ce fut également le cas au début de la cinquième république, avec Charles De Gaulle, qui proposait en moyenne un référendum tous les deux ans, étant entendu, bien sûr, qui si le peuple refusait sa proposition, il démissionnerait. La question posée n’était donc pas la question officielle du référendum, mais si les gens approuvent ou non De Gaulle. Et comme ce dernier était populaire, il a pu faire passer plusieurs de ses volontés par le plébiscite.
Il faut donc se méfier du référendum d’initiative présidentielle, et même l’interdire. On peut aussi se poser la question des parlementaires, si on imagine un référendum d’initiative parlementaire dont l’initiation nécessiterait un certain nombre de signature de parlementaires, y a-t-il un risque pour que ces derniers utilisent se procéder comme un plébiscite ? Il n’en est pas certains, car la condition de parlementaire est très différente que celle de leader charismatique et chef d’État : les parlementaires se fondent dans la masse de leur assemblée, et si l’initiation parlementaire d’un référendum nécessite la signature de plusieurs parlementaires, alors c’est tout un groupe qui propose ce texte au peuple, il y a donc peu de chance qu’il y ait une notion de plébiscite personnel.
Cependant, ce n’est pas à exclure, un parlementaire particulièrement populaire, comme Clemenceau l’était à son époque, pourrait être membre de ceux à l’initiation de ce référendum et utiliser sa popularité pour le transformer en plébiscite. Dans le doute, mieux vaut surement ne pas jouer avec le feu, et se limiter aux référendums d’initiative populaire.
Ou alors, éventuellement, si deux assemblée ou deux institutions distinctes mais de chacune plusieurs personnes sont en désaccord, et que ce désaccord doit-être régler rapidement sans quoi la situation pourrait aboutir à un blocage politique, alors peut-être un référendum pourra être envisagé pour les départager. Car il n’y aura plus alors une personne qu’il faut approuver, mais deux groupes de personnes en désaccord qu’il faut arbitrer. Ce référendum « d’arbitrage institutionnel » semble peut-être être le seul à pouvoir exister sans trop risquer de devenir un plébiscite. Bien qu’il puisse toujours le devenir si l’une des personnes de l’une ou l’autre institution joue de sa popularité et engage sa responsabilité. Ce texte n’émettra pas de jugement final sur ce point mais laissera au lecteur le soin de méditer lui-même sur la question. Quoi qu’il en soit, cela ne remet pas en cause de référendum d’initiative citoyenne, déclenché par des citoyens lambda, le plus souvent anonymes, qui n’ont donc pas de plébiscite à rechercher.
 
   On a donc vu dans cette partie que le Référendum d’initiative citoyenne est l’institution clef d’un régime aussi démocratique que possible au niveau national. Maintenant, parlons des institutions de responsables politiques qui seront en charge de diriger le pays en représentant les citoyens. En commençant par les pouvoir législatif : le parlement
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Préambule. L’Axiome démocratique : La Démocratie par principe

   Le principe sur lequel est fondé le texte ci-présent, qui tente donc de proposer un État le plus démocratique possible, est qu’une décision légitime est une décision qui consulte toutes les personnes impliquées par ladite décision. La démocratie — sous-entendue directe, donc — étant le régime qui institutionnalise ce principe, elle est, en conséquence, le régime le plus légitime.
Néanmoins, La démocratie « directe » est difficile à mettre en place quand la population devient trop grande, comme c’est le cas à l’échelle d’un pays entier. Car l’ensemble du peuple ne peut se constituer en assemblée. En effet, la démocratie nécessite la participation directe de l’ensemble des citoyens dans chaque décision prise par l’État, chaque loi, chaque règlement — acte du pouvoir exécutif — chaque décret, devra être voté par le peuple et doit donc, idéalement, faire l’objet d’un vote article par article. Tout en sachant qu’un tel vote demande plusieurs semaines — au moins — de débat publique pour que les citoyens puissent avoir un avis éclairé, réfléchi et rationnel sur la question posée, et qu’un simple arrêté ministériel peut facilement avoir plusieurs dizaines d’articles. Cela paraît donc impossible.
Une manière de pallier ce problème est de proposer plusieurs questions quotidiennes sur un site internet du gouvernement, ainsi, il suffira aux citoyens de se connecter tous les jours et répondre à ces questions pour participer à l’orientation politique du gouvernement. Ce n’est pas une idée inintéressante. Mais elle ne résout pas tous les problèmes, bien au contraire : la réponse à ces questions nécessite souvent un temps de réflexion et de débat pour être réfléchie et rationnelle, ce qui n’est pas possible avec un sondage quotidien. Mais il ne doit pas consister en plus d’une question par semaine, voire par mois, pour être sûr que les personnes qui répondent aient pu avoir le temps de réfléchir correctement à la question posée, mais aussi que le maximum de personnes s’y soient connectées, car tout le monde n’a pas toujours le temps de se connecter quotidiennement sur un site internet. Mais une question toutes les quelques semaines ne permet pas de mener une politique gouvernementale et de gérer les affaires courantes quotidiennes, encore moins une par mois.
De plus, quid des gens n’ayant pas accès à internet ? Car il y en a toujours, même aujourd’hui.
Et quid aussi, et même surtout, des tentatives de piratage contre lesquelles un tel système devra en permanence être protégé !? Il est certains que ce système sera la cible régulière des pirates, et il est impossible qu’au long terme, toute ces tentatives aient toujours échoué. Et il est évident que ce site internet sera la cible régulière des attaques, dont tôt ou tard l’une d’entre elle réussira. Et ces attaques ne viendront pas forcément de pirates particuliers voulant faire adopter leurs idées, ou voulant troller en faisant adopter des décisions mauvaises, voir à l’évidence stupides, je crains beaucoup plus des attaques venues de services informatique étrangers. En effet, on a vu en 2015 que même les États de Droits comme les États-Unis d’Amérique n’hésitaient pas à espionner les dirigeants des pays alliés en les mettant sur écoute, comme ils ont fait avec la chancelière allemande Angela Merkel. Imaginez donc ce qu’ils pourraient faire, et ce que pourraient d’autres pays aux gouvernements moins attachés au Droit comme la Russie, si un pays comme la France, le Japon, la Suisse ou l’Italie mettait à disposition de leur population un site internet pour prendre des décisions politiques, parfois d’importance mondiale ?
   Il parait donc nécessaire d’avoir des responsables politiques si l’on veut garder un État à l’échelle nationale. Et de mêler démocratie directe et régime représentatif.
   En fait, il s’agit de tenter d’instaurer le régime le plus démocratique qui soit, tout en préservant des institutions stables — qui puisses durer dans le temps — et capables de prendre des décisions réfléchies et efficaces, avec un gouvernement représentatif mais qui sera encadré par la démocratie et qui sera aussi le plus fidèle que possible à la population dans sa constitution. Et c’est ce que nous tenterons de voir dans les pages qui suivent.
   Notez tout de même que ces problèmes se posent au niveau national, mais moins, voire presque pas, à des échelles beaucoup plus locales. Et la démocratie au niveau local pose donc moins de problématique qu’au niveau national. Elle sera d’ailleurs abordée en dernière partie de ce texte, car je tenterais aussi de proposer des institutions locales.
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C'est vrai c'est vrai... J'y avais pensé mais j'ai pas voulu copier/coller tout le texte d'un bloc et le mettre ici parce que j'ai penser que ce serait trop gros pour un seul post. Mais le mieux est encore que je le fasse en plusieurs fois : un post par partie.
Il y a un total de 11 parties (une partie sans nom au début qui sert vaguement d'introduction, un préambule, puis 6 parties proprement dites, deux addenda et enfin une page consacrée à des références et des liens pour aller plus loin) donc je vais publier 11 postes à la chaîne (celui-ci inclus). Donc c'est pas du spam, c'est juste mon travail tout restitué d'un bloc ^^'

Je poste ici le sommaire et « l'avant propos » (la partie sans nom qui sert d'intro) :

Sommaire :
Avant-propos
Préambule. L'Axiome démocratique : La Démocratie par principe
Partie I. Le Référendum d'initiative citoyenne
Partie II. Le Parlement
Partie III. Le Gouvernement et ses rapports avec le parlement : le type de régime
Partie IV. Du Pouvoir judiciaire : Constitution, qui l’interprète et la protège ? Et de quelles dérives se méfier ?
Partie V. Du Pouvoir judiciaire : Juger les élus, la Justice au service de la Démocratie
Partie VI. Les Institutions au niveau local
Addendum I. La Question du Chef de l'État
Addendum II. Le problème de la démocratie : l'éducation populaire
Références, et pour aller plus loin


Avant propos :

   Nous ne sommes pas en Démocratie. Cette phrase n’est pas là pour lancer une polémique populiste ou anarchiste, elle est tout simplement factuelle, mais attention : il n’est pas question ici de jugement de valeur ! Cette phrase ne livre pas un jugement moral, elle décrit simplement un fait véridique : le régime français actuel n’est pas basé sur le principe de la « Démocratie » tel qu’on l’entendait de l’antiquité jusqu’à la révolution française, mais sur celui du « Régime représentatif ». Dans une « Démocratie », le peuple, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, exerce directement le pouvoir politique. Tandis que dans le « régime représentatif », le peuple ne fait que désigner des dirigeants qui exerceront ce pouvoir pendant un temps donné — le temps de leur mandat — durant lequel ils n’ont absolument aucun compte à rendre au peuple. Ce qui est le cas en France : le peuple n‘a pas son mot à dire dans l‘élaboration des lois et la politique du pays. Tout au plus se contente-t-il de choisir ses maîtres pour cinq ans, mais une fois les maîtres choisis, ils n’ont aucunement le devoir légal de respecter l’avis des citoyens.
Beaucoup de gens considèrent le régime représentatif comme un régime démocratique, et parlent de « démocratie indirecte » ou encore de « démocratie représentative ». Mais ce terme est un oxymore, car il faut se rappeler de ce que disait l’abbé et homme politique français Emmanuel-Joseph Sieyès à propos du régime représentatif. Sieyès était un homme politique français contemporain de la révolution française, il fut membre du gouvernement sous la Première République en tant que directeur, puis fut nommé deuxième consul lors de l’instauration du Consulat, pour finir membre du Sénat conservateur et Comte d’Empire sous Napoléon. Mais surtout, il fut l’un des artisans et ardents défenseurs du régime représentatif, tel qu’appliqué encore aujourd’hui, qu’il opposait à la démocratie et contre laquelle il se battra toute sa vie, allant même jusqu’à lui préférer l’Empire napoléonien. Sieyès, dans un discours prononcé le 7 septembre 1789 lors d’un discours devant les parlementaires, dira ceci à propos de la démocratie et du régime représentatif :
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Dire de l’abbé Sieyès, sur la question du Véto royal, à la séance du 7 septembre 1789)
Voilà qui a le mérite d’être clair : le régime représentatif a non seulement été pensé en opposition à la démocratie, mais il a été instauré pour lui faire barrage ! Donc parler aujourd’hui de « démocratie représentative » est un non-sens absolu ! Autant que parler de « démocratie dictatoriale ». Soit le régime est une dictature, soit c’est un régime représentatif, soit c’est une démocratie. Mais ces régimes étant en opposition les uns les autres, on ne peut parler de « démocratie représentative ». Et tous ceux qui défendent le régime représentatif en l’appelant « démocratie » sont de deux catégories : les premiers ont oublié ce que « démocratie » veut réellement dire, et se sont fait abuser par les seconds, et Sieyès se rit de ceux-là depuis sa tombe ; et les seconds maquillent délibérément le régime qu’ils défendent en l’appelant « démocratie ». Car cela donne au régime représentatif l’aura attrayante, l’image populaire et vendeuse de la démocratie, considérée comme le régime le plus légitime dans l’esprit de beaucoup. Mais ils abusent délibérément les gens en faisant cela. Car il ne faut jamais oublier que, quand un partisan du régime représentatif s’appelle un « démocrate », il fait exactement ce que faisaient — et font toujours — les dictatures communistes du XX° siècle quand elles nommaient leurs pays « République populaire de Chine » ou encore « République démocratique d’Allemagne ». Les termes « populaire » ou « démocratique » sont ici employés pour donner l’impression d’un régime démocratique, mais ils sont galvaudés, et ces deux appellations sont tout aussi mensongères que celles de « démocratie indirecte » ou de « démocratie représentative ».
Dans une démocratie, le peuple dans son intégralité exerce directement le pouvoir. Donc le terme de « démocratie » sous-entend nécessairement l’adjectif « direct », car la notion de « démocratie directe » est un pléonasme, inventé pas les partisans du régime représentatif pour pouvoir la mettre en parallèle avec celle de « démocratie indirecte » afin de donner un sens à ce terme alors qu’il n’en a aucun, pour poser le régime représentatif comme un « sous-genre » de démocratie et le faire ainsi accepter par les démocrates.  Mais en réalité, il n’y a de démocratie que la démocratie « directe », et parler de « démocratie directe » revient à parler de « vraie Démocratie », donc de « Démocratie », tout simplement.
Et si l’on avait dit à Sieyès que deux siècles plus tard, il se trouverait des gens se pour se croire vivre en « démocratie » dans un régime représentatif, il est difficile de dire s’il aurait explosé de rire, se moquant d’eux allègrement, ou s’il se serait frapper le front avec la paume de la main, dans un soupir consterné, ou encore s’il aurait tout simplement refusé de croire en la possibilité d’une situation aussi invraisemblable à son époque tant la distinction entre les deux était évidente pour tout le monde…
   Mais attention : il ne s’agit pas ici d’attaquer le régime représentatif sur un jugement de valeur ou de le traiter de dictature ! Et il convient de rappeler que le Régime représentatif se distingue de la dictature et se rapproche de la démocratie en cela qu’il est un « État de droit », c’est-à-dire qu’il garantit une — parfois relative — égalité des citoyens devant la loi, mais aussi la séparation des pouvoirs pour éviter qu’une seule institution, ou une seule personne, n’abuse de tous les pouvoirs, ainsi que les libertés individuelles fondamentales, dont la liberté d’expression, ce qui permet aux citoyens de débattre et de manifester leurs opinions, leurs mécontentements ou leurs idées, comme en démocratie. Mais, contrairement à la démocratie, les manifestations et les débats citoyens n’auront alors aucune influence sur la politique du gouvernement dans le Régime représentatif, car le gouvernement, bien qu’élu par le peuple, est libre de ne pas l’écouter une fois élu. On le voit d’ailleurs avec les manifestations dans la rue, bien peu d’entre elles sont suivies par les gouvernements.
Donc le régime représentatif est un type de régime possédant son identité propre, au même titre que l’aristocratie, la monarchie, la théocratie ou la démocratie, et appartenant, avec la démocratie, à la catégorie des États de droit. Donc s’il fallait choisir entre la dictature militaire totalitaire et le régime représentatif, ce dernier serait sans doute le plus désirable des deux. Mais il n’est PAS une démocratie.
   Cela étant dit, on peut défendre le régime représentatif. Car, comme dit précédemment, il fait partie des régimes respectant l’État de droit, assurant la liberté, le respect de l’individu et évitant le totalitarisme. Donc on peut le défendre, mais si on choisit de le défendre, on doit faire preuve d’honnêteté intellectuelle, et assumer que le régime que l’on défend N’EST PAS la démocratie, et cela sans aucun jugement moral ! Car c’est une technique très malhonnête que de le faire passer pour un régime démocratique en utilisant l’oxymore de « démocratie représentative ». On peut défendre ses idées, mais en les assumant, et au moyen d’arguments valides et rationnels, pas de sophismes, de jeux sur les mots, de notions ineptes et incohérentes inventées de toutes pièces ou de formulations fallacieuses.
   Maintenant qu’il est établi que nous ne sommes pas en démocratie, le but des pages qui vont suivre ne sera pas de faire un plaidoyer pour dire en quoi il faudrait que ce soit le cas. Mais plutôt, partant du principe que la démocratie est une bonne chose, mais qu’en même temps elle est compliquée à mettre en place au niveau national (comment demander son avis à un peuple de plusieurs millions d’individus sur toutes les questions politiques ?), comment concevoir un régime qui soit le plus démocratique possible, tout en maintenant des institutions nationales capables de prendre des décisions. C’est donc avec cet objectif que je me propose, en tant que citoyen sans expérience de la vie politique, d’écrire ce texte. Humble contribution au débat sur la démocratie, il ne présente rien de particulièrement novateur, mais condense dans un seul texte le gros des idées qui sont les miennes pour la démocratie.
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Pour exprimer l'intérêt général on peut partir de l'affirmation qu'il est de l'intérêt général que  "chacun ait droit à une existence décente" car c'est le but du Contrat social.
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Oui ... Ça me parait aller de soit ...
Mais mon texte n'est qu'une ébauche rapide, dont la partie principale a été écrite en quelques minutes sur la nappe en papier d'un coin de table ...
Il y a certainement moyen de trouver plein de choses pour le compléter ...
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P.-P.-S. : Aussi, le texte est long (60 pages ^^' je ne m'attendais pas à ce que ce soit si long quand j'ai commencé...), donc prenez le temps qu'il vous faut

Bonjour,
Le sujet m'intéresse, mais ne serait-il pas judicieux d'en mettre sur ce forum, un aperçu ? ...
Et par exemple les titres de chapitres ou de paragraphes ...
Certain malotrus à l'esprit tordu pourraient craindre de télécharger un texte relativement important sans savoir ce qu'il contient ...

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Bonjour à tous ! :D

Étant un démocrate dans l'âme, j'ai souvent réfléchi à l'établissement d'un gouvernement démocratique. Récemment, j'ai pris le temps de mettre par écrit toutes les idées qui me sont venues.
Et puis bon... Comme c'est un peu frustrant de faire un travail de ce genre sans pouvoir vraiment le partager, je me réjouit de voir enfin un sursaut démocratique dans notre pays avec des gens qui se regroupent en masse, sur les ronds-points, les péages et sur internet, pour faire bouger les choses !
Et du coup, je me permet moi aussi d'apporter ma contribution à cette magnifique entreprise humaine qu'est la démocratie.

Je me permet donc de vous partager en format PDF le résultat de mes réflexions, en espérant que vous pourrez y trouver des éléments intéressants ou me corriger sur quelques points qui vous semblent inutiles ou idiots ^^'

P.-S. : Désolé d'avance si vous y trouvez quelques fautes de français et entorses à notre langue, normalement vos yeux ne devraient pas subir de fracture mais bon, sait-on jamais... ^^'

P.-P.-S. : Aussi, le texte est long (60 pages ^^' je ne m'attendais pas à ce que ce soit si long quand j'ai commencé...), donc prenez le temps qu'il vous faut
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"... une méthode d'expression de l'intérêt général ..."
Je ne me représente pas de quoi il s'agit ... Un exemple ? ...

Pour exprimer l'intérêt général on peut partir de l'affirmation qu'il est de l'intérêt général que  "chacun ait droit à une existence décente" car c'est le but du Contrat social. (Vous en connaissez un autre ?)

Cette assertion, peut se décliner en autant de cas particuliers comme :
  •     chaque citoyen a droit à un logement décent
  •     chaque citoyen a accès à une nourriture saine
  •     chaque citoyen a accès à une éducation de qualité
  •     etc...

Il existe une autre façon de construire l'intérêt général : par la négation de doléances. En effet une doléance témoigne du fait qu'un certain citoyen n'a pas une existence décente, par exemple un SDF, son droit  à un logement décent est nié par le gouvernement.

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Il manque un élément essentiel à ce système démocratique : une méthode d'expression de l 'intérêt général. En effet toute décision prise dans un système démocratique doit être conforme à l'intérêt général.
"... une méthode d'expression de l'intérêt général ..."
Je ne me représente pas de quoi il s'agit ... Un exemple ? ...
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Il manque un élément essentiel à ce système démocratique : une méthode d'expression de l 'intérêt général. En effet toute décision prise dans un système démocratique doit être conforme à l'intérêt général.
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